D’Alger, par Hassane Zerrouky
« La levée de l’Etat d’urgence signifie un retour de l’Etat de droit ». Dixit Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères. Un aveu, car c’en est un. Et de taille ! Enfin un officiel algérien qui admet que l’Etat de droit n’a jamais existé en Algérie. Autrement dit, toutes ces condamnations de journalistes pour « diffamation », toutes ces interdictions de manifestations publiques, tout ce verrouillage du champ médiatique et politique, ne sont rien d’autre qu’une violation des droits de l’homme, des libertés d’expression et de réunion.
Mieux, mercredi au cours d’un point de presse de l’Alliance présidentielle (RND, FLN et MSP), Ahmed Ouyahia a même fixé la date de la fin de l’Etat d’urgence: avant fin février ! Mieux, il a estimé qu’ « il ne fallait pas ignorer les évènements en cours dans les pays arabes et islamiques », soulignant en outre « l'impératif d'apporter les solutions adéquates aux problèmes de la jeunesse algérienne ». Ah bon ! Dès lors, pourquoi alors avoir attendu la chute de Ben Ali, puis de Moubarak, et le rassemblement du 12 février place du 1er Mai à Alger, mais aussi à Oran, Constantine, Annaba, Béjaïa, pour faire de telles annonces ? Pourquoi n’avoir pas pris le taureau par les cornes – émeutes sociales, harga, immolations – pour agir ? Voilà les questions auxquelles le pouvoir politique aurait du répondre bien avant d’envoyer au casse-pipe Noureddinne Zerhouni, ex-ministre de l’Intérieur, toujours aussi sur de lui, annoncer quelques jours avant le 12 février, sur un ton péremptoire : « l’état d’urgence ne sera pas levé » ! Voilà, l’ex-ministre de l’intérieur, aujourd’hui vice-Premier ministre doublement désavoué sue ce point précis: d’abord par son supérieur, Abdelaziz Bouteflika lequel n’a pas fixé de date, ensuite par le Premier ministre Ahmed Ouyahia. Bien que publiquement désavoué, il est encore en place ! En fait, cette cacophonie illustre une chose : le pouvoir tente de reprendre la main parce qu’il pense être à l’abri de la contagion démocratique.
Même l’arrogant Mouamar Kadhafi, qui s’est posé en donneur de leçons, se croyant à l’abri de la contagion démocratique, regrettant le départ de Ben Ali, fait face aujourd’hui à des manifestations populaires exigeant un changement de régime. Au pouvoir depuis 1969 – un record de longévité – le guide libyen, qui se voyait à la tête de son pays jusqu’à la fin de sa vie, est aujourd’hui contesté – quel drame ? - contraint de lâcher du lest, d’annoncer des projets de développement, de libérer des opposants, et autres mesures sociales pour calmer la colère populaire. Toutes choses qu’il aurait pu envisager avant.
Mais c’est ainsi. Tout à leur arrogance, les autocrates du Maghreb et du Moyen Orient ne prêtent l’oreille aux souffrances et à la soif de liberté de leurs peuples que lorsque leur pouvoir est ébranlé. Au point, où le recours aux vieux clichés, style « main de l’étranger », « sionisme » et autres, dont ils ont abusé jusqu’à épuisement, ne convainquent que leur clientèle et ceux qui bénéficient des avantages des systèmes en place.
L’argent, dont disposent des pays comme la Libye et l’Algérie, voire le petit Bahrein, ne suffit plus. « Ben Laden ou nous » brandie par ces autocrates pour justifier leurs pouvoir à vie, n’est plus de mode. Le chantage au terrorisme islamiste ne prend plus. Que ce soit en Tunisie ou en Egypte, la révolution islamiste, brandie également par Benyamin Netanyahu pour soutenir son ami Moubarak, n’a pas eu lieu. A-t-on vu les masses tunisiennes ou égyptiennes brandir les portraits de Ben Laden, scander « Dawla islamiya » ou « El islam houa el hal (l’islam est la solution) » ? Non. Ce sont des mots d’ordre démocratiques, voire laïcs qui ont été mis en avant. C’est cela qui fait peur aux régimes en place et à Benyamin Netanyahu qui justifie la politique d’annexion de la Palestine et son refus d’une paix juste, par le danger islamiste. Quant à l’Iran d’Ahmedinejad, qui a brandi la menace de mort envers les contestataires, il a oublié que le Chah d’Iran, qui a usé des mêmes procédés dictatoriaux, a vu sa monarchie de fer, s’écrouler comme un château de cartes.
Une chose est sûre : plus rien ne sera comme avant. La donne a changé : ces régimes, qui ont fait de la succession dynastique – Gamal Moubarak en Egypte, Seif el islam en Libye, Said Bouteflika qui se voyait, dit-on, en successeur de son frère – comme alternative, en sont pour leur frais. A l’heure du Web, des réseaux sociaux (Facebook et Twitter), il est écrit quelque part, qu’il n’y pas de raison, après l’Amérique latine, puis l’Asie, qui se sont débarrassés des dictatures en place, que les pays arabes et du Maghreb restent à l’écart du vent de liberté qui souffle sur la planète sous prétexte que les valeurs de démocratie et de droits de l’Homme sont étrangères à nos valeurs.
H.Z