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Mad Max
Par : Mustapha Hammouche
L’été caniculaire de cette année a révélé l’imprévoyance nationale en matière de besoins énergétiques. Si la défaillance de l’offre d’électricité a été spectaculairement constatée, le déficit, tout aussi avéré, en production de carburants, a été couvert par une recrudescence précipitée des importations. La récolte nationale devait nous dispenser d’importer du blé pour le restant de l’année 2012, mais erreur de projection, l’État a dû se raviser, prendre son porte-monnaie et repartir faire son marché à l’étranger.
Comme dans l’urgence, le gouvernement a commandé des centrales, à mazout pour certaines, il devrait importer encore plus de gasoil qu’il n’en achetait jusqu’ici. Avec de l’argent, on peut acheter du mazout et du blé. Mais pas de l’électricité. Pas même du logement. Il nous faut donc plus d’argent pour installer des centrales, pour les approvisionner en carburants quand elles ne sont pas à gaz, en attendant de construire des raffineries. Et il faut plus d’argent encore parce que l’agriculture ne couvre pas nos besoins en blé comme elle le prétend certaines saisons.
Le gouvernement ne semble pas avoir anticipé cette soudaine aggravation de l’écart entre les besoins de consommation et les quantités programmées à la production et à l’importation. Mais, curieusement, il donne l’impression d’avoir devancé ses propres besoins en trésorerie. Cela fait un temps qu’il s’alarme des fluctuations éventuelles du marché pétrolier et qu’il planche sur une loi qui encourage l’exploration de nouvelles aires et de “carburants non conventionnels”. Il est même allé vite puisqu’il est rare qu’un projet de loi de cette importance soit ainsi bouclé en quelques mois.
Pendant que le pouvoir concevait l’instrument qui permettrait d’élargir les concessions d’exploration minière des Hauts-Plateaux, au Nord et au littoral, les discours de l’après-pétrole, des énergies renouvelables et du développement durable fonctionnaient en berceuses pour endormir les férus de notions altermondialistes. Même le gaz de schiste est à vendre alors qu’on ne sait même pas si l’on en a et que les hydrocarbures conventionnelles ne sont pas exploitées à leur optimum.
Mais qu’à cela ne tienne ! Il faut dévorer tout ce qui peut se bouffer sur ce sol et en dessous. Des parts du stock de terres agricoles, déjà passablement érodées et grignotées par les constructions illicites, les zones industrielles et les nouvelles “villes” vont être cédées à la construction de cités. Tous les deux ans, le gouvernement réitère une décision de suspension de l’article qui, dans la loi sur l’eau, interdit l’exploitation de carrières de sable d’oued et de plage. Le lobby de l’économie de la nuit peut ainsi prospérer au détriment des biotopes les plus sensibles du pays. Pendant que les oueds se dessèchent et que la plage disparaît, la forêt brûle de plus en plus souvent et dans ses parties les plus précieuses, parcs nationaux compris.
Enfin, tout se passe comme si l’Algérie ne devrait pas exister après nous. Dans ce rapport patrimonial que nous avons avec notre pays, nous nous comportons comme si nous devions consommer un butin qui n’appartient qu’à notre génération. Et il serait normal qu’il disparaisse en même temps que nous ! Car, au train où vont les choses, c’est un terrain perforé, asséché, déboisé, pollué de partout que nous léguerons aux suivants. Un désert sans même la beauté d’un désert naturel. C’est Mad Max.