Mouvement de grève dans le secteur de la santé publique
Nous sommes dans un Etat de non-droit. Les libertés syndicales sont menacées et le droit de grève consacré par les lois de la République se trouve aujourd’hui bafoué et remis, plus que jamais, en cause. »
C’est par cette note décevante que l’intersyndicale des praticiens de santé publique a répliqué à la batterie de mesures « répressives » prises à leur encontre par les pouvoirs publics. Des mesures portant, entre autres, sur la révocation des grévistes. Hier, lors d’une conférence de presse animée à Alger, les Dr Lyes Merabet et Mohamed Yousfi, respectivement porte-parole du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) et du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP) ont dénoncé, condamné et déploré le comportement du gouvernement dans son ensemble. Pour ces deux syndicalistes, les pouvoirs publics viennent de signer à travers ces nouvelles mesures, des plus négatives, le constat de décès de la santé publique.
Un constat rédigé, selon eux, par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, mis en œuvre par le ministère de tutelle, et ce, devant le silence du président de la République, garant de la Constitution et des droits des citoyens. « La santé publique était en péril et hier le pouvoir a signé son arrêt de mort, d’aucuns n’ignorent que sans les praticiens, aucun système de santé publique ne peut fonctionner. Les ministres viennent et partent, mais nous, nous sommes toujours là, nous sommes incontournables », a lâché Dr Yousfi, qui rappellera que les praticiens ont mené le plus long combat de l’histoire.
Un combat et une grève pour la dignité. Revenant maintenant aux détails des mesures prises par le pouvoir : en effet, lundi après-midi, le ministère de la Santé a adressé une instruction aux praticiens grévistes les informant qu’il sera procédé, selon la réglementation du travail, « à la retenue sur salaires » pour l’ensemble des journées de grève et « l’envoi de mises en demeure » individuelles à tous les praticiens en abandon de poste. Le ministère, qui a enregistré avec regret la poursuite de la grève des praticiens de santé publique, a ajouté qu’à l’issue de ces procédures, les mesures de révocation seront entamées contre tout praticien qui n’aura pas rejoint son poste de travail.
« Bien que la justice ait ordonné l’arrêt de la grève et la reprise du travail, les deux syndicats ont persisté dans leur attitude... Nous étions alors dans l’obligation de mettre à exécution toutes les mesures prévues par la réglementation régissant les relations de travail pour que cesse la prise en otages des malades et de leurs parents », s’est défendu le ministère de la Santé. Outrés, les syndicats estiment que cette nouvelle atteinte aux libertés syndicales les édifie sur l’incapacité des pouvoirs publics à prendre en charge leurs revendications socioprofessionnelles pourtant reconnues légitimes par toutes les instances aussi bien administratives que politiques approchées durant la grève. « Notre tutelle a justifié ces mesures par des décisions de justice qui n’ont jamais été notifiées aux deux syndicats en grève, et par souci de préserver la pérennité du service public de santé qui n’a jamais été mise en péril par la grève en raison d’un large service minimum », a tonné Dr Merabet, qui relève que l’allégation d’abandon de poste avancé par la tutelle envers les grévistes est un mauvais alibi et contredit la démarche même du ministère qui a reconnu la grève par la tenue de réunions de conciliation telle que prévue par la loi.
« Dans un pays qui se respecte, lorsqu’un ministre est dans l’incapacité de trouver une solution à une grève qui dure depuis plus de trois mois, le minimum est qu’il démissionne de son poste », a fulminé Dr Merabet. Quant au Dr Yousfi, le recours aux menaces de révocation ne fera qu’entretenir les conflits et les crises. Les conférenciers regrettent que les pouvoirs utilisent tous les moyens pour arriver à la radiation des grévistes. « Si l’on dérange à ce point, le pouvoir doit dans ce cas de figure remettre en cause notre existence, nous retirer nos agréments et mettre ainsi fin à ce pluralisme syndical de façade et maintenir ainsi le syndicat du dialogue », ont pesté les animateurs de la conférence. Par ailleurs, s’agissant de la poursuite ou du gel de la grève, les praticiens seront fixés ce week-end après le retour à la base.
En effet, les conseils nationaux des deux organisations syndicales prendront leur décision jeudi et vendredi après des assemblées générales de leurs adhérents convoqués localement. « La base a décidé de la grève et on revient à elle pour évaluer ce qui a été fait, le conseil national devra prendre jeudi une décision quant au mouvement de grève qui continue jusqu’à cette réunion », a déclaré Dr Merabet. Pour rappel, le SNPSP a entamé son débrayage le 24 décembre, joint le 4 janvier par le SNPSSP. Depuis, les deux organisations, qui assurent un service minimum, reconduisent chaque semaine leur mouvement pour obtenir la révision d’un statut particulier promulgué fin 2009, l’ouverture de discussions sur le régime indemnitaire ou l’octroi d’un quota de logements de fonction.
Par