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  • Sécurité au Sahel et désarmement du Polisario

    l’étau continue de se resserrer autour de l’isolement diplomatique de l’Algérie. Les voisins frontaliers et les grandes puissances veulent agir vite pour rétablir une sécurité durable dans la «zone grise» sahélienne qui s’étend de la Mauritanie au Darfour. Ils ne comprennent plus la schizophrénie et les anachronismes du gouvernement algérien dans l’affaire du Sahara Occidental.

    Les chefs d’état-major et les responsables du renseignement de l’Armée algérienne ont déjà participé à plusieurs réunions de coordination avec leurs homologues sahéliens, alors que Bouteflika n’a toujours pas répondu à l’invitation du président malien Amadou Toumani Touré de réunir un Sommet des chefs d’Etat sur la sécurité au Sahel. 

    Après la reddition des rebelles touaregs, l’ultime entrave qui gêne une action sécuritaire concertée dans la région reste l’armement du Front Polisario et ses accointances avérées avec le terrorisme, les trafics d’armes et de drogue, la contrebande et l’émigration clandestine. 

    Plusieurs études et enquêtes internationales ont dévoilé l’implication des combattants sahraouis dans le terrorisme et l’insécurité qui règne au Sahel. Mais leur impact reste faible parce qu’elles sont soit censurées par les médias algériens, soit noyées dans un discours propagandiste des médias marocains. 

    La Libye et l’Algérie désarment les rebelles touaregs 

    Le dernier fait nouveau qui accentue l’isolement algérien est le revirement intégral du colonel Maâmar Kadhafi, entré depuis quelques années dans une logique de repentance internationale. Le Guide libyen solde l’un après l’autre les dossiers noirs du passif de son règne pour laisser à l’un de ses fils une succession sans tâche, apurée des héritages guerriers et hégémoniques. 

    Jadis allié inconditionnel de l’Algérie, Kadhafi a radicalement pris ses distances. Alors qu’elle était avec Cuba l’un des plus actifs soutiens et fournisseurs d’armes du Polisario, la Libye vient de reconnaître définitivement la marocanité du Sahara. 

    On se rappelle aussi que Kadhafi voulait entraîner la région sahélo-saharienne dans un grand délire sécessionniste touareg en créant une Ligue populaire et sociale des tribus du Grand Sahara, le 10 avril 2006, à Tombouctou. Son objectif était de réunir à terme tout le Sahara en un seul État fédéral. En 2007, les sultans et dignitaires sahariens avaient intronisé Kadhafi «leader des sultans touaregs», en lui remettant le “Tabel du Grand Sultan”, symbole du pouvoir absolu des tribus touaregs. Une délégation avait même été envoyée à Tamanrasset pour solliciter l’adhésion des touaregs algériens. Mais ce projet s’est heurté à l'opposition ferme de l'Amenokal et des notables des Kel Ahhagar du Hoggar et des Kel Ajjer du Tassili. 

    Abandonnant son idée farfelue, Kadhafi a mis un terme définitif à son soutien aux rebelles qu’il a poussé à la reddition. Devenu président de l’Union Africaine, il a exhorté les touaregs à la paix, l'intégration et l'action démocratique. Il a participé à une cérémonie organisée par les tribus touaregs du Niger, Mali et Libye le 6 octobre 2009 à Sebha (sud libyen), où tous les leaders des fronts, mouvements et factions de rébellion ont proclamé la paix totale par l’abandon de la violence, le dépôt des armes, l'intégration dans les sociétés de leurs pays respectifs pour se consacrer au développement. 

    Quelques jours plus tard, le 30 octobre, le stade municipal de Kidal, au nord du Mali, avait réuni plus de 500 personnes, en majorité des notables touaregs venus de Tombouctou, Gao et Kidal, dans le cadre d’un forum consacré à l’unité des rangs de la communauté.

    Le dernier leader touareg récalcitrant, Ibrahim Ag Bahanga, président de l'Alliance des Touaregs du Nord-Mali (ATNM) a décidé de se rallier et appelé au dépôt des armes dans le respect de l’accord d’Alger: “Je m’inscris résolument dans le processus de paix et renonce à l’usage de la violence comme moyen de revendication”. 

