Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mourir de paix et en silence

  • Mourir de paix et en silence

     

     
    Par : Mustapha Hammouche

    Après l’attentat qui a ciblé un commissariat, le directeur général de la Sûreté nationale s’est rendu à Tizi Ouzou, mais n’y a rien dit. Ni lui, ni aucune autorité locale ou centrale.
    C’est bien le seul pays au monde où un attentat terroriste ne prête plus à un aucun commentaire officiel.
    Dans la presse nationale, en général si prompte à se lancer dans le commentaire, souvent avant même que l’information ne soit accomplie, un vrai malaise se lit dans les modes d’annonce de l’évènement. De la complainte du genre “La Kabylie frappée au cœur” au “bourreau déchiqueté”, présentant la mort du kamikaze comme principal résultat de l’attentat à “Tizi Ouzou achève son s’hour sur le fracas d’un attentat kamikaze”. Et quand on commente, c’est pour tenter une démonstration par l’absurde du genre “Attentat de Tizi : Al-Qaïda s’essouffle”.
    Il faut dire que l’objet de la communication pose problème. Le terrorisme ne devrait plus exister du fait de la “réconciliation nationale”. “La paix” est réputée “revenue”. On nous le répète à longueur de déclarations. Mais les faits étant têtus, et pour se sortir du paradoxe, le pouvoir a dissocié le discours sur le terrorisme réel, sanglant, et le discours sur le terrorisme fictif, réconcilié. Le premier est l’objet du langage sécuritaire dont usent les institutions directement investies de la lutte armée contre le terrorisme ; le second est l’affaire du langage politique conçu pour louer la réussite du régime à travers la réalisation de sa mission, prioritaire, de nous ramener la paix.
    Le premier discours, “de terrain”, longuement alimenté par les interventions de l’ancien ministre de l’Intérieur, Zerhouni, consiste à rassurer sur l’efficacité des mesures appliquées et des moyens déployés et à minimiser la capacité de nuisance du terrorisme “résiduel” en réduisant ses crimes à de “derniers soubresauts de la bête blessée” ou, comme l’écrivait, hier, un confrère, à une preuve d’“essoufflement”.
    Le second lexique dérive du discours politique, véritable catéchisme popularisé par le mimétisme de rigueur chez tous les locuteurs officiels et officieux.
    Il ignore carrément les actes terroristes, anomalies survenant dans un contexte apaisé grâce à la politique du pouvoir. Malvenu aux chevets des morts et blessés, ce propos se fait absent les jours de drame. Il reprendra de plus belle dès que les flaques de sang seront essuyées et les murs calcinés ravalés et repeints. Et avec quelle diligence !
    On peut se demander s’il n’est pas attentatoire à la santé mentale d’une société que de la contraindre à célébrer “la paix revenue” et à subir l’horreur renouvelée de massacres récurrents. Ailleurs que dans les îlots sécurisés, qui ne le sont pas par la “réconciliation nationale” mais par des moyens physiques impressionnants, on doit ainsi vivre à la fois dans l’enthousiasme politiquement commandé et dans l’angoisse qu’impose la réalité de la menace.
    Dans cette situation “schizophrénogène”, la société qui, dans un premier temps, avait développé des réflexes d’autodéfense, est élevée, depuis une décennie, dans la culture de l’accueil du bon terroriste de retour.
    Nous voici désarmés devant le terrorisme, jusque dans le verbe. Et voilà pourquoi nos responsables sont contraints au silence à chaque fois qu’ils entendent le bruit de victimes qui tombent.

    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr