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le rouge

  • Politkovskaïa : un meurtre en attente de coupables

    Ces derniers jours, les enquêteurs ont multiplié les déclarations encourageantes.
    Ces derniers jours, les enquêteurs ont multiplié les déclarations encourageantes. Crédits photo : STAN HONDA/AFP

    Quatre ans après l'assassinat de la journaliste, l'enquête officielle traîne en longueur. 

    16h03, le samedi 7 octobre 2006. La journaliste Anna Politkovskaïa gît dans sa cage d'escaliers, abattue par balles. Dans son sac, son téléphone portable continue de sonner. C'est Oleg Khlebnikov, son collègue de Novaya Gazeta, qui s'inquiète: il attend un article pour l'édition du lundi. Quatre ans plus tard, Oleg Khlebnikov regarde encore sa montre. À 16h03 précises, il demande à la petite foule rassemblée sur le boulevard Tchystoproudnyi d'observer une minute de silence. Enfants, amis, collègues et anonymes, ils sont 300 peut-être à s'être déplacés, un bouquet d'œillets rouges ou une photo d'Anna Politkovskaïa à la main. «Par votre présence, vous prouvez que la Russie a encore un peuple.» Un peuple têtu, qui a soif de vérité: «Qui est le metteur en scène de cette horrible pièce?», martèle l'actrice Lia Akhedjakova.

    Car le parquet n'a toujours pas identifié le commanditaire. Quant au meurtrier présumé, le Tchétchène Roustam Makhoumedov, il se cache hors de Russie. «Je refuse de croire qu'on ne puisse identifier celui qui a octroyé un passeport au meurtrier, alors qu'il était déjà de longue date recherché par la police», tempête Dmitri Mouratov, le rédacteur en chef de Novaya Gazeta. «Les recherches avec Interpol pour tenter de le retrouver en Europe viennent seulement de commencer. À mon avis cela fait bien longtemps qu'il n'y est plus», observe-t-il.

     

    Cinq dossiers rouverts 

    Après une parodie de procès, au terme de laquelle quatre seconds couteaux ont été acquittés, le dossier est de nouveau entre les mains du comité d'enquête du parquet fédéral. Ces derniers jours, les enquêteurs ont multiplié les déclarations encourageantes. Ils affirment avoir découvert dans la banlieue de Moscou l'usine clandestine où aurait été mise au point l'arme du crime. Un peu en retrait de la foule, Ilya Politkovskii, 32 ans, le fils aîné de la journaliste, ne cache pas son scepticisme: «Il s'agit d'une campagne d'endormissement médiatique. À l'approche de la date anniversaire, le parquet livre des éléments en pâture à la presse pour éviter les vraies questions.»

    Ilya et sa sœur Vera ne croient plus qu'en l'enquête parallèle menée par Novaya Gazeta, qui creuse notamment la piste des liens entre le FSB (les renseignements russes) et les meurtriers. Le procès avait fait apparaître que les frères du tueur présumé, Djabraïl et Ibrahim Makhmoudov, accusés d'avoir suivi la journaliste le jour de son assassinat, étaient en contact avec le FSB. «Nous aurons des éléments à apporter au dossier. Et si le parquet refuse de les inclure, nous les publierons», assure Ilya Politkovskii.

    De son côté, Karinna Moskalenko, l'une des avocates de la famille, espère que la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg entamera «dans les prochains mois, peut-être avant la fin de l'année», l'examen de la plainte déposée en avril 2007. «Nous voulons prouver que l'État russe a doublement failli : il n'a pas su empêcher l'assassinat de la journaliste et a créé les conditions d'une enquête bâclée», explique-t-elle.

    «L'incurie du parquet est un crime qui conduit à d'autres crimes», insiste Dmitri Mouratov, en égrenant les noms des journalistes assassinés ces dernières années. Selon le Comité américain de protection des journalistes (CPJ), 18 meurtres de journalistes restent non élucidés depuis 2000.

    La semaine dernière, recevant à Moscou des représentants du CPJ, le chef du comité d'enquête, Alexander Batrykine, a annoncé la réouverture de cinq de ces dossiers. Faire toute la lumière sur ces meurtres est, selon lui, «une question d'honneur».

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