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supression de la presse

  • L’art de la réforme sans changement

     

    Par : Mustapha Hammouche

    En affirmant que “le principe déclaratif est dangereux”, le ministre de l’Intérieur avait exprimé l’esprit des réformes : renforcer le contrôle administratif sur la société en renforçant les instruments de répression de ses voies d’expression : les partis, les associations et les organes d’information.
    Dans ce partage de rôle, l’Exécutif se charge de jurer de la finalité démocratique de ce grand tour de vis et le Parlement prend sur lui de resserrer le moindre rivet par lequel suinte encore l’expression citoyenne.
    Pour justifier l’œuvre de verrouillage, le pouvoir convoque tous les démons par lesquels les dictatures tiers-mondistes se sont toujours légitimées, à commencer par la sempiternelle “main de l’étranger” qui, décidément, guide tout Algérien qui échappe au contrôle policier du pouvoir. Et comme si le registre des tabous traditionnels ne suffisait pas, on invente de nouvelles menaces : “l’atteinte à l’Histoire”, “l’apologie du colonialisme” ! Ce n’est plus à un effort de libération politique du citoyen qu’on assiste mais à un surplus de verrouillage de l’espace public. Les projets de loi en cours de débat ne peuvent pas échapper au réflexe grégaire d’un personnel politique de culture d’obédience et clientéliste et qui, naturellement, perçoit la démocratie et la compétition comme une menace contre ses positions.
    Le secret, la défense, la sécurité, l’ingérence, les valeurs, les constantes, les traditions, les intérêts de la nation, dont ils sont évidemment les gardiens providentiels exclusifs, ont bon dos. Ils leur permettent de confectionner leur batterie d’obstacles aux prétendants à l’action et à l’expression publiques et de s’arroger un droit de contrôle total sur leurs activités. Des députés qui se scandalisent de “l’échec” du mouvement associatif, par exemple, c’est l’hôpital qui se f… de la charité ! Avec une productivité législative presque nulle, un record d’absentéisme et une légitimité de 26% du corps électoral pour des privilèges exorbitants, il faut un certain toupet pour émettre des avis sur une activité globalement fondée sur le volontariat, même si elle est parfois pervertie par les manipulations… budgétaires des… politiques.
    On comprend que le ministre de la Communication s’agace de l’impossible crédibilité du processus et qu’il s’en prenne à “certains éternels professionnels du doute” et leur oppose l’argument “que la défense de toutes les libertés et, en particulier, la liberté de la presse n’est pas le monopole de certains et qui est interdit aux autres”. Mais il ne s’agit pas de doute ; il s’agit de faits qui fondent des légitimes convictions : un pouvoir qui a fait voter à son Parlement une révision constitutionnelle instaurant la présidence à vie peut-il faire voter une réforme démocratique au même Parlement ?
    Si c’est le cas, c’est que nous sommes devant un système politique à géométrie variable. Il n’a donc pas de positions ; il n’a que des postures. Qui épousent le sens du vent, sans chercher à faire évoluer sa trajectoire réelle.
    Ce n’est alors point de réformes politiques, aussi approfondies qu’elles soient, dont le pays a besoin, mais clairement de changement de système.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr