par Alexandre Hervaud
Aperçu du trafic internet vers et depuis l’Egypte via Huffington Post
En temps normal, 23 millions d’Egyptiens, soit près d’un quart de la population du pays, accèdent plus ou moins régulièrement à Internet d’après les chiffres officiels. Depuis jeudi, le gouvernement de Moubarak a osé faire ce que la Chine ou l’Iran n’ont jamais ne serait-ce que tenté : couper l’accès à Internet d’une nation entière. Du « simple » filtrage de réseaux sociaux utilisés par les manifestants comme Twitter, l’Egypte est passé au niveau supérieur, le blocage total de tous les sites. Seuls la Birmanie et le Népal, où le taux d’équipement est incomparable avec l’Egypte, ont déjà franchi un cap similaire. Sur son blog, l’entreprise spécialiste en réseaux Renesys évoque la censure du Net imposé à tout poste connecté via les quatre principaux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) du pays, à savoir Link Egypt, Vodafone, Telecom Egypt et Etisalat Misr. Les FAI semblent avoir obtempéré aux exigences du gouvernement, filtrant sans distinction les protocoles nécessaires à la navigation web. Mettre en place un tel filtrage ne nécessite pas d’opération de grande ampleur pour les opérateurs, une simple série de commandes renseignées sur un ordinateur dédié suffisant à « débrancher » tout un pays. « En vingt-quatre heures, on a perdu 97% du trafic internet égyptien », déclarait hier à l’AFP Julien Coulon, cofondateur de la société française Cedexis qui régule et oriente à un niveau international les visites d’internautes selon l’état du trafic. Concrètement, l’entreprise Trend Micro, expert en sécurité informatique, évalue que 88% du réseau est indisponible en Egypte, une première dans l’histoire d’Internet. Conséquences de ces méthodes draconiennes : les sites hébergés en Egypte étaient indisponibles hier, même depuis l’étranger. Le site ZDnet.com a tenté de se connecter aux 25 sites les plus fréquentés du pays : 22 d’entre eux étaient indisponibles, les trois autres étant des sites d’entreprises automobiles redirigeant probablement vers des versions étrangères. Parallèlement au bridage du web, les opérateurs de téléphonie mobile ont reçu l’ordre du gouvernement de suspendre leurs services dans certaines zones, empêchant par exemple l’envoi de SMS. Des moyens de contourner la censure ont été mis en place, notamment le FAI associatif français FDN, qui permet via son réseau à tout Egyptien disposant d’une ligne téléphonique analogique de se connecter en appelant un numéro en France. Cette solution d’accès par Réseau Téléphonique Commuté (RTC) peut déjouer le filtrage et permettre d’obtenir un débit faible. « Par ce biais, n’importe qui en Egypte disposant d’une ligne téléphonique analogique capable de joindre la France a la possibilité de se connecter au réseau par le n° suivant : +33 1 72 89 01 50. (login : toto password : toto) », explique FDN. Sur son compte Twitter, l’employé de YouTube Hunter Walk a invité tous les internautes à lui signaler les vidéos de manifestations en Egypte afin de les mettre en avant sur la plateforme vidéo. Diffusant en direct depuis son bureau du Caire malgré l’ambiance explosive sur place, la chaîne Al Jazeera a vu l’audience de son site web décoller à en juger par les nombreux statuts Facebook et autre tweets mentionnant sa couverture live. Reporters Sans Frontière a rappelé à cette occasion que l’Egypte figure sur sa liste des « Ennemis d’Internet » en raison du traitement réservé aux opposants sur la Toile. Profitant de l’actualité, WikiLeaks a dévoilé hier des câbles diplomatiques de l’ambassade américaine du Caire. L’un d’entre eux daté de mars 2009 estime à 160 000 le nombre de blogueurs égyptiens, tous genres confondus, et fait état d’arrestations de plusieurs d’entre eux accusés d’avoir organisé des manifestations. Pendant ce temps, en Syrie, le gouvernement semble imiter son homologue tunisien, à un degré moindre toutefois.