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Une première à la radio nationale : Des journalistes et réalisateurs « cachetiers » en grève

Depuis hier, le personnel « cachetier » des rédactions de trois radios de proximité a entamé une grève illimitée assortie d’une occupation permanente du lieu de travail. Pour eux, travailler au cachet est une forme d’« apartheid ». Une première dans les annales de la Radio nationale. Depuis hier, le personnel « cachetier » des rédactions de trois radios de proximité de la Radio algérienne (ex-Entreprise nationale de radiodiffusion sonore) a entamé une grève illimitée assortie d’une occupation permanente du lieu de travail. Les dizaines de journalistes et réalisateurs des radios El Bahdja, Radio Coran, Radio Net et Radio Takafa (Radio Culture), engagés dans ce mouvement inédit et désespéré, entendent ainsi briser, bruyamment, l’omerta, la loi du silence qui entoure leur insoutenable condition de « cachetiers » de l’ENRS. Travailler au cachet, une « forme d’apartheid », systématisée depuis des années au sein de la radio par l’employeur public, ont dénoncé les grévistes. Employés à plein temps, plus de 950 travailleurs au cachet sont recensés rien que pour les Radio Mitidja, Chaînes I, II et III, Internationale, Culture, Coran et Radio Net, en totale violation de la législation du travail et du nouveau code régissant les relations de travail au sein des entreprises de presse, affirme un des membres du collectif des travailleurs de la radio. La précarité du statut de « cachetier » dans lequel sont délibérément maintenus des centaines de journalistes et réalisateurs d’émissions radiophoniques contraste admirablement avec l’aisance financière et le succès qu’affichent ces chaînes locales auprès de l’audimat algérois. « La radio El Bahdja, véritable succès story, réalise à elle seule plus de 65% de l’audimat et capte plus de 45% des recettes publicitaires de la Radio nationale. Au cours de l’exercice 2009, ladite chaîne s’est même permis le luxe de reverser au Trésor public plus 54 milliards de centimes, résidus non consommés de la dotation publique », déclare Samir Larabi, journaliste à El Bahdja et présentateur du journal de 18h. Pour lui, « l’argument financier » ne peut aucunement servir de prétexte au maintien du statu quo dommageable aux personnels des rédactions. « L’ère des khemassine (serfs) est révolue. Nous voulons des CDI (contrat à durée indéterminée) en bonne et due forme, pas un statut de la honte comme celui que nous octroie la radio. » Larabi a vu, depuis 2002, année de son entrée à la radio El Bahdja, défiler les vagues de « titularisations ». Aucune d’elle ne l’a atteint. Nombreux sont les journalistes comme lui à ne pas avoir la tête de l’emploi. L’apartheid,version Khelladi A l’heure du rassemblement organisé à 11h devant le siège des chaînes de radios locales, sis rue Zabana (Alger), il y avait foule. Des syndicalistes (syndicat du port, du Cnes, de l’Enaditex), des journalistes, des militants associatifs, etc., ont tenu à marquer leur présence. Abdenour Boukhemkhem, le secrétaire général de la Fédération nationale des journalistes algériens, a fait un appel à la solidarité avec les grévistes. « Les journalistes grévistes exigent l’officialisation de leurs contrats de travail, dès lors que plus de deux tiers d’entre eux travaillent au cachet depuis plus de 9 ans. Cette relation de travail, rare au demeurant, est injuste et illégale dans une entreprise publique, propriété de l’Etat dans un secteur stratégique. La direction de la radio transgresse ainsi et de manière criante toutes les lois et autres réglementations régissant les relations de travail dans le secteur de l’information », déclare-t-il à l’assistance. Dans son speech, le syndicaliste rappelle une des décisions abusives prises mercredi dernier par les responsables de la radio à l’encontre des journalistes « cachetiers ». Ces derniers ont été informés du changement du système de rémunération. Le maigre salaire forfaitaire (entre 18 000 et 25 000 DA) qu’ils percevaient jusque-là devrait être suppléé par une rémunération à la « pige ». À la précarité du statut s’ajoute la modicité de la récompense. Lors d’un point de presse improvisé, Farid Toualbi, le directeur de la radio El Bahdja, fait mine d’être « surpris » par le mouvement de grève. Il tombe des nues. « Je suis étonné de découvrir une telle détresse au sein de la rédaction », déclare-t-il aux dizaines de journalistes qui ont pris d’assaut son bureau. Toutes les radios du monde recourent, selon lui, à la rémunération au cachet. La Radio algérienne ne fait pas figure d’exception, à ses dires. Toualbi, qui soutient que le « recrutement » à la radio ne relève pas de ses « attributions », promet une « solution globale », un « assainissement » des effectifs des « cachetiers ». « Les choses me dépassent. Je ne suis pas habilité à recruter. Une réunion devrait se tenir en fin de journée (d’hier) au niveau de la direction générale de la Radio algérienne. Des solutions seront proposées par le directeur général de la radio, Tewfik Khelladi. » Dans son communiqué rendu public hier, en fin de journée, la direction générale de la Radio algérienne a fait montre d’un ton musclé envers les grévistes. Il s’agit, d’après elle, d’une « occupation illégale » (de la salle de rédaction), « entamée au mépris de toutes les règles » et dont l’objectif est de « perturber un travail de service public ». Khelladi hausse le ton et annonce la liquidation du mouvement par les moyens répressifs. « Cette situation a conduit la direction (de la RA) à agir conformément à la loi, pour rétablir le climat et les conditions de travail au sein de la Radio ». A l’heure où nous mettons sous presse, un renfort policier a été dépêché sur les lieux. Le « Centre Zabana », bloc de plusieurs chaînes radio, était quadrillé par les forces de police. Une intervention musclée pour déloger les grévistes devrait intervenir dans la soirée. Par Mohand Aziri

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