Par : Mustapha Hammouche
L’apparemment — présomption d’innocence oblige — monstrueux Jean-Michel sait bien qu’avec de l’argent tout peut se faire, chez nous, à condition de prendre les formes : les formes, c’est la discrétion et l’apparence de piété. Il a donc mis les formes : un compte régulièrement provisionné par sa sœur, une villa dans une “résidence” de notables, des relations avec des gens de l’establishment social et politique et, enfin et surtout, la couverture religieuse qu’un imam lui a décernée en dépit de l’avis défavorable de l’administration.
On retrouve là les ingrédients de l’irrésistible déchéance nationale : la devise, l’arrivisme, une société civile convertie à la cupidité, une classe politique corruptible et une religiosité tartuffarde pour couvrir nos inconduites. Il a fallu donc au fameux pornographe un capital corrupteur, des hommes de sciences avides, un politique corrompu et un imam reconnaissant.
Pourquoi, d’ailleurs, le “cinéaste” a-t-il pensé judicieux de se convertir à l’islam avant de s’engager dans son entreprise de mise en boîte de charcuterie sexuelle ? Pour les mêmes raisons que beaucoup d’entre nous se convertissent au kamis, à la barbe, au hijab ! La piété, exhibée par le converti puis obligatoirement reconnue par la société, a la vertu et même le pouvoir d’éloigner le soupçon. Les coupables sont rasés de près, en pantalon et en jupe et sentent parfois l’alcool. Elle soulage la loi de son devoir de vigilance et contraint la vox populi au silence : il n’y a que l’impie pour médire du pieux.
Le dogme a pris le dessus sur la valeur, l’apparence sur la réalité. Jusqu’à ce que le médecin se plie à cette loi qui met en compétition, puis en collaboration, l’incantation et la chimiothérapie. On a commencé par supprimer le serment d’Hippocrate de la faculté de médecine et la “rokia” a fini par prendre le pouvoir perdu par la science médicale. Pas étonnant qu’un spécialiste d’une profession qui ne conserve plus que son intérêt alimentaire laisse filmer, pour les besoins d’une “œuvre” pédopornographique, son propre rafistolage d’un hymen.
Il reste la question de savoir pourquoi dix-huit mineures se seraient laissées saigner puis recoudre devant la caméra ? Pas parce que Jean-Michel passait par-là, ni à cause de la misère seulement. D’ailleurs, la misère ne fait plus trimer, dans cette société où réussir ce n’est plus gagner de quoi vivre dignement, c’est gagner de quoi pouvoir acheter la dignité des autres. Et comme pour mieux livrer les jeunes à la prédation de vieux argentés, on ferme les maisons closes et on mène la chasse aux jeunes couples dans les sous-bois, en faisant semblant d’ignorer l’industrie de la dépravation qui fleurit dans les… “villas closes”. Au-delà de la responsabilité pénale qu’il revient à la justice d’établir, ce crime dénonce la responsabilité politique — qui est la base de la dégénérescence qui réunit, comme on le voit dans cet événement, toutes les générations et toute la hiérarchie sociale.
Si tous les aînés pouvaient se regarder, sans honte, devant leur glace, les enfants qui les regardent n’auraient pas pensé à amasser de l’argent à tout prix. On ne vend qu’un corps déjà humilié.
“En ces temps où les fous guident les aveugles”, comme l’écrivait Shakespeare, on a en quelque sorte collectivement “perdu” notre hymen.