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Le conflit libyen, une aubaine pour le pouvoir algérien
Hamid Guemache
Adoptés en Conseil des ministres, quatre projets de loi relatifs aux réformes politiques, dont celui très attendu du régime électoral, sont passés presque inaperçus. Depuis quelques jours, un seul sujet est au cœur des discussions et des réactions des partis politiques et de l’opinion publique nationale : l’accueil par l’Algérie d’une partie de la famille du dictateur déchu Mouammar Kadhafi et les tensions de plus en plus fortes entre Alger et le CNT.
Le pouvoir a réussi son coup : en accueillant des membres de la famille du Guide libyen et en maintenant sa position de refus de reconnaître le CNT, il a réussi à détourner, au moins temporairement, les regards internes et externes, de ses « réformes politiques » en cours. Les textes des réformes déjà transmis ou qui seront transmis au Parlement ne contiennent pratiquement aucune avancée démocratique. Dans le code électoral, on a beau chercher, on ne trouve que des avancées anecdotiques : les ministres obligés de démissionner pour être candidats, les hommes d’affaires devant choisir entre être député ou gérer leurs entreprises… Dans certains projets de loi, comme celui sur l’information, on assiste à un retour en arrière et une volonté de contrôler les médias, y compris Internet.En fait, pour le pouvoir algérien, le conflit libyen semble être une aubaine. Au début de l’offensive des rebelles du CNT contre Mouammar Kadhafi, le gouvernement avait d’abord misé sur un enlisement de la situation en pensant, à tort, que Kadhafi allait résister pendant plusieurs mois, voire des années. Ensuite, le gouvernement algérien a agité la menace d’Al‑Qaïda qui profiterait de la confusion générale en Libye pour se procurer facilement des armes sophistiquées et se renforcer en recrutant facilement des combattants. Enfin, il a agité la menace d’une présence d’Aqmi parmi les rebelles, notamment à Tripoli.En réalité, la crise libyenne permet au pouvoir algérien de gagner du temps pour faire passer des textes dont le contenu est loin des promesses de réformes. Au début de l’année, après l’éclatement des émeutes dans plusieurs pays arabes dont l’Algérie, Alger s’est engagé en même temps que Rabat à mener des réformes. Au Maroc, on est presque au bout du processus, avec des avancées réelles. La Constitution a été révisée et des élections « libres » seront organisées prochainement. En Algérie, le pouvoir ne veut toujours rien lâcher, y compris sur des dossiers devenus sans intérêt stratégique, comme l’ouverture du champ audiovisuel. Alger empêche en effet les Algériens de lancer leurs chaînes de télévision. Mais le paysage télévisuel algérien est devenu une véritable poubelle : toutes les chaînes, y compris celles dont les contenus peuvent choquer, sont diffusées librement.Certes, la situation en Libye est loin d’être réglée et l’Algérie a de bonnes raisons de s’inquiéter de ce qui se passe à ses frontières. De même que dans la position algérienne, il y a beaucoup de choses vraies. Mais quand il y a le feu chez les voisins, il serait préférable de participer à l’effort collectif pour l’éteindre au lieu de regarder de loin en espérant avoir raison sur un pronostic exprimé. Or, que propose l’Algérie pour aider la Libye à sortir de la crise ? Rien. Absolument, rien. Alger donne l’impression de se satisfaire d’un statu quo dans ce pays et même d’une dégradation de la situation qui lui donnerait raison.Mais en jouant avec le feu du conflit libyen, le pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika risque de se brûler. En Algérie, des partis de l’opposition et beaucoup d’Algériens ne comprennent pas la position du gouvernement sur le conflit libyen. A l’étranger, le doute s’installe et les pressions redeviennent plus fortes.