    On observe le même sentiment d’apaisement au Niger où le président Mamadou Tandja a décrété le 23 octobre une amnistie aux rebelles touaregs et aux soldats factieux. Cette décision intervient quelques jours après le désarmement des deux fronts rebelles: le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) et le Front patriotique nigérien (FPN).  

    L'Algérie a toujours joué un rôle très actif dans le processus de paix et de désarmement, et s'est beaucoup investi dans les dialogues entre les rebelles et les pouvoirs de Bamako et Niamey. Elle n'a jamais voulu soutenir à ses frontières sud une nouvelle expérience séparatiste comme celle du Polisario. Peu avant les décisions de désarmement et d'amnistie d'octobre, s'était tenu le 12 août à Tamanrasset une importante réunion des chefs d'état-major d'Algérie, Mali, Niger et Mauritanie.

    L'Algérie vient aussi de participer financièrement à l'armement de l'armée malienne et à un programme de désarmement des populations nomades touaregs et arabes au nord du Mali. Doté d'un budget de 50 millions de dollars, ce programme vise la récupération de 10.000 pièces d'armes.

    Les rebelles touaregs ont vite compris que sans l’accord et le soutien d’Alger et Tripoli, la lutte armée était vaine et qu’ils risquaient de perdre leurs vies, leurs territoires et leurs pâturages au profit des nomades arabes et des communautés noires qui remontent de plus en plus vers le nord pour s’installer en pays touareg. La majorité s’est donc rangée à l’idée d’occuper les postes politiques locaux et de s’acheminer pacifiquement vers des formules d’autonomie régionale déjà partiellement en vigueur. 

    Du Plan Sahel Initiative à l’AFRICOM 

    Fin octobre 2009, le secrétaire d’Etat-adjoint pour le Proche-Orient Jeffrey Feltman avait exprimé son inquiétude lors d’une conférence à l’ambassade des Etats-Unis d’Alger: “Nous sommes inquiets de la question du terrorisme dans cette région. Nous croyons fermement qu’il est de l’intérêt de tout le monde de résoudre le problème de la sécurité au Sahel. Cela ne veut nullement dire que notre intention est de remplacer ces pays dans leur rôle”. 

    Mais les stratèges du Pentagone ont déjà mis en place un plan d’action et d’intervention militaire, commencé en 2002 par le financement d’un programme baptisé Pan Sahel Initiative. Le PSI vise à renforcer la sécurité des frontières sahéliennes et fournir l'entraînement et l'équipement, notamment en interception de communications, à quatre pays: Mali, Mauritanie, Tchad, Niger. Le dispositif s'est étendu à l'Algérie, Tunisie et Maroc, établissant ainsi un pont entre le sud du Sahara et le Maghreb.

    A titre d’exemple, le PSI avait apporté son appui militaire, quand il a fallu rapatrier en 2005 les derniers prisonniers marocains détenus à Tindouf. 

    Puis en février 2007, a été mis en place le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (http://www.africom.mil/). Basé à Stuttgart en Allemagne et disposant de personnels affectés aux ambassades et aux missions diplomatiques américaines dans les pays africains, l’AFRICOM coordonne les relations de militaire à militaire entre les Etats-Unis et 53 pays africains, ainsi que leurs organismes de défense et de sécurité. 

    Depuis octobre 2008, l’AFRICOM est devenu un commandement régional unifié, qui a la responsabilité administrative du soutien militaire américain à la politique du gouvernement des Etats-Unis en Afrique. L’AFRICOM avait un budget de 50 millions de dollars pour 2007 et 75,5 pour 2008. Pour 2009, le Département de la Défense avait demandé au Congrès un budget de 292 millions de dollars. 

    Le leadership de l’AFRICOM a été mis en œuvre sans tarder par son chef, le général William Ward, qui avait piloté le 7 février 2007 à Dakar les travaux de la 3e Conférence du Partenariat transsaharien de lutte contre le terrorisme, auxquels ont pris part les chefs d’états-majors et responsables du renseignement du Maghreb (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie) et de cinq pays subsahariens (Tchad, Mali, Niger, Nigeria et Sénégal). Une réunion qui s’est soldée par le déblocage d’un budget annuel de 90 millions de dollars pour pourchasser et neutraliser la mobilité des terroristes dans la région. 

