Depuis la promulgation de la loi de finances complémentaire pour 2009 avec ce qu’elle a véhiculé comme mesures radicales pour limiter le recours aux importations jusqu’à l’entrée en vigueur des mesures obligeant le paiement par voie bancaire des transactions dont la valeur dépasse les 500 000 DA (à partir de mars 2011), il y a comme un processus d’asphyxie qui accompagnait l’approvisionnement du marché national en produits alimentaires de large consommation.
E n moins de deux années donc, les restrictions à l’encontre des importateurs se sont multipliées dès l’instauration du crédit documentaire comme unique moyen de paiement à l’importation.
Par la suite, il y a eu, à travers la LFC 2010, l’instauration de nouvelles taxes sur l’importation libre des céréales par les opérateurs privés qui passeraient outre le dispositif d’approvisionnement dirigé par l’OAIC (office interprofessionnel des céréales et légumes secs). Laquelle disposition mise en œuvre par le gouvernement dans la perspective de privilégier l’utilisation des céréales locales, dont le niveau de production a connu une considérable amélioration ces deux dernières saisons, notamment pour le blé dur.
A première vue, le recentrage de la politique d’approvisionnement du marché des produits de consommation sur l’objectif primordial d’incitation au renforcement de la production locale pour réduire la facture des importations ayant atteint le pic alarmant des 8 milliards de dollars en 2008, n’est pas moins logique ni irrationnel. Continuant sur sa lancée et animé par cette volonté de « patriotisme économique », le gouvernement persistera dans ce durcissement avec le rétablissement à compter du 1er janvier 2011 des droits de douanes sur plus d’une trentaine de produits importés de l’Union européenne « suite à la décision prise par les pouvoirs publics portant gel des préférences tarifaires pour les produits agricoles, objet de la requête algérienne auprès de la commission européenne », tel que précisé par un document du ministère des Finances. Le sucre figure en tête des produits en question. En parallèle, de nouvelles taxes, dont la TVA, sont en voie d’application par les grossistes dans la perspective de se conformer à l’entrée en vigueur, à la fin mars prochain, de l’obligation du paiement par chèque des transactions de plus de 500 000 DA. Cependant, cette succession de mesures intervient dans une conjoncture mondiale marquée par la reprise de la hausse des cours des matières premières agricoles sur le marché international.
Retour de manivelle
C’est là donc la jonction de facteurs qui ne peuvent conduire qu’à une hausse sensible des prix des produits de large consommation.
Laquelle flambée qui s’est vite répercutée sur le pouvoir d’achat des ménages avec des prix de certains produits qui ont connu des augmentations spontanées de 20 à 25%, à l’image du sucre qui a atteint les
150 DA/kg en l’espace de quelques jours.
La tension s’est élargie à d’autres produits, comme le pain, dont la régularité dans l’approvisionnement est désormais incertaine avec des perturbations qui affectent la disponibilité de la farine boulangère.
Au-delà de ce constat et le vent de contestation qui a atteint les quatre coins du pays depuis une semaine, d’emblée, ce sont les politiques économiques devant garantir l’équilibre du marché qui sont remises en cause. Sinon, comment le gouvernement impose des mesures aussi restrictives et rigides à l’égard des importations avant de consolider les mécanismes de régulation des circuits d’approvisionnement au niveau local.
Il n’est pas judicieux, en effet, de verrouiller d’une façon drastique les portes devant les importations avant de s’assurer de l’existence d’une production nationale en mesure de répondre à la demande nationale, tous produits confondus. Pire encore, en l’absence d’instruments efficaces de contrôle et la prolifération des circuits informels qui canalisent à présent jusqu’à 40% de l’activité économique du pays, selon des statistiques officielles, la spéculation a pris des dimensions démesurées à tel point que des pénuries et des flambées sont provoquées sans que le gouvernement ne soit en mesure de détecter leur origine ou de maîtriser leur ampleur.