Le Quotidien d’Oran 10 septembre 2011
« Tous derrière le peuple puisque le peuple n’est pas derrière nous». C’est le slogan du régime et de ses petits-fils en ces jours de doute et de peur pour la peau et pas pour le drapeau. Le programme «tous unis, même si tous on n’est pas tous riches» vient d’être lancé pour éviter l’effet contagion du cas libyen. La recette ? Ancienne comme les fossiles : expliquer que l’Algérie est visée par un complot. Deux, appeler à la mobilisation contre un ennemie moyen, et crier au terrorisme dans le Sahel ; et trois, expliquer que le pétrole va être volé par des étrangers. Avec quel haut-parleur ? L’habituel Sidi Saïd qui vient de lancer l’idée d’un remake du CNSA (Comité national de sauvegarde de l’Algérie). Le CNSA avait servi à stopper la montée programmée du FIS durant les années 90 et peut servir aujourd’hui à rappeler ce souvenir. La ruse est habile : il s’agit de réactiver le traumatisme des années 90 en parlant du cas libyen et de présenter le régime comme seule barrage possible, comme à cette époque. Pour le sous-titrage, Sidi Saïd ne va pas chercher loin, là aussi, en terme de créativité : la métaphore est celle déjà usée par Boumediene, avocat de la souveraineté nationale par les hydrocarbures.
Que dit Sidi ? «Le pétrole qui est imbibé du sang des martyrs de la guerre de libération nationale et du sang de ceux qui ont défendu l’Algérie contre le terrorisme et que personne ni aucune génération ne peut trahir». Le paradoxe est le même depuis Boumediene : si le pétrole est le sang du martyrs, comment peut-on le vendre dans des barils ? Le Régime n’est-il pas coupable de la plus haute trahison, vendre le sang des martyrs, et nous de la plus haute infamie, en manger chaque jour ? Bien sûr, on n’a pas été consultés quand il s’agissait des grands contrats pétroliers et des grandes concessions, on n’est pas autorisés à se promener près des puits ni dans les comptes de Sonatrach, on ne nous dit rien de ce qu’a fait Chakib Khellil ou pas, mais quand il s’agit de défendre le pétrole, on nous rameute comme un bouclier humain.
Ensuite ? Ensuite Sidi Saïd si peu élu, depuis si longtemps subi, qui n’a rien dit sur rien depuis des mois, ose des définitions de la politique, appelant les Algériens à «se dresser contre toutes velléités d’exportation vers notre pays d’une démocratie définie dans des laboratoires étrangers». La raison ? «On n’en veut pas ! L’Algérie a des traditions ancestrales dans ce domaine, elle les défendra jusqu’au bout !» Quelles traditions ? La fraude, le bourrage d’urnes, l’usage du syndicat comme caisse noire et comme berger électoral, le filtrage des candidatures à la source, le verrouillage de l’ENTV et la matraque et le téléphone en guise de Justice. Faisant dans la poésie, Sidi expliquera à la fin, sans pensée pour les milliers de travailleurs algériens du textile réduit à coudre des souvenirs, que «c’est déjà beaucoup qu’ils nous exportent leur friperie, nous ne voulons pas de leur démocratie !» Que faut-il penser de cette préhistoire qui veut faire l’histoire ? Ce que vous pensez déjà : on nous prend encore pour des moutons. Il y a, comme dit plus haut, un usage ridicule du bouclier humain pour éviter les bombardements ciblés. Le régime essaye de nous rassembler autour de lui pour se faire passer pour nous. La seule différence est donc dans les habits. Vue du ciel, on peut reconnaître le peuple habillé de friperie et le régime habillé d’une fausse démocratie. Facile à cibler donc. Pour le reste, il ne faut même s’étonner de voir Sidi Saïd ne rien dire sur souveraineté habillée de friperie, 50 ans après l’indépendance et beaucoup dire sur la démocratie qu’il veut combattre.