    L’activisme américain au Sahel est de plus en plus inquiétant comme le montre cette dernière information révélée par une dépêche de l’AFP du 20 novembre, citant un communiqué de l’ambassade américaine: “Un avion (américain) a fait un atterrissage difficile hier à quelque 100 km de Bamako. (…) L’avion transportait six passagers et trois membres d’équipage… L’appareil venait d’un pays voisin… Il était au Mali pour des raisons liées à la sécurité … Le type de l’appareil ainsi que sa mission n’ont pas été précisés. Mais les Etats-Unis assistent, avec d’autres pays occidentaux, le Mali dans sa lutte contre les combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi)». 

    On sait que là où s’installent des militaires américains naît subitement un terrorisme plus meurtrier, mieux organisé, mieux armé et hyper médiatisé. 

    Cela a commencé dès février 2003 par le kidnapping spectaculaire et inédit de 32 touristes européens au nord du Tassili qui a mobilisé tous les moyens de la 6ème région militaire. 17 d’entre eux ont été libérés par l’armée à Amguid dans le Hoggar. Les 15 autres ont été transférés par les kidnappeurs dans le désert du Mali et n’ont été libérés qu’après le paiement d’une forte rançon. 

    Cette opération très médiatique et lucrative a attiré de nombreux apprentis terroristes et suscité des vocations parmi la jeunesse désoeuvrée du Sahel. Les kidnappings, vols à main armée, trafics en tout genre, assassinats, règlements de comptes se sont multipliés au Sahel et dans le Sahara algérien. 

    En avril 2006, une embuscade meurtrière s’est soldée par la mort de treize douaniers entre Bechar et le sud de Ghardaïa. Des sources militaires rapportent au journal El Khabar qu’un groupe armé a utilisé des lance-roquettes et des fusils mitrailleurs de grand calibre pour exécuter cette opération. Les véhicules transportant les 21 douaniers ont été brûlés durant l’attaque, carbonisant les cadavres. Selon El Watan, les auteurs de l’embuscade ont été interceptés par les forces de sécurité, une dizaine de terroristes auraient été abattus, et une importante quantité d’armement récupérée. 60 kalachnikovs, 10 lance-roquettes, une vingtaine de pistolets et plusieurs caisses de munitions et chargeurs pour les petites armes et les kalachnikovs ainsi que 7 Toyota, dont 3 appartenant aux douaniers. 

    Mais ce n’est que lorsque la Mauritanie a été durement atteinte que tous les observateurs y ont vu une preuve évidente de l’implication d’éléments du Polisario. Le 4 juin 2005, 150 terroristes attaquent une caserne militaire dans la région de Lemgheity. Bilan: 21 morts, dont 15 soldats et 6 terroristes. Le 27 décembre 2007, les terroristes frappent une deuxième fois lorsque trois soldats mauritaniens sont tués dans la région de Ghalaouiya. Le 16 septembre 2008, un bataillon militaire mauritanien est pris en embuscade par un groupe terroriste dans la région de Tourine, 12 soldats sont retrouvés décapités. 

    On sait que le désert transfrontalier entre la Mauritanie, l’Algérie et le Mali a toujours été contrôlé par les combattants du Polisario qui sont chez eux. Il n’y a aucune différence physique, culturelle et linguistique entre les maures et les sahraouis du sud marocain, sud-ouest algérien et du nord-Mali, du fait de leurs liens tribaux et familiaux depuis des siècles.

    Rien de ce qui peut se passer dans cette zone ne peut échapper à la vigilance ou la complicité du Polisario. Des observateurs ont analysé les raisons de ce nouveau changement idéologique et terroriste dans le comportement des sahraouis, confirmé par les révélations des dignitaires du Polisario. 

