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les révoltes sociales s’étendent à toute l’europe

  • Les révoltes sociales s’étendent à toute l’Europe

     

    Par Hocine Belalloufi
    source :la nation
    Les révoltes sociales s’étendent à toute l’Europe

    Alors que les négociations se poursuivent en vue de choisir un successeur à Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI, la chute de ce dernier n’annonce-t-elle pas, de manière symbolique, la fin d’un cycle historique, celui d’une politique néolibérale qui régit la planète depuis une trentaine d’années ? Ne préfigure-t-elle pas en même temps l’échec de ceux qui, à gauche, se sont convertis sans retenue au social-libéralisme ? Ne peut-on discerner, dans cette chute provoquée par une femme de chambre, noire, immigrée et mère-célibataire vivant seule, l’identité des acteurs qui mettront fin à cette politique néolibérale: ceux d’en bas, les anonymes, les sans-grades, les sans-papiers, les sans, etc.. ? Enfin, et au-delà de l’aspect strictement judiciaire d’une affaire banalement sordide et sans vouloir le moins du monde porter atteinte au principe de la présomption d’innocence, ne faut-il pas interpréter, de manière allégorique, la promptitude de la police et la fermeté de la justice américaines, comme une marque de réengagement de l’Etat, comme un retour, certes très modeste et nullement irréversible, à un Etat moins injuste et plus attentif au sort et aux droits des dominés ?
    Loin d’être farfelue, une telle lecture de l’«affaire DSK» s’avère déjà possible à propos de la «révolte arabe», dont les médias dominants ont trop tendance à occulter le substrat économique et social au profit de la seule revendication démocratique. La misère, visible à l’œil nu en Egypte mais présente également en Tunisie, a pourtant constitué le principal ressort des explosions populaires dans la région. Or, cette misère découlait directement de politiques néolibérales prescrites et célébrées par les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI…) sous l’œil vigilants des membres du G8.

    L’offensive néolibérale ravage l’Europe

    Toutefois, si certains éprouvent encore quelques difficultés à discerner une contestation des politiques néolibérales dans la révolte des peuples du monde arabe, il n’est plus possible de fermer les yeux dans le cas des pays du Vieux continent. De la Grèce à l’Islande, en passant par l’Espagne, le Portugal, la France, l’Irlande, l’Angleterre, l’Italie ou la Belgique, la crise économique et sociale bat son plein et la révolte gronde.
    Il faut bien avouer que les choses n’ont pas trop changé sous le soleil du capitalisme réellement existant. Les paradis fiscaux tant décriés en 2008 n’ont pas été inquiétés. Les traders ont vu le versement de leurs bonus étalés dans le temps ou payés en partie sous forme d’actions, sans qu’ils ne soient contraints à cesser de spéculer sur les marchés. Les parachutes dorés n’ont pas disparu comme vient de l’illustrer le cas de DSK à qui le FMI a versé une indemnité de départ de 230 000 dollars et une retraite à vie de 50 000 dollars par an.
    Pendant ce temps, ce sont les pays les plus fragiles – ceux du Sud ainsi que quelques autres du Nord à l’instar de la Grèce, du Portugal ou de l’Irlande… – qui paient l’addition. Les Etats d’Europe en difficulté se voient ainsi imposer de véritables Plans d’ajustement structurel (PAS) qui imposent aux catégories sociales les plus défavorisées (chômeurs, fonctionnaires et salariés des entreprises publiques et privées, petits paysans…) de s’acquitter de dettes qu’elles n’ont pas contractées, car ce sont celles de banques privées.
    La rigueur économique que les grands argentiers du G8 exigent des pays endettés fonctionne de toute évidence à sens unique. Elle épargne en effet les grandes puissances de ce monde. Ainsi est-il vrai que la dette publique irlandaise représente 98% du PIB du pays, celle de l’Espagne 65% ou celle du Portugal 47%. Mais cette même dette publique ne représente pas moins de 76% du PIB de l’Allemagne, 78% de celui du Royaume-Uni, 83% de celui la France et 92% de celui des Etats-Unis ! Les lois économiques capitalistes, pourtant présentées comme universelles, paraissent ainsi être gouvernées, elles aussi, par la loi de la relativité.

