L’instruction relative aux malversations qui ont entaché la réalisation de l’autoroute Est-Ouest implique de plus en plus le MSP, parti du défunt Mahfoud Nahnah, dirigé aujourd’hui par Bouguerra Soltani. Le fils de ce dernier, déjà cité dans l’enquête préliminaire, vient de faire le tour de quelques banques publiques pour obtenir un crédit de 400 millions de dinars. La garantie qu’il a présentée : un marché d’autoroute en tant que sous-traitant.Les révélations de Khelladi Mohamed, directeur des nouveaux projets à l’Agence nationale des autoroutes, cité en tant que témoin, ont montré comment les marchés de sous-traitance étaient raflés par des sociétés appartenant, dans la majorité des cas, à des militants du MSP, à leurs proches ou à des sympathisants. Selon lui, les trois directions régionales (est, ouest, centre) sous sa responsabilité seraient dirigées par des proches du MSP, que le ministre a « personnellement » nommés. A en croire ses propos, ces directeurs « échappent totalement » à sa hiérarchie et travaillent directement avec Amar Ghoul, pour « gérer » les sociétés de sous-traitants sans passer par l’administration centrale.
« L’objectif est d’octroyer à ces sociétés des marchés sans se soucier de la qualité des travaux réalisés ou des anomalies, comme cela a été le cas, par exemple, de la signature de l’attestation de conformité par deux directeurs régionaux pour la réception d’un chantier – la W2 de Relizane et la M2 de Bouira – sans prendre en compte la sécurité des automobilistes (…). Les deux responsables ont accepté de prendre en compte la date de réception des chantiers pour la garantie, alors que les travaux n’étaient même pas achevés. » Plus grave, M. Khelladi est revenu sur cette affaire de glissières métalliques de protection installées au bord des autoroutes, que le ministre a changées par d’autres, en béton. Selon le témoin, la décision de changement a été prise par Amar Ghoul « lors d’une de ses sorties sur le terrain, sans aucune étude technique au préalable, dans le but de donner le marché à des sociétés qui lui appartiennent ou qui appartiennent à ses proches du MSP et qui exerçaient sans aucune autorisation dans la fabrication des glissières en béton ». M. Khelladi, lors de ses différentes auditions, n’a pas cessé d’affirmer que les sociétés sous-traitantes étaient choisies dans l’entourage du MSP par le ministre ou par son chef de cabinet.
En fait, les accusations du témoin ne sont pas fortuites. Après avoir été à l’origine de l’éclatement de ce scandale, il a mal accepté la tournure des événements, notamment lorsque certains prévenus, comme le secrétaire général du ministre et le chef de cabinet de ce dernier, l’ont mis en cause. M. Khelladi, un ancien commandant de la Gendarmerie nationale, faut-il rappeler, avait fait le déplacement jusqu’à Pékin pour rencontrer les responsables et recueillir le maximum d’informations sur les « malversations » qui entouraient les marchés de réalisation de l’autoroute Est-Ouest et au centre desquelles se trouvent deux hommes d’affaires algériens, Chani Mejdoub et Ahmed Tadj Eddine, qui jouaient en fait le rôle d’intermédiaires entre deux clans du système dont les intérêts ont fini par se télescoper en cours de route pour mettre à nu une immense opération de corruption qui implique le département de Amar Ghoul et, à travers lui, son propre parti.
En riposte et après avoir mis fin à ses fonctions juste après l’affaire, le ministre réagit, mais subtilement. C’est un de ses proches, cadre dirigeant de l’Agence nationale des autoroutes, qui se charge d’enfoncer l’homme par qui le scandale est arrivé. Le responsable aurait présenté lui aussi un dossier au juge sur l’implication de M. Khelladi. Mais c’est Bouguerra Soltani qui va ajouter la cerise sur le gâteau en exprimant, sur les ondes de la Radio nationale, son soutien au ministre et à ses cadres, les qualifiant d’« intègres ».
Le fils de Bouguerra Soltani cité dans l’affaire
B. Soltani n’a pas manqué de laisser entendre qu’il s’agissait là d’une affaire politique, tout comme d’ailleurs l’a souligné Amar Ghoul lors d’une de ses sorties, à travers une déclaration pernicieuse : « La caravane passe les chiens aboient ». Pourtant, dans le dossier, un des prévenus avait, lors de son audition par les enquêteurs, accusé le ministre d’avoir obtenu une commission de Egis-Rout en contrepartie d’un marché à l’Ouest. Des révélations qui, pour l’instant, figurent uniquement sur les rapports, en attendant la fin de l’instruction. La solidarité exprimée en sa faveur par son chef, B. Soltani, est compréhensible, lorsque l’on sait que le fils de ce dernier a été cité dans l’affaire lors de l’enquête préliminaire menée par les éléments de la police judiciaire du Département de la sécurité et du renseignement (DRS) de l’armée. Ce même fils qui avait bénéficié d’une aide de l’Etat pour l’achat d’un bateau de pêche (qui n’a jamais fonctionné) lorsque Amar Ghoul était à la tête de ce département. Il s’agit encore de ce même fils qui, il y a quelques jours seulement, a fait le tour de quelques banques publiques d’Alger pour obtenir un crédit de 400 millions de dinars en présentant comme garantie… un marché de l’autoroute Est-Ouest obtenu en tant que sous-traitant.
B. Soltani, faut-il le rappeler, avait, il y a quelques années seulement, menacé d’étaler sur la place publique des dossiers de corruption, mais s’est tu dès que le parquet général près la cour d’Alger l’a sommé de présenter les preuves. L’affaire de l’autoroute Est-Ouest démontre que chez les responsables du MSP, il y a confusion entre la gestion des affaires de l’Etat et les intérêts purement personnels de ceux qui dirigent le parti. Après l’affaire Khalifa où B. Soltani avait été appelé en tant que témoin, bien sûr, pour s’expliquer devant le tribunal criminel près la cour de Blida sur les fonds de la Sécurité sociale (alors qu’il était ministre) déposés dans les caisses de la banque privée, voilà que son nom risque d’être cité de nouveau.
D’autant que dans l’affaire Khalifa, c’était encore pour un de ses enfants qu’il avait sollicité le patron de Khalifa afin qu’il lui trouve un poste de travail en France, alors qu’il n’avait aucune qualification. Ainsi, que ce soit dans le secteur de la pêche ou celui des travaux publics, les scandales n’ont pas manqué et c’est toujours l’entourage des dirigeants du MSP qui est éclaboussé. Un parti, faut-il le préciser, qui est un des éléments moteurs de l’Alliance présidentielle.
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