Samir Rahim
six hommes
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Six hommes occupent et saccagent une clinique à Annaba
Les agressions contre les praticiens, les agents paramédicaux et les malades dans les structures publiques de santé se multiplient à Annaba. Après un incident au service des urgences Ibn Rochd, où un praticien a été sérieusement brutalisé, c’est au tour de la polyclinique pédiatrique Ste Thérèse d’être la cible d'une de ces agressions. Cela s’est passé ce vendredi à 16 h 30 au moment où plusieurs mères et pères de familles, leur enfant malade dans les bras, attendaient leur tour pour une consultation d’urgence.Prétextant une maladie, un homme est entré dans le cabinet de consultations alors qu’un médecin auscultait un bébé. Après avoir insulté et bousculé le personnel soignant, il a appelé ses complices. Épée, sabre et gourdin en main, cinq autres hommes ont surgi et ont agressé un praticien et deux agents de sécurité, semant la panique dans la clinique. Des pères de famille qui tentaient de s'interposer ont été brutalisés. Plusieurs mères se sont évanouies, leur bébé malade dans les bras. On ne connait pas les motivations des agresseurs.Des personnes qui passaient devant la clinique ont alerté le commissariat situé à 300 mètres. Les policiers ne sont intervenus que plusieurs heures après le départ des six agresseurs, selon les témoignages. Avant de prendre la fuite, ces derniers ont saccagé le cabinet de consultation. -
Six hommes et un juge paresseux
Six hommes que je ne connais pas viennent de sortir de prison, lavés, trop tard, de toute accusation, acquittés, bien tard, par le tribunal criminel d’Alger, après six années de détention injuste décidées en 2006 par un autre tribunal, et j’entends déjà des voix, sincères sans doute, des voix amies, parler de « grande erreur judiciaire »
Erreur judiciaire ? Ils ne seraient donc que nos ordinaires Omar Raddad, des hommes victimes d’une « erreur de fait, commise par une juridiction et réhabilités par une autre juridiction», ces hommes que je ne connais pas, Ali, Mohand, Kamel, Saleh, Mustapha, Sidi Idriss, dirigeants de la compagnie nationale de navigation CNAN, accusés, à tort, en 2006, par la juge Ania Ben Yousef, de "négligence ayant entraîné la disparition d’un navire et son équipage de 16 personnes", condamnés alors à 15 ans de prison ferme, puis acquittés quatre ans plus tard par le juge Boubetra ? De simples quidams malchanceux victimes, pour reprendre nos experts juridiques, d’une légèreté de police, d’une instruction bâclée, d’une négligence, des témoins qui ont menti ou d’un juge paresseux…
Non, ces hommes que je ne connais pas, ces hommes qu’une main noire a brisés, ces hommes ne sont pas victimes d’une erreur judiciaire, mais d’une hogra judiciaire.
Ils font partie de ces coupables de substitution que le pouvoir a le don de savoir débusquer, dont il se sert comme fusibles pour se parer de vertu, et comme pare-feu pour couvrir les notables et les copains compromis dans les affaires.
L’erreur judiciaire est le propre d’une justice indépendante. La hogra judiciaire est la marque d’une justice aux ordres. Aux ordres d’un système césarien qui, il y a six ans ans de cela, a mis au trou, en vertu d’un droit divin, des hommes qu’aucune enquête, aucun témoin aucun fait sérieux, n’avait accablés.
Sans vouloir déprécier le rôle de l’avocat Mokrane Aît Larbi dont la pugnacité légendaire vient, une fois de plus, d’être couronnée de succès, ni encore moins ignorer le mérite du juge Abdelmalek Boubetra, je crois bien que le dénouement de cette affaire a été décidé dans les cabinets des seigneurs pour des raisons de lifting politique, la présence de la caméra de l’ENTV faisant foi.
Cette triste histoire a fini comme elle a commencé : par une injonction.
J’ai de la peine à croire que le juge Boubetra fût gagné par un accès soudain d’équité et que la juge Ania Ben Youcef qui décida de les embastiller pour 15 ans, en 2006, fût un « juge paresseux ». Je crois plutôt que l’un et l’autre relèvent de la famille des juges exceptionnels, comme il en naît tant chez nous, de ces juges qui créent le délit et statuent sur des dossiers vides, des sorciers du prétoire qui fabriquent des coupables parmi les innocents et des innocents parmi les coupables, de ces magistrats-mages capables de tout, même de reconnaître une « erreur ».
Non, ces hommes ne sont pas nos Omar Radad. Ils sont nos crucifiés. Nos martyrs. Des tâches noires et indélébiles sur la face hideuse de notre gouvernance. Ali, Mohand, Kamel, Saleh, Mustapha, Sidi Idriss, ne sont pas victimes d’une justice négligente mais d’un pouvoir cynique.
Ces hommes que je ne connais pas, Ali, Mohand, Kamel, Saleh, Mustapha, Sidi Idriss, ils me sont pourtant familiers, j’en ai tant vus, en prison, qui leur ressemblent, et je devine tout de leurs têtes de boucs-émissaires, je les vois dans la cour, promener leurs corps malingre au milieu d’un vaste désarroi sans nom, le teint blafard, interrogeant Dieu et les hommes sur l’infinie injustice qui les frappe. De petits poissons bien pratiques pour cacher les vrais requins. Et de modestes pères de famille accablés mais jamais résignés, dont je me rappelle encore les noms et les moments d’amitié franche qui nous unissaient dans le froid d’El-Harrach.
Ils ressemblent à Mohamed Aloui et aux autres cadres de Khalifa Bank incarcérés à la place des vrais bénéficiaires du bakchich Khalifa, vrais receleurs, eux, notables haut placés, dévoilés pourtant lors des auditions, et qui n'ont jamais été jugés.
Ils ressemblent à ces cadres de banques publiques, comme Samar, qui ont payé pour des barons de l’import-export qui, souvent, ne sont que des prête-noms pour les puissants du régime et qui, à ce titre, échappent au verdict du juge.
Ils doivent ressembler a ces cadres du pétrole qui dérangent bien souvent, par leur compétence et leur probité, internés à tort pour masquer l’empire feutré de la magouille, des sponsorings maquillés, des immeubles surévalués, des fausses factures de Brown and Root Condor et des commissions occultes ; des détenus de substitution aux vrais commanditaires de la rapine qui, eux, couverts par les plus hauts sommets de l’Etat, jouissent de l’impunité et de la myopie d’une justice aux ordres.
Ils ont fait de la prison pour que Mohamed Bouricha, wali de Blida, proche de la famille Bouteflika, n’en fasse pas : la prison n'est pas faite pour les amis. Eux n’ont pas revendu des terres agricoles appartenant à l’Etat, ni surfacturé sur le dos de Sonatrach. Ils avaient juste des têtes de bouc-émissaires.
C’est pourquoi, en fait, je les connais.
Mohamed Benchicou