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quand un diplomate justifie la répression

  • Quand un diplomate justifie la répression

    missoum Sbih, ambassadeur d’Algérie à Paris

    El Watan, 25 janvier 2011

    Invité hier par la radio RTL, l’ambassadeur d’Algérie en France, Missoum Sbih – qui a été conseiller du président Bouteflika avant 2005 – est parti chercher des arguments aussi passés de mode qu’absurdes pour justifier la répression contre la marche initiée par le Rassemblement pour la culture et la démocratie, le 22 janvier dernier.

    Le diplomate a cherché vainement à justifier l’injustifiable, mais trop tard, les images de la violence contre une manifestation, pourtant pacifique, avaient fait déjà le tour du monde.
    Les propos de l’ambassadeur n’y peuvent rien, bien qu’il se soit prêté volontiers à l’exercice périlleux de banaliser une répression que tout le monde a vue. C’est ce qu’il a voulu faire en disant : «Ce parti a déposé une demande de manifester et l’administration algérienne a estimé que l’ordre public pouvait donc être troublé et qu’il a donc interdit, si vous voulez, cette manifestation. Il n’y a rien d’extraordinaire. C’est une chose qui existe partout ailleurs. Ça existe ailleurs. Ça existe en France...»

    Mais qui va croire en effet Missoum Sbih ? Nul n’est dupe ! Il n’échappe à personne que l’opposition n’est bâillonnée que dans les pays pris en otages par des dictatures. Et l’Algérie est une des rares contrées où l’on continue encore à interdire de voix les partis d’opposition et à les empêcher d’organiser des marches pacifiques.
    L’entendre dire que cela existe même en France ferait rire peut-être les Français, mais fait franchement mal aux «indigènes» que nous sommes. La couleuvre que le diplomate veut faire avaler aux Algériens est tellement grosse que ses propos sont à la limite du mépris pour nous autres qui sommes, apparemment, immatures pour la démocratie et la modernité. Jugez-en ! Missoum Sbih, qui a été chargé durant le premier mandat de Bouteflika de l’épineux et sensible dossier de la réforme de l’Etat, lance à l’adresse du journaliste de RTL : «Non vous savez, vous avez des critères de démocratie qui ne sont pas, si vous voulez, forcément les nôtres.» Voilà un aveu qui renseigne bien sur l’état d’esprit de ceux qui président aux destinées du pays. Mais là, l’ambassadeur n’apprend rien au commun des mortels. A l’impossible nul n’est tenu. Seulement, l’on ne savait pas que les critères de la démocratie n’étaient pas universels, que la répression pouvait être une exception démocratique.

    Mais une chose est sûre : le diplomate algérien nous fait savoir, et malgré lui, que le bâillonnement des libertés individuelles et collectives, des libertés politiques est une spécificité bien algérienne. Bien plus, c’est une pratique érigée en mode de gouvernance hypothéquant dangereusement l’avenir du pays.
    Poussé par le journaliste de RTL, Missoum Sbih brandira l’alibi démocratique, désormais aléatoire, voire définitivement disqualifié, de la liberté de la presse qui, selon lui, est «entière». Les partis politiques, et en particulier le RCD, «peuvent s’exprimer», rassure-t-il dans un message, au demeurant peu convaincant, livré aux partenaires de l’Algérie. Ce qui dérange en réalité l’ambassadeur et le régime algérien – et là c’est un secret de polichinelle – est que ces derniers se constituent en alternative crédible au système. Chose qui explique évidemment toute la mobilisation policière pour interdire la marche à laquelle avait appelé le parti de Saïd Sadi le 22 janvier dernier. Le diplomate algérien à Paris pronostique en effet que «l’Algérie ne sera pas la Tunisie». Celle d’aujourd’hui ? Peut-être, on n’en sait rien. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’on est en plein dans celle de Ben Ali…

    Said Rabia