PARTI DES TRAVAILLEURS
De l’art de s’opposer à… l’opposition
Dans la lointaine commune de Boukhadra, dans la wilaya de Tébessa, il fut un président d’Assemblée populaire communale qui, à un jeune qui se plaignait de sa misère sociale, prescrivit une immolation. Le P/APC en question, aujourd’hui suspendu de ses fonctions, a été élu sur la liste du parti de Louisa Hanoune. Le jeune, qui s’est immolé et est décédé, Mohcin Bouterfif, était un militant du parti de Saïd Sadi. Faut-il s’étonner, dès lors, que Louisa Hanoune récidive dans l’invective à l’endroit de l’opposition, le RCD plus particulièrement ?
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - L’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, auquel elle destinait ses diatribes itératives, parti, renvoyé à l’occasion du dernier remaniement ministériel, la secrétaire générale du Parti des travailleurs réoriente et focalise ses attaques contre l’opposition politique. Dimanche, au lendemain de la marche interdite et réprimée brutalement par les forces anti-émeutes, Louisa Hanoune, commentant la manifestation, s’en est prise aux initiateurs de la contestation. Pour elle, la marche a été un échec. L’appréciation est troublante de similitudes avec le commentaire du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales. Encore que les autorités sont dans leur rôle de minimiser de l’impact et de la réussite de l’initiative de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). C’est de bonne guerre, comme dirait l’autre. Mais il y a, pour le moins qu’on puisse noter, de l’inconséquence à se réclamer de l’opposition tout en s’évertuant avec zèle et acharnement à casser de l’opposition. Or, c’est ce à quoi s’est justement adonnée dimanche la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, qui a cru devoir affirmer que les gens ne se sont pas mobilisés parce que cela ne se peut derrière un parti libéral, allusion faite au RCD. C’est fort de légèreté ! Si la marche n’a pas eu lieu, c’est uniquement parce que le pouvoir l’a interdite et que, pour la réprimer, a déployé un arsenal impressionnant de forces antiémeutes, barricadant les rues et ruelles de la capitale, assiégeant la place du 1er- Mai, suspendant ce jour le trafic ferroviaire. On ne peut, et c’est basique, juger de la mobilisation dans une manifestation publique, la marche, en ce qui nous intéresse, que si elle avait bénéficié des conditions normales à son organisation et à son déroulement. Or, la marche du samedi 12 février a été réprimée. Une répression qui ne semble pas avoir chagriné la patronne du Parti des travailleurs. L’opinion aurait voulu entendre Louisa Hanoune s’en tenir à dénoncer, même timidement, l’interdiction de la marche et la répression des manifestants, plutôt que de s’ériger en massue assénant le coup à un parti de l’opposition. Mais il semble qu’il est des positions que le Parti des travailleurs ne peut prendre au risque d’accentuer ses inconforts politiques. L’intégration dans la cour coûte. Elle coûte de voler au secours du pouvoir en place dès qu’il est confronté à des situations délicates. Quitte à jouer au pyromane. «Si tu as du courage, fais comme Bouazizi, immole-toi par le feu», a dit le P/APC de Boukhara au jeune Bouterfif. Lorsque l’on se rend capable de recruter et de faire élire de telles personnes prescrivant l’immolation, le reste, tout le reste ne surprend pas. On peut, par exemple, crier inlassablement, comme Louisa Hanoune le fait durant plusieurs années, à la dissolution du Parlement tout en se gardant de se retirer. On peut s’en prendre à des ministres tout en préservant le chef de l’Etat qui les a nommés. On peut même se découvrir quelques sédiments du trotskisme tout en accomplissant la contremarche révolutionnaire.
S. A. I.