Un chef terroriste entre les mains des services de sécurité mais considéré « en fuite » par la justice algérienne : c’est à cette bizarrerie que se résume le dernier feuilleton Hattab, fondateur du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).
Une bizarrerie mais aussi un humiliant charivari qui ajoute au discrédit du régime algérien et qui se solde par un cinglant désaveu infligé publiquement à un ministre d’Etat : Yazid Zerhouni. Ce dernier, en qualité de ministre de l’Intérieur, avait annoncé officiellement, le 5 octobre à Paris, que Hassan Hattab, s’était rendu aux autorités algériennes le 22 septembre et qu’il était donc détenu par les services de sécurité en attendant son procès du 4 novembre.
Or, ce 4 novembre précisément, l’accusé Hassan Hattab ne se présente pas devant le juge de la cour d’Alger ! Zerhouni aurait-il menti ? Aux avocats qui demandent des clarifications, le juge fait alors une étonnante déclaration : «Pour la justice, Hattab est toujours en fuite. Il n’y a aucun document attestant qu’il est entre les mains de la justice.» Les avocats reviennent à la charge et citent la déclaration de Yazid Zerhouni à Paris qui indique bien que le chef terroriste était entre les mains des services de sécurité. Réponse déroutante du procureur de la république : « La cour ne peut pas juger un individu en se basant sur des déclarations d’un ministre » !
Devant "la nécessité de compléter les procédures d'instruction concernant les accusés en fuite", le président du tribunal décide alors du report du procès de Hattab à la prochaine session du tribunal criminel d'Alger début 2008.
Jamais le désordre politique n’avait atteint une si grande ampleur. « Il y a trop de confusion dans cette affaire et l’impression est que le brouillard est entretenu à dessein. » résume le quotidien « La nouvelle république », proche du cercle présidentiel.
Le mot est lâché : « le brouillard est entretenu à dessein. » Autrement dit, les services qui détiennent Hattab ont refusé de le présenter devant le juge ! Ou, plus simplement dit, le chef terroriste ne sera jugé qu’une fois que son sort sera « politiquement tranché » entre ceux qui désirent l’amnistier (le clan Bouteflika) et ceux qui tiennent à le condamner. Les premiers, le clan Bouteflika, tiennent à faire de Hattab un « repenti modèle » et lui faire bénéficier des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui accorde le «pardon» et la grâce présidentielle aux islamistes armés qui déposent les armes. En contrepartie, Hattab s’engagerait à convaincre les maquis de cesser le feu. Selon Chourouk, autre journal proche du cercle présidentiel, l’amnistie de Hattab permettrait aussi la reddition d’une centaine d’éléments armés restés fidèles au fondateur du GSPC après son éviction de la tête du mouvement en août par l’émir Abdelmalek Droudkel Cette stratégie présidentielle rencontre des adversaires qui arguent que Hattab aurait rejoint la démarche de la réconciliation nationale après la durée de validité accordée aux repentis pour bénéficier de l’arrêt de poursuites judiciaires.
Le bras de fer est tout entier résumé par cette déclaration embarrassée de Zerhouni, le 31 octobre, sur les ondes de la Radio nationale : «Certes, Hattab s’est repenti, mais il est impliqué dans des affaires et des attentats terroristes» !
Le report du procès de Hattab indique bien que l’arrangement entre les deux clans n’a pas été trouvé. En refusant de présenter le chef terroriste devant le juge, les « adversaires » de Bouteflika privent ce dernier d’une manœuvre politique dont il aurait tiré profit : l’amnistie de Hattab. Le fondateur du GSPC restera détenu au moins jusqu’au printemps 2008…D’ici là…
La grande conclusion de cet épisode semble bien se résumer au déclin du clan Bouteflika. Au profit de qui ?
T. Kebli (Le Matin)