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rapport annuel 2013

  • Human Rights Watch, Rapport annuel 2013

     

     

    31 janvier 2013

    Les nouvelles lois adoptées en janvier 2012, ainsi que l’annonce en 2011 de la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 19 ans et de la mise en place d’importantes réformes constitutionnelles et électorales, n’ont guère donné aux Algériens une plus grande liberté pour s’associer, former des par

    Les nouvelles lois adoptées en janvier 2012, ainsi que l’annonce en 2011 de la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 19 ans et de la mise en place d’importantes réformes constitutionnelles et électorales, n’ont guère donné aux Algériens une plus grande liberté pour s’associer, former des partis politiques ou exprimer leurs opinions. Les autorités ont invoqué d’autres lois et réglementations répressives pour étouffer les voix dissidentes et juguler les activités relatives aux droits humains, notamment la loi de 1991 régissant le droit à la liberté de réunion, qui exige l’obtention d’une autorisation préalable pour les manifestations publiques.

    Les élections législatives de mai ont donné à la coalition au pouvoir dans le pays, le Front de Libération Nationale et le Rassemblement National Démocratique, une majorité de sièges. Plusieurs partis, entre autres une coalition de partis islamistes, ont accusé le gouvernement de fraude électorale. Les forces de sécurité et les groupes armés ont continué de jouir d’une impunité générale pour les atrocités perpétrées au cours de la guerre civile des années 1990. L’État a offert des indemnisations aux familles des victimes de disparitions forcées survenues pendant cette période, mais il n’a apporté aucune réponse à propos du sort qui leur a été réservé.
    Liberté de réunion

    Tout au long de l’année 2012, les autorités algériennes ont continué de limiter fortement la liberté de réunion, recourant à des techniques préventives, bloquant par exemple l’accès aux lieux prévus pour des manifestations et procédant à des arrestations pour empêcher ne fût-ce que l’amorce de contestations publiques, tout particulièrement lorsque le but de la manifestation était jugée politiquement sensible. Ainsi, le 20 avril, la police a arrêté 10 militants du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), un mouvement de jeunes fondé en 1992 autour de la thématique des droits humains et de la démocratisation, devant le bureau central de la poste alors qu’ils se rendaient à un entretien avec un journaliste français, les libérant plus tard dans la journée.

    Le 26 avril, la police a arrêté plusieurs militants qui tentaient de manifester devant le tribunal de Sidi Mohamed à Alger en solidarité avec Abdelkader Kherba, un membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) qui avait été arrêté le 18 avril et était jugé pour incitation directe à un attroupement non armé.

    Les syndicats professionnels indépendants, qui revendiquaient de meilleures conditions salariales et de travail, figurent parmi les groupes qui ont essayé le plus activement d’organiser des manifestations publiques. Les autorités ont souvent empêché leurs activités dans la capitale en assurant une forte présence policière et en obtenant des injonctions judiciaires.

    Liberté d’association

    La nouvelle loi sur les associations, que le parlement a adoptée le 12 janvier 2012, contient bon nombre de nouvelles dispositions qui octroient des pouvoirs considérables au gouvernement pour contrôler les associations. Ladite loi conserve le régime en vigueur d’agrément préalable pour les associations et confère aux autorités de vastes pouvoirs discrétionnaires les habilitant à refuser l’octroi d’un statut juridique à de nouvelles associations sans demander d’abord une ordonnance d’un tribunal. Elles peuvent, par exemple, refuser d’accorder l’agrément à une association dont l’objet ou les buts sont estimés « contraires à l'ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois et règlements en vigueur ». Par ailleurs, elles peuvent dissoudre des associations pour des motifs généraux, notamment pour « ingérence dans les affaires internes du pays », « atteinte à la souveraineté nationale », réception de fonds étrangers sans autorisation préalable et exercice d’activités autres que celles prévues dans leurs statuts. Toute participation à une association non reconnue, suspendue ou dissoute peut donner lieu à une peine d’emprisonnement.

    Liberté d’expression

    La nouvelle loi relative à l’information a supprimé les peines de prison pour les délits d’expression commis par des journalistes, notamment pour diffamation ou outrage envers le président, les institutions publiques ou les tribunaux. Elle a toutefois augmenté le montant des amendes imposées. Elle a également élargi les restrictions frappant les journalistes en exigeant qu’ils respectent une série d’objectifs formulés en termes vagues et en prévoyant des sanctions pouvant être ordonnées par un conseil professionnel d’éthique en cas d’infractions. Les délits d’expression continuent d’être omniprésents dans le code pénal, qui prévoit jusqu’à trois ans de prison pour des tracts, bulletins ou papillons qui sont « de nature à nuire à l’intérêt national » et jusqu’à un an pour diffamation ou injure à l’encontre du président de la République, du parlement, de l’armée ou d’institutions publiques.

    L’ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a été adoptée en février 2006 et offre l’immunité judiciaire tant aux membres des forces de sécurité qu’aux membres des groupes armés, à certaines exceptions près, pour les atrocités qu’ils ont perpétrées lors du conflit civil des années 1990. La charte cherche également à endiguer la poursuite du débat et de l’examen des atrocités commises pendant cette période : elle prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour quiconque « instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ». Il semblerait que personne n’ait été emprisonné en vertu de cette disposition.

