C’est un leader d’un rare charisme, d’un grand courage et d’un verbe incisif qui s’efface et ce n’est pas rien dans le monde politique algérien où foisonnent arrivistes, médiocres et personnages publics inconsistants et où domine un discours politique indigent : même s’il reste simple militant de son parti, le départ de Saïd Sadi de la présidence du RCD est un coup dur pour le camp démocratique, la lutte anti-intégriste et la politique d’une manière générale. Nul ne peut nier que les grandes avancées dans la reconnaissance de l’amazighité, la défense des libertés publiques et individuelles et dans l’endiguement de la vague islamiste doivent beaucoup à ce parti dont le président sortant a su maintenir le cap même si cela s’est fait, quelquefois, au détriment d’une certaine cohésion des troupes conduisant beaucoup de cadres de valeur à la démission. De ce départ de Saïd Sadi, le premier à en tirer les dividendes est à l’évidence le pouvoir, à deux mois d’une élection dont il a déjà tracé les contours, largement en faveur des anciens partis qui l’ont toujours soutenu et au bénéfice inespéré d’une coalition islamiste bricolée en dernière minute. Aux nouveaux partis, il concéderait quelques sièges pour entretenir l’illusion d’un Parlement pluraliste et conforter l’opinion publique internationale.
La pratique des quotas et la fraude électorale ont été précisément au centre du combat de Saïd Sadi toutes ces dernières années, deux fléaux récurrents, constamment perfectionnés par le régime pour se doter d’une majorité écrasante au sein d’un Parlement auquel il a destiné dès le départ un rôle de simple appendice de l’Exécutif. Les jeux sont faits et rien ne pourrait arrêter la machine infernale du 10 mai. L’Algérie ne vivra pas son «Printemps arabe» comme elle n’a pas vécu les espoirs démocratiques nés de la revendication amazighe de1980, de la révolte des jeunes de 1988 et de l’ouverture politique de 1989. L’analyse de Saïd Sadi n’a jamais été aussi juste : portés à bout de bras par les services de sécurité, des clans politiques bien précis issus d’une guerre de libération inachevée et surtout pervertie se sont accaparés du pays depuis son indépendance lui bradant ses richesse et lui imposant leur idéologie et leur mode de pensée. La persistance de la mainmise de ce système politique, rentier et oppresseur, en dépit de toutes les luttes démocratiques, est le défi posé aux nouvelles générations. Aux jeunes du RCD, Saïd Sadi a remis le témoin avec un bel héritage : la ténacité dans le combat, l’esprit de sacrifice et le cap sur une meilleure Algérie.