    La transformation idéologique du Polisario 

    «Certes, nous ne vivons pas dans une île et tout ce qui touche l’Afrique, le monde arabe et le Maghreb nous touche! Il se peut que l’attente, les déceptions, ainsi que les idées ayant cours au Maghreb puissent toucher quelque peu notamment la jeunesse. Il se peut qu’il puisse se trouver de jeunes Sahraouis intéressés par l’islamisme radical », avait avoué Mohamed Abdelaziz, SG du Polisario au journal algérien L’Expression (23/08/2005). (1) 

    Mustapha Bouh dit Al Barazani, ex-Commissaire politique de l'armée du Polisario, a rallié le Maroc en 1991. Il évoque les origines de ce rapprochement d’une partie des militants de son mouvement avec les courants islamistes radicaux: «Tout a commencé à la fin des années 1980. Des étudiants venus des camps de Tindouf et présents dans les universités d’Alger ou d’autres villes du nord y ont rencontré des membres du FIS qui tenaient le haut du pavé dans les facultés à cette époque. Ils ont été contaminés et sont revenus animés par l’idéologie islamiste»

    En 2005, Hametti Rabani, un des anciens dirigeants du mouvement, a fait un constat très sévère sur l’état d’esprit dans les camps. «Le Polisario est en situation d’échec. La majorité des anciens combattants l’ont quitté et se sont reconvertis dans les affaires en Mauritanie. De nombreux dirigeants historiques sont partis également. Restent pas mal de jeunes. Que peut leur dire la direction? Quel espoir peut-elle leur donner? Aucun, le mouvement est dans l’impasse, alors certains, pour ne pas désespérer, se tournent vers la religion, vers Dieu. Ils n’attendent plus rien des chefs du Polisario mais tout de Dieu. Dieu remplit le vide laissé par l’idéologie passéiste de la direction du Polisario». (2) 

    D’autres observateurs sont catégoriques : «La ville frontalière mauritanienne de Zouérate… avait été investie, des dizaines de maisons achetées à des prix très faibles par ailleurs. Elles logeaient des soldats du Polisario qui avaient quitté Tindouf après les inondations de l’hiver précédent. Les chiffres des deux sites concordaient entre 2000 et 3000 hommes. Désœuvrés depuis le cessez-le-feu, totalement désemparés par la politique de leur direction, dégoûtés par les trafics qui touchent même l’aide alimentaire et aggravent la situation humaine dans les camps, les gens du Polisario sont aux abois et cèdent aux sirènes des plus offrants… Cela fait près de 15 ans que cette soldatesque vit dans une situation de ni guerre ni paix. Elle sait d’évidence que la victoire militaire est une chimère. Elle constate que sa direction ne peut aller vers la paix à cause de l’Algérie. Sans issue elle traficote pour vivre. Les jeunes sont aussi l’objet de ce trafic et avant la Mauritanie, le premier pays à avoir saisi des armes ayant transité par le Polisario est  l’Algérie.»  (3) 

    Lors d'une conférence organisée à l'Université de Genève sur la mutation en cours au sein du Polisario, l'exposé d'Aymeric Chauprade a fait l'effet d'une bombe. Ce professeur de géopolitique à la Sorbonne, directeur des études à l'Ecole de Guerre de Paris, rédacteur en chef de la Revue française de géopolitique a affirmé que «l'évolution du Polisario serait en train de le faire basculer vers l'islamisme radical et le terrorisme.» 

    Proche des services secrets français, il estime à: «500 ou 600 vétérans maghrébins d’Afghanistan qui se baladent, après la chute du régime des Talibans, dans cette vaste zone que j'appelle «l'arc intégriste du Sahara»… Depuis quelques années, on observe qu'un certain nombre de mouvements identitaires locaux, qui avaient, du temps de la guerre froide, adopté le marxisme-léninisme comme idéologie transnationale, changent de référentiel idéologique et optent pour l'islamisme radical.» Chauprade est catégorique : “l'essentiel des troupes d'Al Qaïda dans le Sahel est constitué de transfuges du Polisario… le véritable danger reste la possibilité pour les djihadistes de faire de la région un nouvel Afghanistan”. (4) 

    Les états-majors occidentaux sont alertés et sentent que le statu quo sahraoui sert le terrorisme au Sahel. «Le Front Polisario se trouve aujourd’hui dans un état de délitement avancé qui en fait une menace sérieuse pour la stabilité régionale.» 

    On sait depuis plusieurs années qu’un grand nombre de fondateurs et dirigeants influents ont déserté les rangs du Polisario, soit pour rallier le Maroc, soit pour s’installer en Mauritanie ou en Espagne. On imagine donc aisément que les jeunes sahraouis, qui n’ont pas accumulé de fortunes, suivent un chemin plus radical. Tout en s’autonomisant de l'emprise algérienne, ils tombent sous celle d'un parrainage terroriste ou dans la criminalité organisée. 