    Harcèlement judiciaire

    En 2012, les autorités ont inculpé plusieurs militants des droits humains et dirigeants syndicaux de diverses infractions pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté de réunion ou avoir témoigné leur soutien à des grèves ou des manifestations. Le 18 avril, les autorités ont arrêté un membre du CNDDC, Abdelkader Kherba, devant le tribunal de Sidi Mohamed à Alger, où il était venu exprimer sa solidarité avec des employés du tribunal qui étaient en grève depuis 10 jours et participaient à un sit-in dans le but de réclamer de meilleures conditions de travail pour le personnel du tribunal. Un tribunal a jugé Kherba coupable d’ « incitation directe à un attroupement non armé » et d’ « entrave au fonctionnement d’une institution » et l’a condamné à un an de prison avec sursis. Kherba a été arrêté une deuxième fois le 21 août et accusé d’ « outrage à fonctionnaire ». Il a été libéré par la suite.

    Yacine Zaid, syndicaliste et président de la section de Laghouat de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), ainsi que trois autres dirigeants syndicaux, ont été accusés de « provocation à un attroupement non armé » en vertu de l’article 100 du code pénal. La police les a arrêtés le 26 avril alors qu’ils organisaient un sit-in devant le tribunal de Sidi Mohamed pour dénoncer l’action intentée contre Kherba.

    Lutte contre l’impunité pour les crimes passés

    Khaled Nezzar, ministre de la Défense de 1992 à 1994, a été arrêté par la police suisse en octobre 2011, interrogé, puis libéré sous caution. Le tribunal pénal fédéral suisse (TPF) a engagé une procédure d’enquête à son encontre pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité pour le rôle qu’il a joué en commandant la brutale répression de la résistance armée et des troubles civils en Algérie au cours des années 1990. Le 31 juillet 2012, le TPF suisse a jugé irrecevable son recours en annulation des poursuites. Il demeure en liberté sous caution en attendant la clôture de l’enquête et le début du procès.

    Statut des femmes

    L’Algérie a adopté une nouvelle loi le 12 janvier 2012, imposant un quota de 30 pour cent de femmes sur les listes électorales des partis pour les élections législatives et les élections locales (assemblées populaires de wilayas et assemblées populaires communales). Les femmes ont remporté 31 pour cent des sièges au parlement élu le 10 mai. Néanmoins, le code du statut personnel est discriminatoire à l’égard des femmes dans les domaines de l’autorité parentale, du divorce et de l’héritage.

    Terrorisme et lutte contre le terrorisme

    Les attaques menées par les groupes armés ont été beaucoup moins fréquentes qu’au cours des années 1990. Cependant, Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a continué de lancer des attaques meurtrières, visant la plupart du temps des cibles militaires et policières.

    Après que Bouteflika eut levé l’état d’urgence, les autorités ont transféré dans des centres de détention officiels les terroristes présumés qui se trouvaient « assignés à résidence » depuis plusieurs années sans aucun contrôle juridictionnel. Cependant, de longs retards ont affecté leurs procès, les juges refusant de citer à comparaître certains témoins clés et reportant à maintes reprises leurs audiences. En 2012, les procès de Hassan Hattab, Amari Saifi et Kamel Djermane, trois terroristes présumés détenus au secret pendant plusieurs années et traduits en justice après la levée de l’état d’urgence, ont été plusieurs fois reportés.

    L’Algérie a renforcé son rôle d’acteur régional dans la lutte contre le terrorisme, par exemple en accueillant la réunion inaugurale du Forum mondial de lutte antiterroriste, un groupe multilatéral que les États-Unis ont créé pour étendre les discussions sur la lutte contre le terrorisme au-delà des pays industrialisés occidentaux.
    Principaux acteurs internationaux

    Le 17 octobre 2012, François Hollande, le nouveau président français, a déclaré dans un communiqué qu’il reconnaissait la responsabilité de la République française dans la répression qui a coûté la vie à des dizaines de manifestants algériens à Paris le 17 octobre 1961.

    L’Union européenne, qui a déjà un « accord d’association » avec l’Algérie, a accepté de verser à ce pays une aide de 172 millions d’euros (environ 234 millions de dollars américains) entre 2011 et 2013. Les pays occidentaux voient en l’Algérie un important partenaire dans la lutte contre le terrorisme. À la suite de l’occupation du nord du Mali par des groupes islamistes radicaux en avril, les États-Unis et les pays européens ont accru leur coopération avec l’Algérie en matière de lutte contre le terrorisme.

    Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, les Groupes de travail de l’ONU sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI) et sur la détention arbitraire (GTDA), ainsi que le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont continué à se voir refuser l’accès au territoire algérien.

    La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Navi Pillay s’est rendue en Algérie les 18 et 19 septembre. Elle a salué la plus grande liberté d’expression dans les médias mais s’est inquiétée des restrictions persistantes à la liberté de réunion et d’association. Lors de cette visite, le gouvernement a déclaré qu’il accepterait la demande formulée de longue date par le GTDFI d’effectuer une mission en Algérie.