Par : Mustapha Hammouche
Les encouragements présidentiels n’ont pas été, avant-hier, d’un grand secours au “onze” algérien, à Rustenburg. Ni les promesses de primes fédérales, qui pourraient dépasser le million de dollars pour les joueurs, ni celles, dix fois plus élevées, de Nedjma — qui s’arrange toujours pour être là où flotte le drapeau — n’auront pas été assez motivantes pour que notre équipe surpasse celle de la Tunisie. À côté, les Tunisiens venaient enfin d’encaisser une prime de 15 000 euros que l’État leur devait depuis leur qualification, aux quarts de finale de la CAN… 2012 ! Ce n’est pas la bousculade de la Coupe du monde de 2010, où les contributions fusaient de toutes parts (Nedjma, Coca-Cola, Puma, Sonatrach, Cevital, Kia, Peugeot, et l’on en oublie certainement), mais, à un tel tarif, les joueurs de Tunisie font figure de smicards devant les nôtres qui, en plus d’être gâtés par le Trésor public, suscitent, à chaque échéance, la cohue des sponsors devant le vestiaire des Verts. Une chose semble sûre : s’il y contribue peut-être un peu, l’argent ne fait pas la réussite d’une équipe nationale. Les Tunisiens ne pourraient alors y parvenir, n’en ayant pas les moyens par les temps qui courent. L’argent motive, mais, apparemment, seulement jusqu’à un certain point. Après, et conformément à la loi économique de l’utilité marginale, il peut provoquer l’effet inverse : celui de pourrir l’esprit du bénéficiaire. Qui perçoit, alors, ce qui est censé représenter la récompense de son effort, comme un tribut qui lui est dû. Le sponsor et la fédération paient le privilège de la signature du joueur. Le club, aussi, car notre championnat est conçu comme un univers d’échange de stars, et ce, malgré la médiocrité du niveau technique général, une médiocrité telle que le football local n’est qu’à peine représenté dans la sélection nationale, au lieu d’en être le pourvoyeur essentiel. L’usage politique qu’en fait le pouvoir explique sa prodigalité budgétaire envers l’équipe de football seule. À côté, ce même pouvoir ne s’est pas soucié de la suspension de la compétition de handball durant plus d’une année. Mais pour le handball, combien de divisions… de tifosis ? À cet empressement politique, s’ajoute le sponsoring “patriotique” : celui qui atteste du nationalisme et de la “citoyenneté” des entreprises parce que celles-ci affichent leur soutien aux “couleurs nationales”. On l’aura remarqué à l’occasion de la lamentable expérience de “professionnalisation” du championnat national : le monde des affaires est plus disposé à sponsoriser le sport qu’à investir ! L’image à prix réduit, mais pas le risque financier ! Étrange paradoxe, aussi, que cette réalité : dans un pays qui endure un niveau tragique d’évasion fiscale, on enregistre une forte propension au sponsoring. Du football, bien sûr. Et non pas d’autres sports, d’autres arts ou d’autres bonnes actions. En Algérie, le financement philanthropique ne profite qu’aux candidats qui sont sûrs de gagner, et aux footballeurs, même s’ils sont beaucoup moins sûrs de gagner. On ne va tout de même pas se soucier du salaire d’un parachutiste ou de celui d’un agent de sécurité de base pétrolière : vivants, ils sont contraints à l’anonymat. C’est justement ce que l’on voulait : que Rustenburg nous fasse oublier In Amenas. Pour le moment, c’est raté. M. H. musthammouche@yahoo.fr