    La Grèce, première victime

    Premier pays à être touché par la crise, la Grèce a été présentée comme le mauvais élève de l’UE, le tricheur de la classe qui avait trafiqué les chiffres pour entrer dans la zone euro. A la suite de quoi le FMI de DSK, l’UE et la BCE imposèrent, en mai 2010, un mémorandum au pays. Les prêts accordés à la Grèce par les banques s’élèvent à 84 milliards d’euros pour les banques allemandes et françaises et à 250 milliards d’euros pour l’ensemble des banques du Vieux continent. Alors que ces prêts servaient aux entreprises grecques à acheter des marchandises allemandes et françaises, il revenait aux citoyens grecs d’honorer les remboursements en se serrant la ceinture. Appliqué avec zèle par le gouvernement socialiste de Papandréou, le plan d’austérité s’est traduit par le démantèlement des services publics ou leur privatisation, le gel voire la baisse des salaires et, plus généralement, la remise en cause des acquis sociaux…
    Une année après, la potion ayant échoué à guérir le malade, le FMI, l’UE et la BCE exigent un second mémorandum, plus drastique encore que le premier. Le gouvernement du PASOK s’apprête donc à fermer des écoles, à réduire les dépenses de santé, à privatiser l’électricité…
    Face à cette attaque en règle, des grèves ont éclaté (ambulanciers, enseignants…). Le 11 mai 2011, une grève générale de 24 heures appelée par les syndicats a été largement suivie et accompagnée de manifestations dans les principales villes du pays. Quelques victoires ont été remportées. 300 immigrés en grève de la faim durant 44 jours ont obtenu du gouvernement, en mars dernier, un statut légal. En avril, les non-titulaires ont arraché la titularisation de tous les précaires qui travaillent depuis 2001. Le personnel de deux hôpitaux fermés ont reçu des fonds à la suite de manifestations devant le Parlement. La Grèce ne connaît toutefois pas de mouvement permanent de contestation d’ensemble. La répression systématique des manifestations pacifiques par les forces de police constitue par ailleurs un réel motif d’inquiétude.

    L’Espagne, touchée de plein fouet

    En Espagne, le gouvernement de José Luis Zapatero vient de subir une défaite aux élections locales du 22 mai 2011. Certes, les socialistes étant aux affaires depuis 2004, le traditionnel phénomène d’usure du pouvoir a certainement joué en sa défaveur. Mais la raison principale de cet échec électoral réside fondamentalement dans la politique d’austérité menée à la suite de la crise de 2007-2008 qui avait fait exploser le chômage en Espagne. Suivant les conseils du FMI, le gouvernement a fait payer la note aux classes populaires. L’âge de la retraite a été porté à 67 ans, les jeunes et moins jeunes ne trouvent plus d’emploi, le surendettement a poussé nombre de familles à la rue. Le taux d’abandon scolaire est le plus haut d’Europe du fait d’une tendance systématique à la marchandisation de l’enseignement… Pendant ce temps, les profits réalisés par les banques sont plus que confortables. Les victimes de la politique gouvernementale viennent donc de le sanctionner.
    Mais la colère des catégories populaires, que les organisations syndicales traditionnelles n’ont pas relayée, a pris une forme plus active et collective depuis la manifestation de dizaines de milliers de personnes, le 15 mai dernier à Madrid. Organisée par «Democracia Real Ya» (une réelle démocratie maintenant) et «Juventud Sin Futuro» (Jeunesse sans futur), cette manifestation a été suivie, depuis, par l’occupation permanente de la Puerta del Sol, une place située en plein centre de la capitale ibérique. S’inspirant explicitement des révolutions tunisienne et égyptienne – des drapeaux grecs, islandais, mais aussi égyptiens flottaient dans la foule – les occupants réclamaient la fin de la corruption des hommes politiques en scandant : «Que se vayan todos» (qu’ils s’en aillent tous). Ils exigent une lutte résolue et efficace contre le chômage qui frôle les 22% (5 millions de personnes) et qui frappe 45% des moins de 25 ans ainsi que le droit au logement, à la santé, à l’éducation et à la culture.. Le mouvement s’est étendu à toutes les villes d’Espagne.
    Certes, la gauche au pouvoir a été durement sanctionnée dans les urnes. Mais en dépit de sa victoire électorale, la droite ne semble pas davantage crédible aux yeux des dizaines de milliers de manifestants jeunes et moins jeunes. L’ensemble du système politique, qui se réduit à une alternance d’un Parti populaire (PP) et d’un Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui mènent de plus en plus la même politique, semble contesté par un profond mouvement qui questionne et remet en cause les caractères consumériste et inégalitaire de la société.

    Le Portugal résiste

    Le 5 décembre 2010, le Parlement portugais votait un plan de rigueur en vue de ramener le déficit budgétaire de 7,3% du PIB en 2010 à 4,3% à la fin de l’année 2011. Ce plan d’austérité se fixait pour objectif d’économiser 5 milliards d’euros. Pour ce faire, le gouvernement du socialiste José Socrates, soutenu par la droite, a choisi de réduire de 5% la masse salariale des fonctionnaires. La TVA passait quant à elle de 21% à 23%, les pensions de retraites étaient gelées et les prestations sociales plafonnées…
    Cette attaque en règle ciblait donc prioritairement les salariés et les retraités, alors que le chômage, en pleine croissance, atteignait déjà 10,9%. Celui des jeunes était de l’ordre de 23,4%. Quant aux jeunes travailleurs âgés de 15 à 24 ans, plus de 50% d’entre eux disposent d’un emploi temporaire et mal payé. Et alors que le seuil de pauvreté dans le pays est fixé à 422 euros, plus de 10% de la population touchait un salaire minimum de 475 euros, avant déduction des cotisations sociales.
    Le gouvernement a justifié cette politique d’austérité par la peur de scénarios grec et irlandais qui ont vu les organismes financiers européens et internationaux imposer des plans d’austérité. Mais les Portugais ont constaté que les profits des grands groupes économiques et financiers ont augmenté de 14% en 2010 sans que leurs profits ne soient taxés. C’est pourquoi plusieurs grèves générales ont secoué le pays. Celle du 24 novembre a été la plus grande journée de mobilisation depuis la révolution de 1974. Ce jour-là, ce sont 3 des 3,7 millions de salariés qui ont paralysé le pays à l’appel des deux grandes centrales du pays : la CGTP proche du PCP et l’UGT proche du Parti socialiste. Le 12 mars 2011 plus de 300 000 personnes ont manifesté dans les grandes villes du pays, soit la plus grande manifestation jamais organisée depuis celle du 1er mai 1974. Et le 19 du même mois, la CGTP rassemblait 100 000 personnes à Lisbonne.
    Lors de l’élection présidentielle de janvier 2011, les candidats de gauche ont tous été battus par le président de droite sortant Cavaco Silva, en poste depuis 2006. Le taux d’abstention a atteint un record historique avec 53,3%. La victoire de la droite n’a pas empêché le gouvernement de poursuivre sa politique de privatisation des entreprises publiques, de faciliter la règlementation en matière de licenciements…
    La situation étant devenue impossible, le Premier ministre a démissionné le 23 mars 2011 suite au refus des forces de droite d’apporter leur soutien à son quatrième plan d’austérité. De nouvelles élections législatives auront donc lieu le 5 juin prochain. Elles interviendront dans une situation des plus difficiles car la situation économique du pays s’est encore dégradée le 29 mars dernier lorsque les taux d’intérêts de la dette à deux ans ont atteint 7,7% sur les marchés internationaux. La note sur la dette publique du Portugal a quant à elle été dégradée par les agences de notation. Le scénario grec d’une intervention du FMI et de l’UE se précise.

