Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

rapt

  • LEUR MOBILISATION A ABOUTI À LA LIBÉRATION DE OMAR SLIMANA Les Ath Djennadh ne croient pas aux larmes



    146163.jpg

    LEUR MOBILISATION A A l’instar du chef-lieu de la daïra d’Azazga à laquelle elle est administrativement rattachée, Fréha est un des centres névralgiques de ce qui constitue le grand aârch des Ath Djennadh. Elle s’apprête à vivre aujourd’hui un des moments les plus importants de son histoire : des milliers de personnes devraient s’y retrouver pour une manifestation qui n’aura d’égale ampleur que les tristes évènements ayant secoué ces derniers jours toute cette région de la Kabylie profonde.
    Les enlèvements dans cette localité, on en a connus. Tout le monde, ici, garde dans un coin de sa mémoire le souvenir encore frais de ce qu’a enduré I. Lounès entre les 3 et 11 juillet dernier et, surtout, de cette incroyable mobilisation populaire ayant contraint les kidnappeurs à relâcher cet entrepreneur du petit village d’Azrou. La réédition du scénario qui fait la triste actualité dans la wilaya de Tizi-Ouzou, depuis maintenant quatre longues années, avec la tentative d’enlèvement de Hand Slimana, qui a succombé à ses blessures vendredi dernier, et du rapt de son cousin Omar au niveau du faux barrage dressé sur la route des Aghribs, il y a huit jours, ont sonné la mobilisation de tous sans que personne soit prié. «Dès que la nouvelle de l’enlèvement de Omar nous est parvenue, une énorme tension s’est abattue sur toute la région», raconte un chauffeur de taxi clandestin avant de s’étaler dans un long réquisitoire contre Doula (l’Etat) et son incapacité d’assurer la sécurité des citoyens et de se poser la même lancinante interrogation qui taraude les esprits, partout en Kabylie : «Pourquoi nous ?» lance-t-il juste avant la fin de sa «course» à l’entrée du centre de Fréha et de nous indiquer quelques lieux où s’adresser pour les besoins du reportage.
    La colère à fleur de peau
    Fréha, dans la matinée d’hier, où la nouvelle de la libération d’Omar Slimana a vite fait le tour, on s’interrogeait sur les suites à donner au mouvement qui a pris une toute autre tournure depuis que Hand — Hidouche comme on aime affectueusement à l’appeler ici — a succombé à ses blessures. Sans que cela surprenne, dans cette petite ville de Fréha qui ne cesse de s’agrandir, on ne saurait converser d’autre chose que du drame ayant touché la famille Slimana. «Ce sont de braves gens qui ont réussi dans leur vie. Le regretté Hidouche, par exemple, a sorti de la précarité des dizaines de jeunes de la région, comme moi, qu’il employait dans son entreprise de travaux publics», raconte ce jeune homme d’une trentaine d’années environ, N. S. M. A., avant d’être brutalement interrompu par un gars, d’apparence à peine plus âgé pour s’en prendre vertement à… quelques titres de la presse nationale arabophone. «Ecrivez-le dans votre journal Certains de vos confrères devraient avoir sur la conscience les malheurs que nous vivons, c’est la raison pour laquelle on ne croit en plus personne d’autre que nous-mêmes…». Pas facile de lui expliquer quoi que ce soit, surtout pas sur la presse, ses lignes éditoriales, ses penchants et ce, même s’il finit par admettre «des journaux ont tout notre respect. Mais depuis l’été dernier et ce que nous avons vécu à Aghribs puis l’enlèvement de Lounès, si vous vous en rappelez, on sait très bien faire la différence entre un journal et un torchon». Pour un coup de colère, c’en était un ! Et cela s’explique, si l’on doit se fier à N. S. M. A. : «Il ne faut pas en vouloir à notre ami. Il est originaire des Aghribs et à ce jour, il est marqué par tout ce qui a été dit dans certains journaux arabophones lors du conflit entre les villageois et des salafistes à propos de la mosquée qu’ils voulaient ériger. » Dans le raisonnement de ces personnes, «tout est lié» et là, on ne se prive pas de livrer le fond de sa pensée, la plus brute qui soit.
    «Omar a été libéré, mais on manifestera !»
    La difficile conjoncture imposée à la Kabylie avec cette série sans fin de kidnappings et l’incapacité des pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités sont autant de sujets sur lesquels on est les plus prolixes dans ces contrées qui subissent mais qui «ne cèderont pas !», assure le gars à la colère à fleur de peau de tout à l’heure. «Omar Slimana a été libéré quelques heures après l’enterrement de Ddadas (son cousin), c’est une victoire sur ces illuminés qui veulent instaurer un climat de terreur chez nous, alors j’espère que ceux qui décideront si l’on va manifester demain (ce lundi, ndlr) ne reviendront pas sur ce qui a été prévu», estime l’ami qui ne porte pas la presse, du moins une partie, dans son cœur. A en croire plusieurs personnes sur place, la manifestation d’aujourd’hui aura bel et bien lieu, sauf que, comme le souhaitaient beaucoup, il sera mis l’accent sur les mots d’ordre interpellant les autorités «parce que ça ne peut plus continuer ainsi !» argue un de nos deux interlocuteurs qui, dans leur diatribe contre l’Etat, n’épargnent pas, comme cela a cours depuis quelque temps, le Premier ministre. «Je vous prie de croire que je ne suis pas partisan. Mon seul parti, c’est la Kabylie !» gronde notre inénarrable interlocuteur originaire d’Aghribs, fier comme tous ceux qui ne veulent pas croire que la terrible épreuve que traverse la région est une fatalité.
    M. Azedine

