Le mobile du crime ayant visé le patron de la DGSN, Ali Tounsi, assassiné dans son bureau par un de ses collaborateurs en charge de l’unité des hélicoptères, serait-il lié à des dossiers de corruption mettant en cause le responsable de cette unité, comme révélé par des indiscrétions de la presse et qui lui ont valu d’être suspendu par sa hiérarchie ? L’argument de l’acte de « démence » par lequel le ministère de l’Intérieur avait expliqué l’assassinat de M. Tounsi, s’il est biologiquement crédible – le self-control de l’instinct animal qui sommeille en chacun de nous varie en fonction de la personnalité et de la capacité à faire face à l’adversité – n’explique pas, en revanche, pourquoi et comment on en est arrivé à un tel drame.
Seule l’enquête judiciaire déterminera quelles sont les véritables motivations qui ont poussé le meurtrier à faire usage de son arme et à liquider froidement le patron de la police. Si, bien évidemment, l’enquête qui a été ouverte ne connaîtra pas le même sort que les autres enquêtes judiciaires sensibles engagées avec la même volonté proclamée de la quête de la vérité avant de sombrer fatalement dans l’oubli. Une chose est en tout cas certaine, c’est qu’avec ce grave précédent où un différend entre deux cadres dirigeants d’une institution de la République se règle par la voie des armes et de la liquidation physique, à travers un crime signé et assumé par son auteur qui est identifié et connu, cela donne toute la mesure de la difficulté de la lutte anticorruption et de son caractère à haut risque de par les enjeux et les intérêts de personnes, de groupes et de clans qu’elle sous-tend.
L’assassinat du patron de la police n’est pas un simple fait divers à mettre sur le compte d’un forcené qui n’a pas pu contrôler ses pulsions devant son supérieur. Le meurtrier n’est pas un simple policier subalterne à la dégaine facile, comme la DGSN a eu à révoquer et à traduire en justice bon nombre d’éléments du genre au cours de ces dernières années. C’est un cadre dirigeant, un gestionnaire qui ne pouvait pas, par conséquent, ne pas mesurer la gravité de son acte. Même pour laver sa conscience des accusations de corruption, fussent-elles infondées, portées contre lui et dont la presse s’est faite l’écho, ou pour se venger de son supérieur hiérarchique qui ne l’aurait pas couvert à son goût, sa fonction, l’institution stratégique qu’il servait auraient dû l’inciter à la retenue.
A ne pas franchir ce pas fatidique qui relève d’un comportement inspiré des méthodes mafieuses qui fonctionnent à la gâchette. Ce drame qui survient à l’échelle d’une administration centrale, la DGSN, qui a occupé le devant de l’actualité avec l’effort d’assainissement entrepris depuis quelque temps en son sein — lequel est diversement apprécié à l’intérieur et en dehors de l’institution — renseigne sur la prévalence de ce mal qui ronge la société, la corruption, y compris dans les secteurs stratégiques censés servir le citoyen et non des intérêts personnels. Il renseigne également sur les résistances et les écueils qui se dressent sur la voie de la lutte anticorruption qui dérange beaucoup d’intérêts. Avec ce qui s’est passé à la DGSN, on n’ose même pas imaginer dans quelle tornade le pays serait projeté si demain des scandales touchant des personnalités influentes au sein du pouvoir venaient à être déférées devant la justice !
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