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La célébration du 39ième anniversaire des nationalisations de hydrocarbures est un moment privilégié pour s’interroger sur le nouveau contexte de plus en plus contraignant dans lequel se trouve inséré le secteur des hydrocarbures de façon particulière et celui de l’énergie de façon générale. Si, avant et après les nationalisations de 1971, les obstacles récurrents en matière de baisse des prix des hydrocarbures et en matière de capacité d’investissement et d’exploitation ont pu être relativement surmontées, il m’apparaît que dorénavant rien ne sera plus comme avant. Nous verrons pourquoi et comment cela se décline sous nos yeux au plan international et au plan national car nous sommes face à un nouveau paradigme énergétique qui nécessite non seulement des approches inédites mais aussi un consensus national. D’abord la majeure partie des derniers points de vue sur les politiques énergétiques conduites chez nous que j’ai lus dans différents média s’inscrit seulement dans l’analyse stricto sensu des fondamentaux des énergies carbonées. Cela n’est pas suffisant si l’on veut se placer dans une posture stratégique d’anticipation et d’alerte. Pourquoi ? Parce que la transition énergétique est déjà engagée et ce nouveau paradigme trouve déjà des applications concrètes dans la nouvelle carte énergétique mondiale, comme nous allons le voir. Cet aspect devra constituer de mon point de vue la trame d’analyse pour tracer la feuille de route des ajustements à opérer sur le court et moyen terme.
Contrairement à ce que j’ai pu relever dans certaines contributions algériennes, les pays du Golfe ont pris conscience avant l’Algérie de la nécessité d’ajuster leur stratégie énergétique à ce nouveau contexte. J’ai reçu à ce propos, par courrier électronique, un excellent papier intitulé « Alternative Energy and Energy Security : Evolving Producer-Consumer Relationship » relatif à l’évolution de la relation producteur consommateur d’hydrocarbures au regard des énergies alternatives et de la sécurité énergétiques. Ce papier a été rédigé par le Dr Mary K. Cline, Non–Resident Scholar pour le compte de l’ « Institute for New East and Gulf Military Analysis » (INEGMA) think tank libano-emirati dont le siège est à Dubaï.
L’intérêt de ce papier est que le concept de sécurité énergétique y est pour la première fois décliné en deux volets le premier est relatif à la sécurité énergétique des pays consommateurs et le second est relatif à la sécurité des pays producteurs d’hydrocarbures dont les des économies risquent d’être détruites en cas d’une transition énergétique brutale faite sur leur dos pour dire les choses simplement.
En dépit de l’échec relatif du Sommet de Copenhague, le papier avance cinq éléments significatifs à l’appui de l’analyse quant à la réalité de cette transition énergétique :
- la loi américaine votée en 2009(American Recovery and Reinvestment Act) pour laquelle le Président Obama alloué 80 milliards de dollars aux projets d’énergie propre,
- l’appel de l’Administration Obama d’investir 150 mllliards $ pour les dix prochaines années dans la recherche et le développement en matière d’énergies nouvelles,
- la suppression par les Etats-Unis des subsides et soutiens budgétaires aux énergies fossiles et leur transfert aux énergies renouvelables,
- le programme chinois de 400 milliards $ en énergie propre pour la prochaine décade,
- l’annonce faite en janvier 2010 par le FMI au Forum de Davos de la création d’un fonds (« green fund ») allouant 100 milliards $ par an pour aider les pays en développement à adopter les énergies renouvelables.
J’y ajoute pour ma part un sixième élément. Il s’agit du package «énergie/changement climatique » adopté par l’Union européenne (UE) en décembre 2008, qui fixe les objectifs de l’UE à 2020, plus connu par les spécialistes sous le nom des « Trois fois Vingt » : diminution de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) pouvant aller à 30% en cas d’accord international, diminution de 20% de la consommation par une meilleure efficacité énergétique et couverture de 20% des besoins énergétiques par les énergies renouvelables.
La question fondamentale qui se pose pour les pays de l’OPEP c’est celle de savoir si ces programmes de transition énergétique ne vont pas casser les économies de leur pays respectifs fondées, comme chez nous, sur l’exportation des hydrocarbures ? Pour certains analystes dont l’INEGMA un compromis est possible entre pays consommateurs et exportateurs autour d’un nouveau concept celui d’énergie mixte (« mix energy ») qui permettrait d’assurer l’équilibre des intérêts. Mais les menaces sont déjà là. A l’extérieur deux exemples. Le premier est l’instauration d’une taxe carbone par les pays consommateurs d’hydrocarbures pour financer partiellement ces programmes au détriment de pays exportateurs Le second est la pression à la baisse sur le prix du GNL spot du fait la volonté affichée « d’indépendance énergétique » des Etats-Unis concrétisée déjà par l’exploitation de leur gaz non conventionnel. A l’interne la menace est plus grande du fait de notre incapacité récurrente d’une part à infléchir notre modèle de consommation des énergies carbonées alors que nos réserves en hydrocarbures liquides sont courtes et nos réserves de gaz trop fortement sollicitées et d’autre part au retard pris dans la promotion de notre panier d’énergies alternatives.
Malheureusement les indices d’hydrocarbures découverts à Tiaret ne changeront pas grand-chose.