C'est l'histoire d'un livre que Bouteflika ne peut pas censurer.
Le livre intitulé « Entre la terreur et le tourisme, voyage au cœur de l’Afrique du Nord », du célèbre journaliste et écrivain, Michael Mewshaw, spécialiste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, vient de paraître. Et le pouvoir algérien n'en est pas content.
Un de ses chapitres est, en effet, un entretien-fleuve avec Thomas Daughton, le numéro deux de l’ambassade des Etats-Unis à Alger du temps de Robert Ford, avant qu’il soit appelé en Irak.
Les autorités algériennes accusent l'’ex-chargé d’affaires à l’ambassade des Etats-Unis a propagé à travers un livre paru, il y a quelques jours, des informations mensongères, donnant une fausse image de la situation en Algérie, afin de tromper l’opinion publique américaine.
On lit dans le livre de Michael Mewshaw que « Le gouvernement (algérien, ndlr) est sclérosé et corrompu. Nous avons tenté de les tirer vers le 20ème siècle », aurait ainsi déclaré Daughton. « Oubliez le 21ème siècle », aurait-il ajouté, comparant le pays au Zimbabwe « le besoin d'un changement de régime et de gouvernant est le même pour ces deux pays ». Sur la violence, Daughton aurait affirmé à son interlocuteur: « Ici, il y a 50 à 100 personnes tuées chaque mois et on n'en entend jamais parler ».
Daughton considère que l’Algérie est un état sous-développé que les E.U. ont tenté d’introduire dans le 20ièmeième, mais sans résultat. « Sans le pétrole l’Algérie serait comme le Zimbabwe ou encore plus arriérée, l’autorité est mentalement pétrifiée et use toujours du modèle soviétique», a précisé le diplomate.
Ces propos, dit-on, auraient engendré un embarras chez le Département d'Etat américain, et le porte-parole du Bureau des affaires du Proche Orient au Département d'Etat, Michael Ratney, aurait accusé Michael Mewshaw d'avoir rapporté des confidences livrées en "off".
Ah bon ? En "on", l'Amérique penserait donc du bien du régime algérien qu'elle vient de classer sur la liste des 14 pays accusés de «soutenir le terrorisme» ?
N'est-ce pas pour éviter Bouteflika que Hilary Clinton se rend en visite au Maroc en ignorant l’Algérie.?
Mais pourtant, c'est bien en "on" que le département d'Etat américain vient de juger sévèrement la situation des droits de l'homme en Algérie et aligné notre pays sur les Etats bananiers. C'était il y a une semaine, dans le rapport annuel.
C'est bien en "on" que les Etats-Unis disent, dans ce rapport, qu'ils doutent des chiffres algériens sur le terrorisme.
C'est bien en "on" que les USA constatent que le gouvernement algérien ne respecte pas sa propre Constitution. Ils notent une justice aux ordres (« La Constitution garantit le droit à un procès équitable, cependant en pratique, les autorités ne respectent pas toujours complètement les dispositions légales concernant les droits de la défense »). Ils déplorent la situation des libertés d'expression et de la presse en Algérie. Là encore, note le rapport, si « la Constitution garantit les libertés d'expression et de la presse, le gouvernement restreint ses droits en pratique à travers les accusations de diffamation et les pressions informelles sur les annonceurs, éditeurs et journalistes ». Une politique « répressive » qui vise également les médias internationaux dans leur volonté de couvrir l'actualité algérienne. Le rapport rappelle que le bureau de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera est toujours fermé depuis plus de 5 ans. Il évoque également la censure de trois livres durant le Salon international du livre d'Alger d'octobre dernier; ceux de Boualem Sensal (Le village allemand), Salim Bachi (Tuez les tous) et Mehdi el Djezairi (Poutakhine).
C'est bien en "on" qu'ils constatent que les droits des travailleurs et la liberté religieuse sont malmenés.
En dix ans, Abdelaziz Bouteflika, l’homme qui devait faire entrer l’Algérie dans le nouveau siècle, le modernisateur, le réformateur, l’ennemi déclaré des généraux, celui dont Chirac a dit qu’il était la dernière chance pour la démocratie au Maghreb, était devenu indésirable.
Après dix années de bourrage de crâne sur « l’image retrouvée de l’Algérie », de mauvaise réclame autour de la « izza oua el karama », de fausses annonces sur « la fin du terrorisme », l’Algérie se trouve classée parmi les pays les plus « délinquants » de la planète.
C'est ça, le vrai visage du régime algérien, en 2010, dirigé par un homme incrusté pour un pouvoir à vie, au mépris de la Constitution algérienne qu’il avait pourtant juré, lors de sa prise de pouvoir en 1999, de respecter et de défendre !
Comment l'Amérique doit-elle nous le dire ?
L.M.