    L’Irlande purgée

    Le plan de rigueur présenté à la fin de l’année 2010 par le Premier ministre de droite Brian Cowen a été qualifié de «purge sociale». Les mesures annoncées sont en effet très radicales. En contrepartie d’un plan d’assistance de 85 milliards d’euros sur trois ans octroyé par le FMI et l’UE, le gouvernement a procédé à des coupes de 2,8 milliards d’euros dans la sécurité sociale, à une réduction de salaires de 1,2 milliard d’euros dans la fonction publique, à une augmentation de 2% de la TVA, à une baisse d’un euro du salaire minimum horaire, à une réduction d’effectifs dans la fonction publique, à une explosion des frais de scolarité (+33%)…
    Les 85 milliards d’euros bénéficieront directement au secteur bancaire (35 milliards) et à la prise en charge de problèmes budgétaires (50 milliards). Le sauvetage du secteur bancaire revient à 60 milliards. Il comprend la nationalisation de l’Anglo Irish Bank. Les multinationales qui ont délocalisé en Irlande (Bank of America, Microsoft, Google, Apple, Hewlett-Packard, Intel…) peuvent se rassurer : l’impôt sur les sociétés (12,5%) n’augmentera pas. Cette aide n’est bien évidemment pas destinée à la population irlandaise mais, avant tout, aux banques françaises et allemandes.
    Ce programme s’avère d’autant plus difficile à digérer pour les Irlandais qu’il fait suite à deux précédents plans. Les indemnités de chômage avaient déjà été charcutées, les salaires des fonctionnaires diminués et 33 000 emplois publics supprimés.
    Le dragon irlandais tant vanté pour son application méticuleuse des recettes néolibérales du FMI s’est finalement dégonflé : endettement très élevé (98% du PIB) et bulle immobilière spéculative, comme aux Etats-Unis. Conséquence, les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2,5 en dix ans (1997-2006), le chômage a grimpé à 14% et le pays est redevenu une terre d’émigration (60 000 départs d’avril 2009 à 2010).
    La population n’est pas restée passive face à au cataclysme qui s’abattait sur elle. Le 27 novembre, près de 150 000 manifestants sont sortis crier leur ras-le-bol dans les rues du pays. Trois mois plus tard, lors d’élections législatives anticipées du 27 février 2011, le parti de droite (Fianna Fail) du Premier ministre était durement sanctionné. Cette formation du Premier ministre, qui disposait de 40% des voix issues des législatives de 2007, n’en a plus que 15% ! Quant à son groupe parlementaire, il est passé de 70 députés à une vingtaine. Son allié, le parti des Verts, a été éjecté du Parlement. Mais les choses sont relativement complexes dans ce pays puisque la percée du Labour Party (20%) et du Sinn Féin de Gerry Adams (10%) ne peuvent masquer la victoire du Fine Gael, un parti de droite qui remporte 36% des voix.

    Mesures sans précédent en Angleterre

    Quelques mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement de coalition (Tories et Libéraux démocrates) dirigé par David Cameron a adopté un plan de rigueur qui devait se traduire par la disparition de 600 000 emplois dans la fonction publique et de 700 000 emplois dans le secteur privé. Les taxes d’étude ont quant à elle connu une hausse prodigieuse. Cette sélection sociale par l’argent sera renforcée par la suppression du programme Aimhigher qui facilitait l’accès à l’université des jeunes issus des milieux populaires.
    Face à cette offensive, le mouvement étudiant a réagi rapidement, massivement et radicalement. Le 10 novembre 2010, les jeunes Britanniques sont descendus dans la rue après avoir pris d’assaut le siège des Tories (le parti du Premier ministre). Le sentiment de trahison était particulièrement vif à l’égard des libéraux démocrates (Libdems) qui s’étaient engagé à ne pas augmenter les taxes universitaires. Utilisant Facebook, les mouvements de jeunes vont organiser une journée nationale de mobilisation le 24 novembre. Ce sera une grande réussite avec une participation record de 130 000 manifestants étudiants et écoliers dans plusieurs villes du pays. Les étudiants ont également appelé toutes les victimes de la politique d’austérité du gouvernement à converger pour mener la lutte ensemble. Les syndicats ont appelé de leur côté à en faire de même à l’instar du plus grand syndicat britannique, Unite, qui a déclaré par la voix de son leader qu’il travaillait à une alliance de résistance.
    Mais ce mouvement reste encore faible et embryonnaire et ne semble pas en mesure d’entraver l’offensive du parti conservateur (Tories) et des Libdems.

