Demain, l’État réunira, par le truchement du Cnes, les “représentants” de la société civile. Demain, on saura de quoi la société civile à l’algérienne est faite.
Une des définitions les plus courantes de la notion de société civile évoque “l'ensemble des rapports interindividuels, des structures familiales, sociales, économiques, culturelles, religieuses, qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre et de l'intervention de l'État”. Mais toutes évoquent l’indépendance qui fait la caractéristique d’une société civile.
Mais la société civile du 14 juin sera réunie par un organisme qui, lui aussi, a restitué l’indépendance attachée à sa mission pour se consacrer un rôle militant d’approbation des politiques sociales et économiques du pouvoir et d’authentification des “performances” officielles, selon la formule affectionnée par son actuel président : “Tous les voyants sont au vert !”
Son application lui vaut donc d’être sollicitée pour participer à cette entreprise de diversion réformiste qui accompagne la répression du désir de changement. C’est justement pendant les trois jours de “pause” de la commission Bensalah, occupée jusqu’ici à écouter la société politique et la notabilité, elle aussi autoritairement définie par la présidence de la République, que le Conseil national économique et social se transforme en commission de consultation pour la société civile “officielle”. Ces commissions, comme la tripartite et comme tous les conclaves maison, n’ont qu’un seul objectif : permettre au pouvoir de couvrir le son des voix revendicatrices de changement et de décider des opinions qui peuvent s’exprimer sur les pseudos réformes. Nul doute sur ce que seront ces voix “autorisées”, au sens discrétionnaire du terme, cette fois-ci.
On ne connaît pas encore la composition de la société civile “réunie”, mais on connaît la société politico-associative consultée ; ses composantes ont cette marque de fabrique : elles relèvent toutes d’organisations qui émargent au budget de l’État. Et c’est à ce titre qu’on leur demande leur avis sur la manière de changer l’ordre en place ! Il n’y a pas de raison pour que la nomenclature de la société civile soit plus ouverte que celle de la société “consultable”.
En théorie, comme dans les saines réalités, les membres individuels ou collectifs d’une société civile s’imposent d’eux-mêmes, comme autant d’avis légitimes et autonomes. Cette légitimité tient au parcours de la personne ou du groupe, à leur implication dans les questions de société, à leur compétence distinctive et, surtout, à leur autonomie intellectuelle et politique reconnue. Ils ne doivent surtout pas leur existence publique au budget de l’État, ni d’agrément pour activer et s’exprimer, ne sont pas sur les “tablettes” des colloques promotionnels des politiques publiques.
Enfin, la société civile ne s’exprime pas sur convocation, mais c’est quand elle juge par elle-même, que les circonstances l’interpellent.
Cependant, demain, ce sera sous le regard inquisiteur d’un pouvoir tout-puissant, que la société civile “choisie” osera parler de réformes.
M. H
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