Comment faire tourner une institution à vide
Par : Mustapha Hammouche
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Le projet de loi sur les partis politiques, voté avant-hier, n’a pas été “vidé de sa substance” : il n’en avait pas. Mieux, le peu de substance que quelques députés ont voulu y mettre a été superbement ignoré par la commission des affaires juridiques, administratives et des… libertés.
Depuis le début de l’examen des projets de loi de “réformes”, certains élus et observateurs ont cru vivre un moment de débat parlementaire. Cent soixante-cinq propositions d’amendements au projet de loi sur les partis politiques ont été ainsi déposées. Efforts gratuits, puisque la commission n’a globalement retenu que sa dizaine d’amendements, tous portant sur des questions de forme, du genre trente ou soixante jours de délais de réponses du ministère de l’Intérieur à une demande d’agrément.
En gros, le nouveau texte a consisté à reconduire l’ancienne loi en aggravant l’emprise du contrôle de l’administration sur les partis et les militants.
C’est, en effet, un système conçu jusque dans sa configuration institutionnelle pour se prémunir contre toute réforme qui rend possible ce genre de surplaces dans l’animation. Le MSP l’a appris à ses dépens, à moins qu’il ne fasse semblant. Car, en fait, le système avait anticipé ses éventuelles infidélités dès la distribution des sièges de l’Assemblée nationale au lendemain des législatives : il fallait que les quotas additionnés du FLN et du RND suffisent, en toute circonstance, à faire passer le texte commandé par le pouvoir. Celui-ci s’est bien gardé de faire du MSP un appoint nécessaire pour le contrôle du travail parlementaire.
La majorité absolue garantie par les partis maison, les autres formations ne pouvaient espérer qu’une relation clientéliste.
Dès lors, l’APN se réduisait à son bureau, appendice législatif de l’Exécutif. Le projet de loi, lâché dans l’hémicycle à des fins d’“enrichissement” et revenu à la commission criblée de propositions d’amendements. Celle-ci le nettoie de toutes ces annexions malvenues et le renvoie à nouveau vers la plénière, tel qu’il a été conçu par le gouvernement, agrémenté de quelques amendements formels qui ne le dénaturent en rien mais qui donnent l’impression qu’un travail parlementaire a eu lieu.
Voici comment une loi prétendant soutenir un processus de réforme démocratique dans sa procédure (large consultation des forces et acteurs politiques et de la société civile) et dans sa finalité (“réformes approfondies”) est soumis à la maîtrise totale, voire totalitaire, d’un système qui ne voit dans les forces externes que des contraintes à manipuler ou à réprimer, jamais un atout ou un concurrent légitime.
Pour la production législative, ce système se donne des instruments concrets, intégrés à la Constitution, aux statuts et règlements intérieurs des institutions pour s’assurer une emprise sur la conception du cadre de fonctionnement politique du pays, indépendamment des éléments d’apparence démocratique que ces textes peuvent comporter. Ceux-ci n’ont qu’une fonction cosmétique et un usage clientéliste à la marge d’une réelle vie politique réduite à une poignée de décideurs et des conseillers qu’ils se cooptent.
Tant que le débat est sans influence sur l’issue, les institutions “démocratiques” peuvent continuer à tourner… à vide.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr