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  • Le FFS, le général et l'instinct du signal brouillé


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    Salima Ghezali
     



     
    Quand un communiqué du MDN vient rappeler qu’il n’est pas convenable de donner le titre de « grande muette » à l’ANP, on peut s’étonner que ce type de préoccupations se manifeste par ces temps où ne manquent pas les sujets d’intérêt à caractère militaire. On peut, par ailleurs, partager le souci (pour ne pas dire le problème) de la précision dans le domaine de l’information concernant l’ANP. On peut également se souvenir, à ce propos, d’une anecdote qu’aimait à raconter feu Abdel Hamid MEHRI : C’est l’histoire d’un homme convoqué à l’école où son fils, élève en première année, posait quelques problèmes à son instituteur. Ce dernier explique au père que son rejeton refuse de répondre aux questions du maître de classe et  n’accepte ni de lire ni d’écrire à la demande. Interrogé, le garçon répond à son père que l’enseignant exige qu’il répète les lettres après lui, et que s’il accepte de dire A, il devra, à la suite de l’enseignant, dire toutes les autres lettres de l’alphabet et que ce faisant il deviendrait un simple perroquet. L’enfant posait ainsi un problème récurent des sociétés fondées sur la défiance. A qui veut communiquer, il y a toujours un risque à prendre.

    Par ailleurs, et toujours sur le terrain de l’expression militaire (ou des militaires ou sur les militaires), un général français, auteur de plusieurs ouvrages de stratégie militaire et de géopolitique, et également, partenaire d’entreprises algériennes dans le domaine de l’Intelligence économique, a publié un article sur la situation politique algérienne, à l’occasion de la mort du général Med Lamari.

    Comme, à notre connaissance, aucun général algérien ne s’exprime-publiquement- de la sorte, on peut en déduire qu’en termes de communication, y compris sur l’Algérie et sur l’armée algérienne, un général français dispose de plus de moyens d’expression qu’un général algérien. Vu sous cet angle, le problème gagne en complexité. Soit on accepte le principe que les vis-à-vis étrangers de nos généraux s’expriment sur eux plus librement qu’eux-mêmes, avec les avantages que confère l’arme médiatique à ceux qui en disposent. Soit on défend le principe d’une expression individuelle publique au sein de ce corps particulier. Et alors on risque de regretter les temps bénis du muet.

    Cette tension (théorique) entre deux possibilités, également inconfortables, est généralement tranchée dans les pays les moins avancés en développement démocratique et institutionnel, auxquels nous appartenons, par l’adoption de la première option qui consiste à laisser l’avantage de la communication à l’adversaire. Dans ce cas on ne comprend pas la nécessité d’ouvrir le chapitre de la communication de l’ANP et comme on dit chez nous, « Laisse le puits avec son couvercle ». Même si par temps de globalisation aucun puits n’est à l’abri.

    Le général Pinatel, qui a été chargé de mettre sur pied l’Observatoire de la désinformation, est également adepte des neurosciences, spécialiste de l’intelligence économique et diplômé de sciences politiques, il développe ses vues dans de nombreux ouvrages comme, La guerre civile mondiale ou L’instinct du signal faible. On retiendra des nombreuses publications et interventions de ce théoricien de la guerre moderne, qu’il ne néglige pas les conduites de soumission attendues dans une vision du monde militaire où au concept Clausewitzien de la guerre, vue comme une continuation de la politique par d’autres moyens, se rajoute le principe de Sun Tzu qui voudrait que l’avantage stratégique aille à celui qui gagne la guerre sans avoir à combattre.

    Une grande partie de l’actualité mondiale trouve son explication dans cette vision du monde où la guerre déborde de son cadre traditionnel pour devenir permanente, médiatique, économique, mondiale, mêlant les sphères civiles et  militaires et brouillant tous les signaux.

    Pas de quoi inspirer le Président Bouteflika qui, après avoir menacé les Algériens de les laisser à leur médiocrité, en 1999, appelle le peuple algérien à se mobiliser comme en Novembre 54 pour les élections du 10 Mai prochain.

    Dans cette ambiance, le FFS continue de peser les avantages comparés de la participation et du boycott, dans le même état d’esprit que le père dont l’enfant ne voulait pas apprendre l’alphabet par peur de devenir un perroquet.

    La défiance des Algériens à l’égard des institutions et du système de pouvoir n’est effectivement pas sans rappeler leur défiance à l’égard du système colonial mais, alors que l’on arrive au cinquantième anniversaire de l’Indépendance nationale, il est pour le moins scandaleux de constater la légèreté avec laquelle des signaux, particulièrement lourds, sont envoyés par les dirigeants en place, en direction de la population.

    Dans son livre l’Esprit d’indépendance, Hocine AÏT AHMED, revient sur "l’esprit de résistance" Fighting Spirit qui est, selon lui, le moteur de l’âme algérienne, rappelant la double exigence d’indépendance et de liberté (Istiklal wel houria) ; le FFS qu’anime cet esprit de résistance, devra prendre une décision et la défendre par l’action. Une question hautement éthique a qui seule l’adéquation, entre les mots et les gestes, permettra de triompher.

    Mais c’est un chinois, lui, également spécialiste des affaires militaires, qui nous le dit : « La puissance militaire ou économique, ne tenant pas compte d’un leadership marqué par l’éthique, est destinée à s’effondrer. »