L’internationalisation de Sonatrach pourrait affecter les recettes  pétrolières algériennes en réduisant les capacités de l’Algérie à  assurer sa sécurité alimentaire et sans le pétrole, l’Algérie ne peut  assurer ses importations en denrées alimentaires.
A l’horizon 2015, Sonatrach investira 30% de son chiffre d’affaires à  l’international, a indiqué Amor Khelif, professeur à l’université  d’Alger, lors du colloque sur la sécurité alimentaire tenu au CENEAP. Il  relève que la société nationale des hydrocarbures n’assure plus que 45%  de l’activité pétrolière dans le pays laissant ainsi 55% aux compagnies  étrangères dans l’exploration et l’exploitation. Il dira : «Il y a eu  détournement illégal de Sonatrach, car elle n’a pas le droit d’investir à  l’étranger selon son statut». Pour lui, «un accord a été conclu avec  les étrangers pour exporter Sonatrach».
Depuis 2000, l’Algérie a réorienté sa politique énergétique en achetant  des usines de regazéification, en créant une filiale de distribution de  gaz en Europe, plus précisément en Espagne, a-t-il rappelé. Le pays  mise sur les recettes gazières qu’il faudra assurer pour permettre aux  autres secteurs de survivre et notamment assurer ses importations.  Citant une étude de la CREG (Commission de régulation de l’électricité  et du gaz), de mars 2010, M. Khelif indique que les exportations  assurent une sécurité de 40 ans de consommation intérieure.
Le défi, comment neutraliser la rente pétrolière ?
Pour cet expert en hydrocarbures, qui ne lie pas le secteur à la  sécurité alimentaire en Algérie, il est difficile de revenir en arrière  puisque «le secteur des hydrocarbures travaille pour lui-même» et ajoute  que «plus l’économie nationale est en dépression, plus le secteur des  hydrocarbures évolue». Ce qui ramène à réfléchir sur la rente pétrolière  et son usage, il s’interroge alors : «Comment neutraliser la rente et  imposer un contrôle démocratique au secteur des hydrocarbures en Algérie  ?» Il citera le cas de la Norvège, un cas d’école où la tendance de la  prédominance des hydrocarbures dans la croissance économique a été  inversée et ne représente plus que 5% dans le PIB (produit intérieur  brut).
Le cas de l’Algérie, qui use de la rente pour assurer ses importations  en denrées alimentaires, devient avec la raréfaction des énergies  fossiles sans développer des énergies alternatives et s’avère  inquiétant. D’autant que le monde est exposé à cette rareté des énergies  fossiles, notamment le pétrole, avec l’épuisement des gisements  importants, qui provoquera un renchérissement des coûts de production et  d’exploration et même si les prix du pétrole augmentent le poids des  investissements dans le secteur sera lourd à porter pour les pays  producteurs, s’accordent à dire les analystes. Ces coûts sont estimés à  environs 9 dollars par baril, selon Amor Khelif, en raison du  développement d’autres formes d’énergie comme les énergies non  conventionnelles, les énergies renouvelables et les biocarburants.
Cet expert sème le doute sur les réserves mondiales en signalant  qu’elles sont en dessous de ce qui est rendu public, soit 140 milliards  de tonnes de réserves récupérables dans le monde.  Selon un document de  synthèse de la commission de la défense nationale, au Conseil de la  nation, de juin 2008 - au lendemain de la crise alimentaire mondiale –  une augmentation devenue inévitable pour rendre rentables et possibles  les investissements énergétiques colossaux estimés à plus de 16 481  milliards de dollars sur la période 2001-2030.