    Le volcan islandais

    Petit Etat insulaire perdu dans le grand froid de l’Atlantique nord, près du Groenland, l’Islande n’est convoquée au devant de la scène médiatique qu’à l’occasion de ses terribles et fameuses irruptions volcaniques qui menacent de paralyser tout le trafic aérien transatlantique.
    La situation sociale et politique de ce minuscule Etat de 320 000 habitants est en revanche totalement passée sous silence. Elle est pourtant du plus grand intérêt, pour les victimes des politiques néolibérales. La crise financière de 2008 avait provoqué la faillite des banques. Après avoir nationalisé les trois principaux établissements bancaires, le gouvernement de droite, sous la pression de la population, démissionna. Les élections législatives tenues quelques mois plus tard déboucheront sur un doublé historique. Primo, sur la victoire d’une coalition constituée de l’Alliance (sociaux-démocrates, féministes et ex-communistes) et du Mouvement des verts de gauche. Secundo, sur la nomination d’une femme au poste de Premier ministre.
    Mais la faillite d’une banque en ligne (sur internet) va provoquer une crise sans précédent. L’UE exigeait du gouvernement islandais qu’il rembourse 3,5 milliards d’euros de dette à l’égard des Pays-Bas et du Royaume-Uni, des pays vers lesquels étaient tournées les opérations bancaires d’Icesave. En janvier 2010, le nouveau gouvernement islandais fait voter au Parlement une loi qui permet d’opérer ce remboursement. On s’acheminait alors vers un scénario à la grecque, chaque Islandais devant rembourser 100 euros par mois sur une durée de 8 années. Mais le président de la République, s’appuyant sur les pétitions de dizaines de milliers de signatures, en décida autrement. Refusant de ratifier la loi, il initia un référendum qui permit au peuple islandais, le 6 mars 2010, de rejeter à 93% la loi de remboursement.
    Dans la foulée, le pays décida de se doter d’une constitution écrite. Pour ce faire, on convoque des élections à une Assemblée constituante le 27 novembre 2010. Les électeurs choisirent 25 constituants sur 522 candidats. Réunis depuis février 2011, les constituants planchent sur un projet de loi fondamentale qui sera adopté cet été. Parmi les mesures qui pourraient figurer dans le texte, il y a la laïcité (séparation de l’Eglise et de l’Etat), la séparation des pouvoirs exécutifs et législatives ainsi que la nationalisation de toutes les ressources naturelles !
    Mais les néolibéraux ne désarment jamais. Se présentant comme l’incarnation de la démocratie sur terre, les dirigeants européens n’hésitent pas à refaire voter, autant de fois que nécessaire, les peuples récalcitrants. Ainsi les Irlandais qui avaient rejeté le «Traité simplifié» de Lisbonne furent été invités à revoir leur copie pour permettre au texte constitutionnel d’être adopté. La même démarche vient d’être adoptée en Islande au mois d’avril 2011. Mais le non, en dépit d’un recul certain, est arrivé largement en tête avec un peu moins de 60% des suffrages. Depuis, Britanniques et Hollandais, soutenus par les milieux financiers européens et américains, menacent d’ester l’Islande en justice. Affaire à suivre.

    Le bras de fer français

    En France, l’objectif principal des forces libérales est de casser l’Etat-Providence tel qu’il a été ébauché au cœur même de la résistance au nazisme. Les forces libérales s’acharnent en particulier sur le système de retraites par répartition.
    La première manche a incontestablement été remportée, à l’automne 2010, par le gouvernement de droite de Nicolas Sarkozy qui a fait adopter sa loi contre la volonté des salariés et d’une majorité de Français qui jugeaient le texte injuste et illégitime. Mais cette victoire n’a pas sonné le glas de la révolte populaire. La France semble connaître temporairement une situation d’équilibre des forces.
    Il ne s’agit-là que d’un sursis, d’un intermède car l’objectif ultime de la droite est de tuer le système de retraites par répartition pour lui substituer un système par capitalisation basée, non plus sur la solidarité entre travailleurs et générations mais sur l’épargne individuelle de chaque salarié isolé.

    De grandes batailles à l’horizon

    Loin de faire preuve de retenue, à la suite de la crise économique de 2008 qui provoqua tant de dégâts économiques et sociaux (faillites de banques et d’entreprises, chômage…), les forces politiques et gouvernementales libérales ont repris l’offensive, en Europe et dans le monde, pour faire payer la crise aux salariés et aux couches défavorisées. Ceux des pays les plus fragiles en premier lieu.
    Loin de renoncer à leurs dogmes, ils les appliquent avec encore plus de force afin d’achever le travail de démantèlement de «l’Etat providence» qui était basé sur un consensus relatif entre classes sociales opposées. Les industriels et autres financiers étaient bien évidemment les principaux bénéficiaires de ce système de régulation et de gouvernance. Les salariés bénéficiaient en retour d’un certain nombre d’avantages sociaux (sécurité de l’emploi dans la Fonction publique, contrat à durée déterminée, sécurité sociale, réduction de la durée du travail…).
    Mais ils doivent faire face à l’émergence de résistances sociales traditionnelles (syndicales, politiques…) et nouvelles (mouvements de jeunes à travers les réseaux internet, mouvements écologistes…) qui s’affirment chaque jour davantage et qui cherchent les voies et moyens de ne pas payer la crise du système capitaliste international. De la capacité de ces forces anciennes et nouvelles à converger et à élaborer une alternative dépendra en grande partie l’issue de la présente bataille.

     

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