Dans le film, il n’y a aucune image ni allusion à la politique algérienne.
On s’attendait à un grand film de cinéma à l’image Des hommes et des dieux, on a découvert un pauvre film d’action, digne des téléfilms que produisent TF1 et France Télévisions. L’Assaut, qui est sorti en salles mercredi, est plus un reportage de propagande pour le Gign qu’une fiction sur une prise d’otages réelle. Ce film a été regardé par 21 millions de téléspectateurs en France et autant dans le monde.
Ce qui est sûr c’est que le film ne dépassera pas ce score au cinéma, puisqu’au final, c’est un grand navet cinématographique, aussi bien sur le plan thématique, du jeu des comédiens, que le côté adaptation de la vérité historique. Le film est sauvé, en revanche, par son côté technique très pointu, plus proche des jeux vidéo que du 7e art. Pour réussir cette prouesse technique, le réalisateur Julien Leclercq (un fan de Star Wars), qui n’a que 30 ans et qui avait 14 ans lors des événements relatés dans le film, s’est servi d’une caméra numérique Arri D21 avec un zoom Panavision, pour obtenir l’effet dit «shutter», qui crée un effet légèrement stroboscopique, déjà expérimenté par Steven Spielberg pour la scène du débarquement dans Il faut sauver le soldat Ryan...
Pour faire un film sur un sujet aussi brûlant que la prise d’otages de l’airbus de 1994, il fallait avoir de la maturité politique, de la maîtrise dans le scénario et surtout le talent de bien raconter des histoires. L’Assaut n’a rien de tout cela. C’est juste un film d’action saupoudré d’une histoire familiale. Car tout le film est concentré sur deux sujets principaux: la vie conjugale d’un membre du Gign et l’assaut. Tout le reste, le réalisateur l’a renvoyé aux calendes grecques. Comme dans Des Hommes et des dieux», le réalisateur de l’Assaut a refusé de donner un cachet politique à son oeuvre, il évitera de parler de l’Algérie, des tensions diplomatiques entre les deux pays. Il a évité surtout de montrer le négociateur algérien, (personnage-clé dans la première partie de cette affaire) qui avait notamment obtenu la libération de tous les otages. Mais au dernier moment, les otages avaitent refusé de descendre de l’avion, car ils croyaient à un piège. Le réalisateur a évité également de parler des politiques, des discussions politiques en haut lieu entre le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, Alain Juppé (qui était comme aujourd’hui ministre des Affaires étrangères) et surtout le Premier ministre de l’époque, Balladur. Les hommes politiques français attendaient beaucoup de ce film. Le nouveau ministre de l’Intérieur français a même fait une commande urgente à son cabinet dès son arrivée. Il voulait voir L’Assaut, avant sa sortie en salles qui était prévue le 9 mars. Lui qui garde d’excellentes relations avec ses homologues algériens, avait la peur de la répercussion de ce film sur les relations entre les deux pays. Mais dans le film, aucune image ni allusion sur la partie politique algérienne.
Autre sujet évité par le réalisateur, l’implication de la compagnie Air France dans cette affaire. Les preneurs d’otages arrivent pourtant, dans un véhicule de la compagnie française et c’est un membre d’entretien affrété par la compagnie qui dépose le paquet dans l’avion pour les terroristes. Sur les 1h 30 que dure le film, plus de 40 mn sont consacrées à la famille du leader du Gign. Une partie qui va ennuyer les spectateurs et qui décrédibilise la version de l’histoire. Le réalisateur aurait dû se concentrer sur la situation à l’intérieur de l’airbus, où la vie s’était organisée entre les otages et les terroristes. Par exemple, quand la nourriture manquait le soir, les passagers (la majorité des émigrés qui rentraient au pays et qui avaient ramené dans leurs bagages beaucoup de nourriture, l’ont partagée avec tout le monde et parfois même avec les membres du commando. Une histoire d’amour avait même commencé entre une jeune fille otage et un membre du commando pirate. Plus les heures passaient, plus le phénomène de Stockholm s’installait dans l’avion. Chaque passager avait une histoire et un parcours, pouvant servir de fil conducteur au film. Par exemple, l’homme qui s’est évadé, était un ancien moudjahid qui était monté au maquis à l’âge de 15 ans. Le réalisateur l’a mal présenté dans le film. Aucune référence aussi n’a été faite à Ferhat Mehenni, qui était également otage et qui avait été reconnu par un membre du commando. Tout ceci pouvait servir d’histoire très crédible au film avant l’assaut final. L’autre faiblesse du film est le déséquilibre dans le choix des comédiens. Les comédiens, qui jouaient les quatre membres du commando du GIA, étaient effacé, par rapport aux hommes du Gign. Ils n’étaient pas crédibles aussi. Ils parlaient très mal l’arabe et encore plus mal le dialecte algérien. La seule chose qu’ils savaient dire c’était «Allah Akbar nahnou djounoud errahmane!» Le stéréotype du terroriste standard qu’on retrouve dans tous les films faisant référence au sujet. Aymen Saïdi, qui est Français d’origine tunisienne et qui interprète le rôle de Yahia Abdallah, le chef du commando, (un algérois de Hydra), n’était pas fait pour ce rôle. Il a été surtout mal coaché par son réalisateur qui lui demandait de regarder Vol 93 de Paul Greengrass, au lieu de regarder le documentaire de Malik Aït Aoudia consacré à cette affaire et qui est le seul film où on entend la voix du commando du GIA. Le réalisateur a choisi (on le comprend) de donner la part belle à Vincent Elbaz, qui n’avait pas la carrure d’une grande vedette. Il a été découvert dans La vérité si je mens et depuis, il a toujours joué des seconds rôles. Au final l’Assaut est un film «dans, avec et sur» le Gign. La référence de Julien Leclercq au film Vol 93 (qui est plus un film humain qu’un film d’action), est une tricherie médiatique pour faire de la pub à son film. On peut même dire que le film est pire que Delta Force de Menahem Golan, qui avait adopté le même principe qu’Assaut: faire de la publicité à une troupe d’élite de l’armée. La différence est que Delta force est une vraie fiction alors que Assaut est un film adapté d’une histoire réelle qui se transforme en téléfilm.
Adel MEHDI