    Le Polisario fournisseur d’armes et de drogue au Sahel 

    L'implication du Polisario dans le trafic d'armes est devenu une source d’inquiétude principale des pays riverains du Sahel. Après le cessez le feu en 1991, une nouvelle culture de trafic s’est installée dans les camps. Les combattants sahraouis participent activement au commerce d’armes, de carburant et alimentaires où se fournissent terroristes, rebelles, contrebandiers, trafiquants de drogue ou simples nomades. Le Polisario piochent dans ses stocks d'armes fournies notamment par l'Algérie, mais perçoit également des royalties sur le passage des convois d'armes qui traversent le désert en provenance de Mauritanie ou des zones de conflits armés de la région (Tchad, Darfour)

    On parle ainsi de près de 100.000 kalachnikovs en circulation dans la région du Sahel, d'après des estimations officielles. On trouve aussi des mitraillettes Uzi, des mitrailleuses MAG, des mortiers de 60 mm, des lance-roquettes, des grenades et des munitions. Les gros clients sont les groupes terroristes tels que le GSPC devenu Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), mais également, des barons algériens, marocains et africains de la drogue, ou encore des mercenaires recrutés pour la formation militaire d'opposants à des régimes africains.  

    Des armes auraient été volées à plusieurs reprises dans les arsenaux gardés conjointement par la gendarmerie algérienne et des éléments du Front Polisario à Tindouf. Selon des rapports de plusieurs services de renseignement étrangers, ces armes pourraient avoir été volées par Al-Qaïda qui tente d’élargir ses effectifs et son implantation, ou vendues par des membres du Front Polisario. 

    La presse algérienne a souvent rapporté les récupérations d’armes de guerre par la gendarmerie algérienne, comme le 29 octobre dernier où un arsenal a été saisi à Béchar: deux fusils-mitrailleurs, un pistolet-mitrailleur, un appareil GPS, une paire de jumelles, un téléphone satellitaire et près de 4 tonnes de kif. Ce qui constitue l’équipement standard d’un convoi de narcotrafiquants. 

    Selon un rapport de sécurité qui a été présenté à la réunion de Tamanrasset en août dernier, aux commandements des armées des pays du Sahel, le contrôle militaire des frontières internationales dans la région est presque inexistant, du fait de l’insuffisance de moyens et l’étendue des territoires. Le journal El Khabar rapporte que : «l’Algérie a appelé les pays du Sahel à renforcer le contrôle sur le trafic d’armes dans la région, de craintes d‘arrivée d’armes sophistiquées du Darfour, et qui finiront dans les mains de groupes terroristes, via le Tchad ou le Niger».

    Par ailleurs, la sécurité algérienne a fait état de la complicité d’officiers avec des trafiquants. Plusieurs terroristes arrêtés ont affirmé que des officiers subalternes, des soldats, et des membres de la gendarmerie, sont coupables d’avoir aidé des terroristes et des contrebandiers dans les pays du Sahel contre des pots de vin. 

    Le site algeriatimes.net a rapporté en août une information secret défense reprise par les médias marocains, selon laquelle un convoi du Polisario a été pilonné par des hélicoptères de l'armée algérienne à Lahfira et aurait fait huit morts, cinq personnes de la tribu Bouihate, deux de la tribu Foukara et un de la tribu Oulad Dlim. Ce convoi, composé de véhicules tout terrain, a essuyé des tirs alors qu'il se dirigeait vers les antres du désert pour ravitailler en vivres et en armes Katibat El Moulathamine, groupe armé rattaché à l’AQMI. 

    Outre le trafic d’armes, un autre sujet d’inquiétude concerne l’implication du Polisario dans la recrudescence du trafic de drogue, dont il assure la protection dans sa zone d’influence. Selon le responsable régional de l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC), les trafiquants sud-américains ont franchi un nouveau seuil en utilisant des moyens de plus en plus importants et sophistiqués. “Un Boeing cargo parti du Venezuela a atterri sur une piste artisanale à 15 km de Gao (nord-est) avant de décharger de la cocaïne et d’autres produits illicites”, a-t-il indiqué à Dakar lors d’une conférence de presse. “Il a ensuite voulu décoller et s’est écrasé le 5 novembre”. La quantité de drogue n’est pas connue mais “un Boeing peut transporter 10 tonnes de cocaïne”. La carcasse de l’avion “a été incendiée par les trafiquants pour faire disparaître toute trace. Mais les numéros de référence ont été pris, une enquête est en cours sur le propriétaire. On ne sait pas depuis combien de temps cela dure, on ne peut pas dire si c’est le premier ou le dernier vol de ce type”, a-t-il précisé. “Mais cela pourrait être considéré comme un nouveau mode opératoire et c’est inquiétant”. Il n’y a pas de couverture radar dans cette zone, située à un millier de kilomètres de la capitale Bamako. 