    Imakhlaf : deuil, colère et interrogations

    Petit hameau surgi de nulle part sur les hauteurs escarpées des Aghribs, à quelque 50 km au nord-est de Tizi-Ouzou, Imakhlaf a vécu plusieurs jours au rythme d’une actualité qui mêle deuil, colère et surtout beaucoup d’interrogations.
    Ici, les citoyens comme les élus de l’APC d’Aghribs, avec à leur tête le maire, Rabah Yermèche, que nous avons rencontré sur place, tout le monde porte le deuil de Hand Slimana, l’entrepreneur qui a été assassiné à un faux barrage d’un groupe armé qui projetait de le kidnapper.
    Hand, l’entrepreneur bienfaiteur
    Au lendemain de son enterrement, le village porte le deuil et vit encore sous le choc de la disparition de celui que tout le monde ici considère comme le symbole de la Kabylie qui travaille et qui crée des richesses, un self made man qui a réussi «à partir de rien», nous diton, à bâtir une entreprise de travaux publics qui crée de l’emploi au profit d’une main-d’œuvre issue de nombreux villages de la commune. Le maire et son adjoint ne tarissent pas d’éloges sur celui que tout le monde appellent, ici, Hidouche, diminutif familier de Hand. On n’a pas hésité à parler de Hidouche le bienfaiteur qui vient au secours du pauvre qui peine à construire sa petite demeure et, surtout, de Hidouche qui apporte un appoint important sous forme de contribution fiscale aux caisses de l’APC. «Hidouche qui se sait menacé comme tous les entrepreneurs de la région a toujours refusé de délocaliser son entreprise qui a pris de l’ampleur», affirmera le vice-P/APC qui témoigne de la volonté affichée par le défunt à aider au décollage socio-économique de sa commune et de toute la wilaya de Tizi-Ouzou où il compte des chantiers. «Je me sentirais mal si je m’installe ailleurs», rapporte-t-on de lui. Face à la caméra de notre confrère H. Rédjala, journalise et réalisateur indépendant, Makhlouf, le fils aîné de l’entrepreneur assassiné, a du mal à cacher sa tristesse mais témoigne avec courage des dernières volontés de son père qui lui demandait de poursuivre son œuvre à la tête de l’entreprise et de ne pas délaisser les actions de charité qu’il a toujours dispensées au profit de ceux qui en ont besoin.
    Omar, le rescapé
    Fatigué mais heureux d’être vivant, Omar le compagnon d’infortune de Hand, mais qui a eu un meilleur sort que ce dernier puisqu’il sera kidnappé à la place de son cousin, promenait sa silhouette sur la place du village. C’est le maire qui nous relatera les péripéties de sa libération, hier dimanche, à l’aube, vers 2h 15 mn. Ses ravisseurs le relâcheront sur un chemin de campagne un peu à l’écart du village d’Aït Zellal, dans la commune de Souamma, daïra de Mekla. Après s’être défait des liens et des bandages que ses ravisseurs lui ont mis, Omar réussira à se mettre sur le bord de la chaussée. Il racontera sa mésaventure à un usager de la route qui venait de passer à bord de sa voiture. C’est à partir du portable de ce dernier qu’il réussira à joindre ses parents qui viendront le récupérer. Pour toute réponse à nos questions sur les conditions de son rapt et de son séjour durant son enlèvement, Omar a préféré appeler à la vigilance et à la solidarité de tous pour éviter que des événements comme ceux que son cousin et lui viennent de vivre se répètent. Un même message qui sera repris par tous nos interlocuteurs qui ne cachent pas une colère nimbée de tristesse et d’interrogations sur la récurrence des enlèvements qui ciblent la Kabylie.
    «Basta les kidnappings !»
    Une colère qui s’accompagne pour l’heure de beaucoup de retenue. Pour R. Yermèche, ces actes de kidnappings n’ont qu’un sens. «On veut dévitaliser la Kabylie, empêcher son décollage économique», dira l’édile communal des Aghribs qui se demande «s’il n’y a pas une volonté de provoquer la Kabylie, rééditer le scénario des événements tragiques de 2001. Il y a une volonté de pousser la Kabylie dans ses derniers retranchements, à se radicaliser », dira-t-il, convoquant sa voix d’élu et de premier magistrat de la commune pour interpeller les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités pour mettre un terme à la série noire des enlèvements. «Basta les enlèvements !», un cri de colère que le maire a ressassé.
    S. A. M.