Par : Mustapha Hammouche
Le président d’APC d’Aïn Taya a refusé à une structure locale du RCD l’autorisation de tenir une conférence au motif que le parti en question s’est prononcé pour le boycottage de la prochaine élection présidentielle.
La maire qui, en théorie, tient son autorité de la légitimité démocratique, s’en est remise à sa “tutelle”, pour se décider sur la question de l’octroi d’une salle communale à une activité licite d’un parti agréé.
Ce qui ressort d’emblée de ce geste d’exclusion politique, c’est ce fait que l’administration, et contrairement à ce que veulent exprimer les dénégations répétées de son Premier ministre, se considère en campagne électorale. Car, enfin, et quand bien même l’argument de réserver la parole aux seules formations présentant des candidats fut-il, légalement ou rationnellement, recevable, la prescription ne devrait s’appliquer que pour la période légale de campagne.
Et celle-ci ne débutera qu’à la fin mars. Dans six ou sept semaines !
À l’évidence, le pouvoir veut être seul à faire campagne des mois avant l’échéance !
D’un autre côté, le ministre de l’Intérieur sait bien qu’il a pris une décision qu’il ne pourra pas tenir : il sera bien embêté de la tenir quand il s’agira d’autoriser le FLN, le RND et… l’UGTA, ainsi que la multitude de “partillons” et d’“associations-budgets”, qui ne manqueront pas de se bousculer pour promouvoir un “salutaire” quatrième mandat. Il a donc, de fait, et par avance, assumé la responsabilité de trier arbitrairement entre les organisations et les personnes qui auront droit à la parole et celles qui en seront empêchées.
Les institutions de l’État, gouvernement, wilayas, élus locaux et nationaux, sont, depuis quelques mois déjà, embarqués dans la campagne pour un quatrième mandat de Bouteflika. La croisière de Sellal révèle la division des tâches : les APW lancent des appels à candidature au nom de la population qu’ils sont censés représenter et les walis conduisent la campagne de promesses, relayés par les maires qui, en plus de répercuter l’air des lendemains qui chantent, font les vigiles autour des espaces d’expression pour éviter que ne filtre la moindre voix dissonante.
On commençait à croire que les visites de terrain “prometteuses” du wali d’Alger, dont dépend le P/APC censeur d’Aïn Taya, procédaient d’une réelle volonté de redonner à la ville les attributs conformes à son prestige passé et à son statut de capitale. Les belles intentions commencent à s’accumuler, amplifiées par le réseau de wilaya, d’APC et d’APW qui, soudain, s’initient à des tâches d’études comme celle du diagnostic de la circulation. Mais la diligence déployée par la wilaya pour prévenir une causerie politique à un niveau municipal renseigne sur les priorités de l’administration décentralisée. Les walis font au niveau départemental ce que fait le Premier ministre au niveau national : agiter les promesses de réalisations et réprimer l’expression critique.
En commençant trop tôt, le pouvoir s’est lui-même imposé à un défi dont il aurait pu faire l’économie : il devra trouver le souffle indispensable à une si longue campagne à sens unique, comme les ressources qui lui permettront d’étouffer durablement sa contestation.