    Une étude très détaillée sur la nouvelle géopolitique de la cocaïne entre la Colombie et le Sahel sous-entend l’implication évidente du Polisario dans les batailles pour le contrôle des routes transsahéliennes et transsahariennes ouvrant le trafic de drogues illicites et des armes vers le Maghreb et l’Europe, qui se déroulent actuellement dans un contexte de faiblesse et d’effondrement d’Etats aux pouvoirs fragilisés. «La présence de terroristes dans le Sahel et le Sahara, et leur implication dans le trafic d’armes pour financer des attaques contre les Etats de la région, représente une menace importante sur la sécurité de l’Afrique et de l’Europe… Il est aujourd’hui à craindre que viennent se superposer aux nombreux problèmes géopolitiques préexistants en Afrique, les conséquences d’un accroissement du trafic de drogues illicites sous forme de répétition du modèle caribéen, du modèle mexicain ou du modèle colombien, voire d’une combinaison inédite propre au continent… L’Afrique émerge comme une plaque tournante prometteuse, forte de routes déjà tracées par des trafics d’armes, de migrants clandestins, et la présence de groupes mafieux régionaux.» (5) 

    L’Algérie est en première ligne du narcotrafic qui transite pour l’Europe. La Gendarmerie nationale a encore déploré dernièrement la mort de deux gendarmes, tués lors d’un accrochage avec les narcotrafiquants qui ont eu recours à l’usage d’armes de guerre. Les barons de la drogue algéro-marocains opèrent entre Tindouf et Béchar avec des armes lourdes achetées au Sahel et montées sur des Toyota Station achetées ou volées en Algérie. 

    Qu’attend l’Algérie pour désarmer le Polisario ? 

    Selon des sources dignes de foi, le général Ahmed Gaid Salah, chef d'Etat major de l'ANP s'est rendu en fin du mois d'août à Tindouf juste après la tenue de l’importante réunion de Tamanrasset des commandements militaires du Sahel. Il a délivré un avertissement à Mohamed Abdelaziz et ses adjoints: “Les milices du Polisario sont devenues un véritable terreau de trafic de drogue, de denrées alimentaires et d'immigration clandestine, chose qui inquiète sérieusement les observateurs internationaux qui considèrent désormais le sud algérien comme une terra nullus”, (territoire sans maître).

    Les camps de Tindouf voient défiler depuis quelques mois des officiers algériens qui effectuent des missions d’inventaire, pour chiffrer avec précision les disparitions d'armes dans l'arsenal du Polisario. 

    «L’Algérie donnait des armes sans compter» a révélé Semlali Abadila, ancien membre de l’armée du Polisario de 1980 à 1983 qui a rallié le Maroc. Lorsque les relations entre les deux pays se réchauffent, «l’Algérie coupe le robinet». Mais à la moindre friction diplomatique, l’Algérie reprend son soutien au Polisario en lui apportant les armes dont il a besoin pour renforcer ses manœuvres militaires. 

    Au fil du temps, le coût exorbitant des manœuvres militaires a incité l’Algérie à ne plus «prêter» les blindés et engins lourds que le Polisario exhibait fièrement devant les délégations étrangères. On peut voir sur les archives du site de l’Agence de presse sahraouie (http://www.spsrasd.info) que les dernières démonstrations de force remontent à 2000 avec six manœuvres militaires, et sept en 2001. Le Polisario faisait défiler plusieurs unités blindées, l'artillerie lourde, la DCA et des bataillons d'infanterie motorisée… prêtés par l’ANP. 

