Par : Ameur Ouali
Un chiffre qui vaut bien des discours politiques : 10% de demandes mondiales de visas de court séjour pour la France émanent de ressortissants algériens.
Pendant longtemps, le consulat d’Alger détenait la palme de la plus grosse demande avant d’être déclassé par Moscou. Une précision sémantique : à entrée unique (voyage) ou multiple (circulation), un visa de court séjour appelé
aussi visa touristique ne permet pas de séjourner plus de 90 jours par an en France. Dans bien des cas pourtant, ses détenteurs restent dans le pays en situation de “clandestins”.
Ce risque migratoire, très fort dans le cas de l’Algérie, a rendu les autorités consulaires suspicieuses. Et les Algériens détiennent le record du taux de visas refusés : 35% quand le taux moyen n’est
que de 9,6% en 2008, selon les chiffres publiés jeudi par la Cimade, une association d’aide aux migrants qui a fêté cette année ses 70 ans de solidarité. L’ONG a présenté une enquête sur “les pratiques des consulats de France en matière de délivrance de visas”. Dans ce cadre, elle a conduit une mission d’observation dans six pays, dont l’Algérie où elle a séjourné du 12 au 23 octobre 2009. Se référant à un document officiel, elle observe que les consulats d’Annaba et d’Alger étaient en 2006, ceux qui avaient le taux de refus le plus élevé au monde avec 47,82% et 43,98%. Pessimiste, l’ONG parie qu’il ne descendra pas au-dessous de 35%. Même s’ils forment la communauté étrangère la plus forte, les Algériens arrivent en 4e position en matière de visas délivrés, derrière la Russie, la Chine — deux gros pourvoyeurs de touristes — et le Maroc.
Les Algériens sont en première position des visas de long séjour (installation). Les consulats d’Annaba et d’Oran délivrent des visas biométriques, un procédé que la France entend généraliser en 2012. En raison de l’externalisation au profit de la société VisasFrance, elle n’est pas encore appliquée à Alger. VisasFrance fera partie des sites d’expérimentation des visas biométriques externalisés. La biométrie inquiète la Cimade. La mise en œuvre d’un système d’information sur les visas (VIS), le plus important au monde, va permettre de ficher 100 millions de demandeurs de visas Schengen. Plus généralement, la Cimade dresse un constat “accablant” de la procédure de délivrance des visas. “Entre l’impossibilité d’accéder au consulat, le flou complet des documents à produire dont la liste inexistante ne cesse de changer selon l’interlocuteur, l’argent qu’il faut verser et qui n’est pas remboursé même si la demande est refusée, les délais d’instruction extrêmement variables, les refus oraux sans explication, ni motivation, les informations erronées sur les voies de recours quand le demandeur a la chance d’obtenir une information, on ne sait plus à la fin ce qui apparaît comme le plus choquant”, constate la Cimade.
Ces pratiques ont engendré, selon elle, des “dégâts” pour l’image de la France et favorisé la création de filières d’immigration illégale. Pour améliorer la situation, l’ONG formule une trentaine de propositions, dont la création d’un “droit au visa” pour certains demandeurs. À ces critiques, le ministère de l’Immigration a répondu que la France se flatte de compter avec 197 postes “le plus important réseau de postes consulaires et diplomatiques de l’espace Schengen”. Ce qui, selon lui, “assure aux demandeurs un service de proximité que ne peuvent pas proposer les autres États membres”. “Les postes reçoivent les demandeurs sur rendez-vous, par serveur vocal ou par Internet, ce qui a mis fin aux scènes pénibles des files d’attente dans la rue”, se réjouit-il.
Sans répondre spécifiquement sur le cas de l’Algérie, le ministère assure que 90% des demandes de visa sont satisfaites. Par ailleurs, il assure que “les refus de délivrer le visa sont motivés à partir du 5 mars 2011, en vertu d’une obligation introduite par le code communautaire des visas”, a précisé le ministre dans un document transmis à l’AFP. Selon le ministère, le code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) liste déjà la catégorie des demandeurs pour lesquels un refus doit être motivé. Il s’agit, précise-t-il, de membres de famille de Français, de personnes venant dans le cadre du regroupement familial et des enfants adoptés. Le Ceseda définit aussi, selon le ministère, la liste des documents à fournir à l’appui d’une demande de visa. C’est, souligne-t-il, une liste “publique et uniforme” qui “découle du code frontière Schengen”. Le code communautaire des visas (CCV) adopté le 13 juillet 2009 par l’UE fixe par ailleurs à 15 jours le délai maximal d’instruction des dossiers, “sauf pour les dossiers posant problème”, alors que “les dossiers simples peuvent être traités dans la journée”. Le CCV fixe aussi les frais d’instruction des dossiers : 60 euros pour un visa de court séjour auxquels peuvent s’ajouter 30 euros au maximum si la prestation est externalisée. Selon le ministère, le fichier VIS (visa information system) de l’UE est strictement encadré par la loi et “ne concernera que les visas de court séjour”. La Cimade s’est alarmée de la mise en place de ce fichier qui, selon elle, va stocker les données biométriques de 100 millions de demandeurs de visa. Un chiffre exagéré, selon le ministère, qui parle de 60 millions.