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mémoire

  • Justice et mémoire

     

    Par : Mustapha Hammouche

    Le Comité des droits de l’Homme des Nations unies a condamné l’Algérie dans deux nouveaux cas de disparition soumis par le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA).
    Le comité, composé de personnalités indépendantes, observe l’application, par les États parties, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’Algérie a été condamnée, par le passé, pour six autres cas de disparition.
    Dans la foulée, l’instance onusienne proclame que “l’ordonnance n°06-01 portant mise en œuvre de la Charte (pour la paix et la réconciliation), ne fait que promouvoir l’impunité et ne peut donc être jugée compatible avec les dispositions du pacte”, parce qu’“en déclarant toute plainte ou dénonciation relative aux crimes des années 1990 irrecevable, les textes d’application de la Charte privent les familles de disparus du droit fondamental à un recours effectif”.
    On remarquera que la position du comité juge le texte sur “la réconciliation nationale” incompatible avec le pacte relatif aux droits civils et politiques car il empêche les familles de disparus de recourir à la justice dans le but de faire établir la vérité et les responsabilités dans la disparition de leurs proches. Il n’est point question de victimes du terrorisme.
    C’est que la cause des victimes des terroristes a été, pour ainsi dire, très vite entendue.
    L’euphorie envoûtante de la promotion du “candidat du consensus”, rappelons-le, a imposé la confusion entre deux illusions : la magie d’une “réconciliation nationale” et la virtualité d’une “paix” qui en découlerait. Les manifestations du miracle de cette “réconciliation” en marche ont consisté à la diffusion de renoncements télévisés de proches de victimes. Les tués furent réconciliés avec leurs tueurs par procuration.
    Dans les familles des victimes, dans la société civile et dans la classe politique, des voix qui, la veille, constituaient encore des cibles potentielles du terrorisme islamiste, s’étaient élevées pour saluer la lumineuse idée de concéder l’immunité inconditionnelle aux terroristes qui admettent de se refondre dans la société.
    Puisqu’il est d’actualité de faire l’inventaire des dommages causés au pays, à l’économie et à la morale publique de ce pays en particulier, la communication du Comité des droits de l’Homme des Nations unies tombe bien pour nous rappeler que nous avons largement contribué au viol du minimum de principe qui fonde un État de droit. En renonçant ainsi à de valeurs élémentaires, comme celle du droit de toute victime à une justice, pour ne pas perturber le confort politique d’un régime qui, d’emblée, a revendiqué la toute-puissance, nous avons largué un peu de nos âmes de citoyens. Rappelons-nous : ce n’est plus à la mode, l’échec sécuritaire de la “réconciliation nationale” étant consommé, mais dix ans durant, on était sommé d’être pour la “réconciliation nationale” ou pour le terrorisme. Nous avons massivement applaudi au plébiscite d’une loi qui, pour une catégorie d’individus, la pire, suspend la loi.
    Au moment où nous nous faisons les hérauts de la justice, sur un terrain défriché pour nous par la justice italienne, l’avis du Comité des droits de l’Homme des Nations unies sonne comme un rappel de nos compromissions.
    Décidément, nous aurons, d’abord et toujours, un problème de mémoire.

    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr