Par : Mustapha Hammouche
Dieu que c’est long de faire un consortium ! C’est à syndiquer des moyens de plusieurs entreprises volontaires pour réaliser une opération ou plusieurs opérations de même type.
Le ministère de l’Industrie vient de programmer, avec le soutien de l’Onudi et de l’ambassade de France, la mise sur pied de trois consortiums d’exportation. La première année sera consacrée à la création d’un “cadre juridique adéquat” et l’identification “des marchés étrangers porteurs”, à des “rencontres qui seront ainsi animées par des experts de l’Onudi” et à des “visites à des pays maghrébins et européens”.
Pour les rencontres et les visites, c’est déjà une activité nationale ! Que de ministres “accompagnés d’une forte délégation d’opérateurs” viennent et vont à longueur d’exercice. Avec la France, on a même spécialisé deux chefs de délégation de haut niveau pour assurer la continuité de l’échange… de visites. Et puis, pourquoi faudrait-il une année pour donner un “cadre juridique” autorisant d’éventuelles actions commerciales solidaires d’entreprises de même branche ? Qu’un dispositif légal soit nécessaire pour rendre possible une telle démarche, de nature strictement managériale, révèle une volonté non pas d’encouragement mais d’encadrement de l’initiative de gestion.
Quand on a voulu “encadrer” l’investissement, il a suffi d’insérer quelques articles prohibitifs à la loi de finances complémentaire pour 2009. Sans études, sans rencontres, sans voyages. Pendant que le “cadre base légal” de l’économie est tout orienté vers le blocage de l’investissement, la tutelle de l’industrie semble fonctionner au seul effet d’annonce. Comme cette histoire d’usine Renault dont on veut rendre la réalisation imminente en dépit de dénégation du premier concerné, on passe à un autre sujet d’illusion : l’exportation de produits alimentaires. Ce ne pouvait pas être des automobiles, ce serait aller trop vite en besogne.
On aura pensé à tous les artifices organisationnels et promotionnels pour inciter à l’exportation, mais pas au développement qui constitue la vraie base d’une perspective commerciale à l’international. Le pouvoir semble prisonnier d’un dilemme : approvisionner le marché local et enclencher une tendance à l’équilibre de la balance commerciale hors hydrocarbure sans libérer l’initiative économique ! Il rêve encore d’un développement sans société entrepreneuriale. Il cherche un modèle où l’on peut créer de la richesse mais dont la répartition doit dépendre aussi exclusivement que possible de la décision politique. Un modèle où l’on se bouscule pour être député, pour certains “à la recherche de l’argent et de la célébrité”, comme l’avoue le ministre de l’Intérieur, et où les capitaux fuient un “cadre juridique” hostile à l’initiative pour se réfugier dans des formes patrimoniales improductives.
Le non-développement est un choix politique ; il n’a rien à voir avec l’absence d’instruments d’organisation ou de promotion du commerce.
Pour sortir l’exportation hors hydrocarbures de sa position marginale dans le commerce international, il faut renoncer à l’usage politique de la rente et la consacrer à sa vocation logique : le développement. Mais nous voici rendus à l’impasse : cela revient à demander au système de renoncer à sa nature rentière.