Par : Mustapha Hammouche
La réussite du ministère de l’Éducation est dans les taux de réussite à ses examens. Ainsi posée, la règle sera honorée chaque année. Et chaque année plus spectaculairement. Ce qui a abouti à lancer le processus : dans un système scolaire qui se dégrade régulièrement, le nombre de diplômes distribués par l’institution scolaire augmente tout aussi régulièrement.
Le résultat en est que le ministre de l’Enseignement supérieur hérite d’un nombre continuellement accru de candidats aux études supérieures dans une université, elle-même depuis longtemps engagée dans un mouvement de régression scientifique.
Une significative coïncidence illustre cette collusion entre la réussite confondue avec le nombre de diplômes distribués et l’âge scientifique réel d’un pays mesuré à ses capacités d’innovation. Un pays qui améliore chaque année son taux de réussite au baccalauréat se retrouve au dernier rang mondial en matière de potentiel innovant.
Certes Harraoubia dénonce le traitement injuste de son université par l’Insead, sans s’engager, certes, à répondre à l’institut européen, comme l’ont promis certains de ses collègues contrariés par le rapport du département d’État américain sur le trafic d’êtres humains.
Il y a quelque chose d’agaçant, en effet, dans l’œuvre de ces institutions et observatoires qui produisent des rapports et classements internationaux, nous renvoyant une image qui contredit le tableau mythique que nos dirigeants nous brossent à coups de chiffres fictifs. Du taux de participation électorale, au montant du budget en passant par le pourcentage de réussite aux examens, tout est factice ou surévalué. Faute de réussir leur mission de gestion et de développement, les institutions se transforment en lieux de production d’images retouchées d’une réalité sur laquelle elles n’ont plus prise. Même les instances qui se légitiment par la sincérité de leurs instruments scientifiques, comme le Cnes ou l’ONS, sont embarquées dans cette œuvre de maquillage politicien.
Ce n’est pas étonnant que les pénuries, les épidémies, les émeutes et autres manifestations de l’échec permanent nous surprennent à chaque fois, comme ils surprennent les autorités mêmes chargées de les prévenir et qui ont fini par croire à leurs propres projections fictives. Une illusion entretenue par une vigilance soutenue quant à l’image médiatique de leur action et de ses résultats. Réduite à courir derrière les constats de presse ou d’organismes spécialisés, la communication officielle en est devenue une activité de dénégation.
Il suffit pourtant de tromper la vigilance des agents de sécurité, personnel stratégique des établissements publics, pour pénétrer une université, par exemple, et se convaincre de son état scientifique : des universitaires y traînent plus d’indices d’appartenance idéologique que de signes de savoir.
Si on met plus d’enthousiasme à fermer les bars qu’à ouvrir l’université, à promouvoir le hidjab qu’à développer l’activité culturelle, à traquer les femmes aux mœurs douteuses qu’à combattre la corruption, il est normal de récolter les médailles correspondant à nos efforts respectifs. Peut-être gagnera-t-on un jour la palme mondiale de la piété.
M. H