Par : Mustapha Hammouche
La menace terroriste au Sahel ne date pas de l’offensive du MNLA pour la “libération” de l’Azawad, rapidement squattée par Aqmi et d’autres groupes terroristes.
Avant même que le GSPC ne proclame son allégeance à Al-Qaïda, en 2006, certains de ses groupes opéraient déjà entre le sud Sahara et le Sahel. Dès février 2003, trente-deux touristes européens étaient enlevés. Une partie des otages avait été libérée par une opération de l’ANP. Les autres avaient été relâchés, contre une rançon, au mois d’août de la même année.
L’attaque qui, hier, a visé la base d’In Amenas, a comme des relents de remake de l’opération contre les touristes de 2003. Voici plus d’une décennie que les groupes islamistes renforcent leur implantation au Sahel en exploitant une situation qui leur est favorable, et sous bien des aspects : la pauvreté des populations locales qui les fragilise devant l’hégémonie des groupes terroristes, la faiblesse des États du champ et la déficience de leurs moyens de défense, la profitabilité du trafic de stupéfiants et, probablement, le soutien financier d’États pétroliers, comme l’Arabie saoudite, où Iyad Ghali fut en poste diplomatique dans les années 1990, et plus particulièrement, le Qatar, pourvoyeur “humanitaire” traditionnel dans la région.
La guerre de Libye, en débloquant les arsenaux de l’armée libyenne et en libérant les mercenaires recrutés par Khadafi dans la région, a fourni un renfort inespéré, en termes d’hommes et d’armes, aux groupes déjà installés.
Les derniers évènements ont démontré la grande faiblesse de l’État malien et des autres États de la région, et de leur armée. Ils ont aussi révélé l’insondable faiblesse militaire et la profonde incongruité stratégique des mouvements targuis. La versatilité et l’incohérence des chefs d’Ançar Eddine illustrent parfaitement la disproportion entre la nature de la légitimité de la cause et l’inconsistance politique de ses défenseurs. La difficulté de la Cédéao à mettre sur pied une force d’intervention au Nord-Mali illustre, aussi, le retard militaire de pays où les armées, habituées à des missions putschistes ou de répression locale, ont perdu de vue leur vocation de défense territoriale.
En dix ans de mise en place de la base terroriste du Sahel, le monde a fait montre d’une étonnante indolence. Pourtant, les initiatives politiques et les tentatives de création de dispositifs de surveillance et d’anticipation stratégique (Africom américain, état-major des pays du champ, etc.) montrent qu’une réelle inquiétude avait gagné aussi bien les pays du champ, que les puissances en Europe et en Amérique du Nord.
La guerre en cours a été imposée à l’initiative des groupes terroristes qui, rappelons-le, ont enfourché l’offensive des mouvements touareg avant de les soumettre, puis décidé d’aller au-delà de l’espace Azawad, et de progresser vers Bamako. La France, pour l’heure presque seule à assumer la riposte, fait une guerre devenue, depuis dix ans, inévitable. Ce qui est arrivé à In Amenas aurait pu arriver à n’importe quel moment, durant ces dix ans. “La solution politique”, quand on la poursuit trop longtemps, finit par profiter aux forces belliqueuses. Au terrorisme islamiste, dans le cas présent. À trop hésiter à faire la guerre, on finit par la subir. Après l’avoir longtemps éprouvée, c’est encore l’Algérie qui semble contrainte de la subir à nouveau.
M. H.
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