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sans mémoire

  • La commémoration sans mémoire

    Par : Mustapha Hammouche

    On s’était trop inquiétés et interrogés pour savoir si les autorités nationales avaient programmé des actions de célébration du cinquantième anniversaire autres qu’une comédie musicale et un concert de John Lee Hooker Jr offert par les États-Unis.
    Il suffisait d’attendre. Il fallait bien que l’État se manifeste. Il a loué un supplément publicitaire de seize pages dans le plus prestigieux quotidien français pour y éditer une interview du président et de quelques ministres faisant l’apologie du bilan du régime. Il fallait manquer d’arguments parlants pour qu’une communication d’État dût recourir à un supplément publicitaire de presse écrite pour s’autoglorifier, en une occasion aussi solennelle qu’un cinquantenaire d’Indépendance. Pas besoin de poser la question du choix d’un support étranger pour y louer les réalisations du pouvoir. On sait, à travers quelques mémorables quolibets, l’estime dans laquelle nous tiennent nos autorités.  
    Le “manque de professionnalisme”, incurable péché originel de la presse algérienne que ses détracteurs lui rappellent à l’envi, n’explique pas tout. Car, pour cette fois-ci, Le Monde a fait “mieux” que le moins “professionnel” de nos canards locaux en tentant grossièrement de maquiller un produit publicitaire en travail journalistique. C’est la société des Rédacteurs du monde qui estime que le supplément “publicitaire” entretient “la confusion avec une information journalistique indépendante, tant sur le fond que sur la forme”. Par ce procédé d’étiquetage d’articles de supermarché qui joue sur la visibilité de l’information, il aura surpassé Le Monde du temps de nos années de plomb où “l’ami Paul Balta” était en poste à Alger comme correspondant à la Présidence algérienne.
    Mais ce n’est pas tant cette impression de connivence entourant une opération médiatique qui pose problème. C’est la disproportion entre l’évènement que celle-ci est supposée marquer et le moyen adopté pour ce faire. En matière de commémoration, à peine fait de quelques concerts improvisés et d’un spectacle pyrotechnique. À cette indigence de programme de festivités, s’ajoute cette fuite éperdue devant le devoir d’inventaire. Si un demi-siècle après la libération, l’Algérie en est encore à la parole unilatérale autoglorifiante, c’est déjà un bilan en soi.
    On peut ainsi lire dans Le Monde, le président proclamer que “l’Algérie est bien partie pour relever les défis à venir, nous permettant d’aborder l’ère de l’après-pétrole avec des alternatives viables à même de garantir la poursuite d’un développement global et durable”, alors que la veille, la Banque centrale, le ministre des Finances et le ministre de l’Énergie nous avisaient que si le pétrole devait baisser à moins de…112 dollars, le pays aurait des difficultés à soutenir son train budgétaire ! Il n’y a aucun élément de stratégie politique ou économique qui nous permet, aujourd’hui, de parler d’“après-pétrole”, de développement “global et durable”, voire de développement tout court ?
    Cette approche approximative, confuse, du Cinquantenaire découle de l’équation que le pouvoir a voulu résoudre : comment organiser un anniversaire en faisant soi-même son bilan et sans créer l’opportunité de se voir rappeler le temps perdu.
    La commémoration, oui ; la mémoire, non ! Au fait, y a-t-il eu commémoration ?