Mobilisation exceptionnelle de la police ; armée discrètement mise en état d’alerte ; constitution de brigades d’intervention rapide ; déclarations affolées : l’Algérie officielle a peur de sa rue. Plus que jamais, elle redoute l’effet contagion après les évènements de Tunis.
Les signaux sont en effet, mauvais pour le régime : uatre Algériens ont tenté de s'immoler par le feu ces cinq derniers jours pour dénoncer la pénurie d'emplois et leurs conditions de vie. Or, en Tunisie voisine, la révolte qui a contraint le président Zine al-Abidine Ben Ali à la fuite a eu pour point de départ la tentative de suicide par le feu d'un chômeur de 26 ans, le 17 décembre à Sidi Bouzid. Mohamed Bouazizi est décédé le 4 janvier.
La similitude ne s'arrête pas là. Le quotidien Le Figaro rappelle, dans on édition d'aujourd'hui, que le syndrôme Ben Ali est présent dans le pays. "Alors que les couches populaires tirent le diable par la queue, des fortunes aussi rapides que suspectes s'affichent sans complexe. Comme la belle-famille de Ben Ali, qui avait mis l'économie tunisienne en coupe réglée, des proches du président Bouteflika et des officiers supérieurs ont fait main basse sur la rente pétrolière et le commerce extérieur." Vendredi, dans le quotidien El Watan, un baron de «l'import-import» a révélé les connexions mafieuses de la délinquance du «marché informel» avec les féodalités civiles et militaires.
Pour l'heure, le grogne populaire n'a pas débuté réellement. Si on excepte les quelques collectifs autonomes qui occupent timidement le terrain. Samedi, plus de 200 militants associatifs se sont rassemblés sur la place de la Liberté-de-la-Presse, dans le centre d'Alger, pour conspuer le régime. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie, (RCD) de Saïd Sadi, malgré le rejet de sa demande d'autorisation par le ministère de l'Intérieur, a décidé de passer outre en maintenant son appel à une manifestation, le 22 janvier à Alger.
Le pouvoir, pourtant s'effraye déjà.
Comme à Tunis, le régime algérien continue d'agiter l'épouvantail islamiste pour légitimer sa poigne de fer. Abdelaziz Belkhadem, chef du FLN, justifie le refus lancé au RCD de tenir sa marche, par "le risque terroriste". Personne n'en croit plus un mot.
Parallèlement, il traque la moindre initiative de contestation.
Ahmed Badaoui, l’animateur de l’Association des libertés syndicales (ALS), a été arrêté samedi pour un message SMS qu’il avait envoyé à ses proches et amis à la veille d’une rencontre (tenue samedi dernier), organisée par l’ALS et dans lequel il exprimait son soutien au peuple tunisien tout en faisant le parallèle avec la situation en Algérie. Badaoui a été déféré, hier en milieu d’après-midi, après deux nuits et une journée dans les geôles du commissariat central d’Alger,devant le tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d’Alger, pour répondre de trois chefs d’inculpation, à savoir « appel à la désobéissance civile, outrage à corps constitué et appartenance à une organisation non agréée (en référence à l’ALS qui est une association non encore agréée)»
L’audition a duré plusieurs heures avant qu’Ahmed Badaoui, assisté par un collectif d’avocats, ne soit inculpé puis présenté devant le juge de la deuxième chambre d’instruction, qui l’a placé sous contrôle judiciaire. Il doit se présenter tous les 15 jours devant le juge.
Les choses ne font que commencer...
L.M.