Insécurité alimentaire
Dans ce document, il est dit «il apparaît aujourd’hui que sans les  hydrocarbures, l’Algérie aurait, à l’instar de beaucoup de pays dans le  monde, connu elle aussi des émeutes de la faim ; c’est fort heureusement  dans une conjoncture financière plutôt favorable que le futur lui  renvoie la gravité de ses vulnérabilités actuelles». Le texte indique  aussi que la crise alimentaire mondiale de 2007-2008 a révélé que  «l’Algérie vit une situation de grande dépendance, par conséquent  d’insécurité alimentaire», la classant ainsi parmi 90 pays  exposés. Le  texte ajoute que «l’insécurité alimentaire qui caractérise l’Algérie ne  renvoie pas seulement à cette crise mondiale qu’elle contribue à nourrir  et dont elle vit les néfastes retombées, mais surtout à l’incapacité  structurelle de l’agriculture algérienne à répondre aux besoins de ses  populations». 
Parmi les nombreuses raisons, il est cité «le grand déséquilibre de  distribution des populations entre le Nord fortement peuplé et le sud du  pays, des conditions naturelles difficiles liées au climat  méditerranéen sec et aride et au relief généralement escarpé, des  ressources foncières limitées avec une dotation de 0,23 hectare par  habitant, là ou il faut en moyenne 0,6 hectare pour nourrir la  population». Autres causes de l’incapacité de l’Algérie à développer son  agriculture, selon la même source, les caprices de la nature et du  climat sec, aride et semi-aride causant ainsi un déficit hydrique.  L’Algérie est exposée à la désertification, les calamités naturelles  comme la sécheresse, les inondations, les dégâts des criquets et autres  prédateurs.
De plus, «le déclin des systèmes de production comme dans  l’agriculture, la pêche et l’élevage sous l’effet combiné de la  dégradation écologique et de l’exode rural, l’inertie du système  traditionnel blé-mouton à très faible rendement, cela dans un contexte  de programmes de privatisation et de développement de l’investissement  dans les domaines agro-industriels qui n’ont pas atteint leurs  objectifs». Près de 70% des besoins caloriques algériens sont importés,  la dépendance algérienne pour les céréales importées étant de 70% pour  la consommation humaine et 30% pour l’alimentation animale, relevait la  commission de la défense nationale du Sénat, en 2008. Enfin,  l’accroissement démographique est un autre élément aggravant puisque «la  population algérienne s’accroît de quelque 450 000 âmes chaque année,  que notre pays comptera près de 60 millions d’habitants en 2050, que le  rythme actuel de la croissance démographique est de loin supérieur à  celui avec lequel évolue la superficie des terres cultivées ou celui  avec lequel évoluent les rendements agricoles».
«Si les hydrocarbures s’épuisent nous risquons une famine »
Selon Foued Chehat, directeur général de l’Institut national de  recherche agronomique (INRA) et docteur d’Etat spécialisé en économie  agricole, rurale et agroalimentaire, dans un entretien lors de la  journée parlementaire sur la sécurité alimentaire : «La sécurité  alimentaire est un vieux concept qui signifie qu’on assure à chaque  individu de la population l’approvisionnement en alimentation pour  vivre. Il s’agit de la disponibilité physique de cette alimentation sur  le marché à travers le territoire national durant toute l’année».
Toutefois, selon lui, «d’où vient cette alimentation ? Si nous nous  arrêtons à cette définition, l’Algérie a donc garanti la sécurité  alimentaire à la population au moins depuis 1970. Sur les marchés, tout  est disponible sauf qu’une grande partie de ce tout vient de l’étranger  en échange de barils de pétrole. Est-ce que nous sommes dans la sécurité  alimentaire ? Il répondra lui-même : «Non ! Car si les hydrocarbures  s’épuisent, nous risquons une malnutrition, voire une famine dans le  pays puisque nous n’aurons pas assez de produits disponibles pour  nourrir toute la population.
C’est le drame de tous les pays du Tiers-Monde aujourd’hui». Il  préconise que «pour un Algérien moyen, il faudra lui assurer 170 kgs de  blé par an. Si on multiplie par 35 millions d’habitants, nous aurons la  quantité de blé à assurer, soit environ 65 millions de quintaux par an  de blé, pas de céréales. Actuellement, on réfléchit autrement. Il ne  s’agit pas seulement de disponibilité, mais de productivité locale».                
 
Les normes de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et  l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en  tenant compte du climat méditerranéen, sont de 2400 calories par jour et  par habitant en m