    Le coût global de chaque manœuvre militaire variait entre 800.000 et 1.000.000 de dollars, selon l’utilisation de munitions, grenades, etc … L’Algérie dépensait annuellement, pour les entraînements et démonstrations du Polisario, plus que le budget du HCR en faveur des camps. Ces manœuvres ont finalement desservi les intérêts de l’armée algérienne en pleine lutte contre le terrorisme au nord, comme l’a avoué l'ambassadeur du Royaume Uni à Alger, Graham Hand Stewart au quotidien algérien le Matin du 12/9/2002: «Nous sommes réticents à vendre des armes à l'Algérie. Je dois dire que nous restons attentif que les armes que nous vendons à l'Algérie n'aillent ailleurs. Au Sahara occidental, comme cela a été le cas par le passé». (6) 

    C’est ainsi qu’un embargo a été décrété contre l’Algérie sur plusieurs types d’équipements sophistiqués, comme la vision nocturne, etc… C’est peut-être une coïncidence, mais depuis 2002 il n’y a pratiquement plus de démonstrations et manoeuvres militaires à Tindouf. 

    Composée de sept régions militaires, elles-mêmes divisées en plusieurs compagnies (katibas), l’armée du Polisario présente des signes d’essoufflement évidents. «La seconde région militaire, la plus puissante sur le plan de l’armement, qui contenait dans le passé 2.000 membres, n’en a aujourd’hui que 700 ou 800», selon Semlali Abadila. Même constat pour les autres régions, dont les effectifs se sont effondrés pour ne plus compter que 200 ou 300 combattants chacune. 

    Avec tous les dissidents du Polisario qui ont rallié le Maroc, l’armée marocaine tient à jour un inventaire du potentiel militaire existant, peut-être plus détaillé que celui de l’armée algérienne. (7) 

    Le Maroc ne croit plus aux menaces utopiques de reprise des combats par le Polisario. Il est aujourd’hui hyper protégé par les grandes puissances qui ne permettront jamais qu’il soit agressé. Les généraux algériens le savent pertinemment, mais ils ne savent pas comment sortir politiquement de cet héritage de la guerre froide, une tragédie inutile, créée depuis plus de 35 ans, sur la souveraineté d’un désert aride de 270.000 km².

    Est-il encore opportun de laisser à des sahraouis instables un armement qui peut à tout moment finir entre des mains terroristes et se retourner contre les intérêts de l’Algérie? La diva séparatiste de Laâyoune, Aminatou Haider, a fait plus de mal pacifiquement à elle seule à la diplomatie marocaine que tous les dirigeants du Polisario et leur armement réunis. 

    La situation sécuritaire dans le Sahel a atteint un tel degré de complexité, de nuisance et de convoitises qu’il ne faudra pas s’étonner si un beau jour les stratèges occidentaux décident d’y installer des bases militaires. Et s’ils ne l’ont pas encore fait, c’est peut-être qu’ils sont encore occupés par leur présence en Irak et en Afghanistan. 

    L’isolement algérien vient du mépris affiché par Bouteflika à l’égard des chefs d’Etat voisins avec qui il n’entretient pratiquement aucune relation (Maroc, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad). Ce comportement est totalement inapproprié au statut de leadership géopolitique de l’Algérie au Sahara, et au respect de sa souveraineté à ses frontières. L’armée algérienne n’a aucun intérêt à laisser s’installer l’armée d’une puissance étrangère au Sahel, qui risque de briser l’équilibre du prolongement géo-démographique du Sahara au Sahel et de ses nomades. (8)

    Elle se doit de mettre un terme à toute source de déstabilisation terroriste émanant du sol algérien. Le désarmement du Polisario et la fermeture des camps de Tindouf sont devenus des impératifs de sécurité nationale. 

    Saâd Lounès 

    24 novembre 2009 

    (1) http://www.lexpressiondz.com/article/2/2005-08-23/28914.html 

    (2) http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/le-front-polisario-une-force-de-destabilisation-regionale-412.pdf 

    (3) http://www.lagazettedumaroc.com/articles.php?id_artl=14859&n=546&r=2&sr=852 

    (4) http://www.lavieeco.com/politique/5324-linquietante-connexion-polisario-al-qaida.html 

    (5) http://www.temoust.org/evolutions-recentes-de-la,12037 

    (6) http://www.algeria-watch.org/farticle/sale_guerre/steward.htm 

    (7) http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/Archives_653/html_653/moyens.html