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la vertu

  • Quand le vice fait dans la vertu

     

    Par : Mustapha Hammouche

    Des “militants” de la sobriété courent les rues de certains quartiers pour rassembler des pétitions appelant à la fermeture de débit de boissons. On a la cause qu’on peut.
    La tenue des femmes et la consommation d’alcool constituent, selon le moment et l’endroit, les grandes questions qui préoccupent une société largement dressée à des réflexes de secte.
    On peut se demander, cependant, pourquoi ces rédempteurs de quartier s’excitent aussi nerveusement autour des boutiques d’alcool et des bars résiduels : l’État va plus vite dans son œuvre prohibitive. Depuis une dizaine d’années, l’on a appris l’existence de toutes sortes de raisons “légales” de fermer un restaurant. Et, étrangement, les cafés aux tables crasseuses et tasses sales, les gargotes aux effluves écœurantes, les usines à graisse dégoulinant sur les trottoirs qui ne succombent jamais à la rigueur de la réglementation. Celle-ci est réservée aux établissements dont l’effort d’investissement et d’hygiène autorise leur classification à une catégorie qui leur permet de servir de l’alcool !
    Si la prohibition avait quelque vertu de sevrage, l’Amérique l’aurait prouvé et le monde l’aurait adoptée. Et si notre pouvoir avait un réel souci de santé publique, cela se verrait dans l’état de nos hôpitaux. Non. Effarouché par l’islamisme violent, nos dirigeants qui, un temps, ont fui le pouvoir, et même le pays, pour certains, sont revenus composer avec des islamistes militairement affaiblis : on abandonne les villages et quartiers à votre code “moral” et à votre business informel mais hallal ; vous nous laissez à notre rente et à nos espaces sociaux offshore ! Ainsi se décline, au plan de la gestion morale de la société, le compromis qui fonde la stratégie politiquement dévastatrice et culturellement régressive de la réconciliation nationale.
    La manière dont Sellal, dans une démarche antiéconomique, a cédé le dernier “pour cent” d’intérêt sur les crédits à la création d’entreprises, aux pourfendeurs intéressés du “riba” illustre cette démarche de renoncement à la rationalité pour gagner la reconnaissance de piété. Ce n’est ni le Sheraton ni Riad El-Fath qui ont à redouter les pétitions : ils n’ont pas de voisins. Et comme la jet-set rentière se déniaise plus volontiers dans les bars de Palma ou les boîtes des “Champs”, comme disent ces familiers de la plus belle avenue du monde, les “neveux” de la caste pourront encore longtemps s’éclater en toute sécurité.
    Les enfants du peuple, embrigadés comme vigiles anti-boissons pour beaucoup d’entre eux, une fois le devoir d’assainir le quartier de ses bars accompli, pourront, le soir venu, s’anesthésier à coups de “zetla” et de “cachets” dans les buanderies désaffectées et dans les rues désertes.
    Paradoxalement, la “morale” pieuse, qui traque l’alcool, sert directement la corruption, ce vice national qui, lui, se porte si bien : la pression conjuguée des forces islamistes et de l’État, tous services confondus, met en effet les gérants de restaurant, bar et autres débits de boissons dans un état de précarité intenable qui les met à la merci de fonctionnaires véreux.
    Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir : il n’est pas sûr que ce soit dans les bars qu’il faille chercher les pires des vices de notre société !


    M. H.
    musthammouche@yahoo.f