Nous sommes tous des thons rouges En dehors des scandales connus, Sonatrach ou les Travaux publics pour ne citer que les plus célèbres des cas de vol à la sauvette, une série de scandales fait l’actualité sans pour autant susciter un intérêt particulier. Ou n’intéresse personne, à l’inverse de Sonatrach qui représente la globalité de la facture alimentaire et qui, de fait, provoque anxiété nationale et boules d’angoisse au niveau du premier virage du duodénum. Parmi ces scandales relégués en nationale 2 du championnat, ArcelorMittal, les déchets non ferreux, Algérie Télécom ou, le dernier en date, celui du thon rouge. Si pour ArcelorMittal il s’agit d’une affaire compliquée, des Indiens mafieux qui fabriquent du fer en faisant fondre des syndicalistes d’El Hadjar afin de les revendre en bloc, pour le thon rouge, un simple poisson, l’affaire devrait être plus simple. Et intéresser davantage l’opinion publique, connue pour ne pas s’y connaître en métallurgie mais forcément inquiète de son poisson, vu son prix. Et pourtant non, le scandale du thon rouge où des peines de prison et de lourdes amendes viennent tout juste d’être prononcées – pas contre le poisson, mais contre ceux qui l’ont pêché – n’intéresse personne. Peu d’Algériens sont en mesure d’en comprendre les enjeux, tout comme le thon rouge lui-même qui n’a toujours pas compris ce qui lui arrive. Pourquoi ? Parce qu’il y a tellement de scandales que les Algériens ont décidé de choisir celui qu’ils suivent, tout comme on choisit une chaîne de télévision pour suivre sa série favorite. Mais mettez-vous à la place d’un thon rouge. Il est quadrillé, traqué et maltraité, vit au milieu de harraga et de prédateurs, se fait détourner dans l’indifférence générale pour finir dans une boîte. Triste sort qui ressemble étrangement à celui des Algériens. Nous sommes tous des thons rouges. Oui, bien sûr, ma voisine du 3e plus que d’autres. Par Chawki Amari
Surexploitation mondiale du thon rouge
La saison de la pêche 2008 vient de débuter et c’est le thon rouge qui est encore menacé de disparaître complètement des côtes méditerranéennes.
L’Algérie avait réussi à négocier un nouveau quota de pêche en novembre 2007, lors de la réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICAAT) ; une hausse évaluée à près de 1000 tonnes des quotas de pêche de thon rouge pour 2008. Une augmentation du quota qui intervient au moment où les organisations internationales tirent la sonnette d’alarme et avertissent du danger qui plane sur l’espèce, danger provoqué par la surpêche. L’Europe, d’ailleurs, a renforcé sa surveillance avec des patrouilleurs en mer, des avions et des inspections dans les ports. Pour l’année 2007, des pêcheurs français avaient reconnu avoir pris 10 000 tonnes de thon rouge pour 5593 autorisées. Ce poisson, qui a traversé les siècles, est aujourd’hui menacé de disparition. Selon les chiffres fournis par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les captures de ce poisson ont atteint 39 000 tonnes en 1994 et 22 000 tonnes en 2002. L’engouement économique autour du thon se justifie par une forte demande sur le sushi et le sashimi à l’étranger. De nombreuses associations écologiques réclament un moratoire sur la pêche du thon et commandent également aux grands distributeurs de cesser sa vente. Tous les moyens sont mis en œuvre à travers l’Europe pour s’assurer qu’il n’y a aucun dépassement des quotas, comme ce fut le cas durant la saison 2007. Des dépassements qui ont conduit à l’arrêt prématuré de la pêche, mais qui n’ont pas empêché de fragiliser encore davantage l’écosystème marin méditerranéen. Les mesures prises par la Commission européenne et qui visent à sauvegarder l’espèce consistent à poursuivre le plan de sauvegarde du thon rouge sur 15 ans. Le comité scientifique de l’ICAAT estime que 50 000 tonnes de thon rouge avaient été pêchées en 2006, contre 32 000 autorisées. Le dépassement des quotas n’est pas la seule cause du déclin de l’espèce marine, mais également la pêche de jeunes thons qui ne se sont pas reproduit. Il est à ce titre imparti aux pêcheurs d’utiliser des filets devant laisser filtrer des thon d’au moins 10 à 30 kg. Une mesure qui doit permettre aux jeunes thons de passer les mailles du filet pour se reproduire. Il faut savoir que le thon rouge transite entre la Libye, où il naît, pour rejoindre les eaux de l’Atlantique. Lorsque le thon arrive en âge de se reproduire, il part pondre ses œufs en Libye. Les poissons, une fois adultes, rejoindront à leur tour l’Atlantique. Ils passeront nos eaux territoriales durant un temps déterminé qui s’étale d’avril à juin. L’engraissement du thon « Le problème s’est corsé avec le développement de l’aquaculture fondée sur les captures de thon rouge au stade juvénile. Egalement connue sous le nom d’ « engraissement du thon », cette pratique consiste à capturer de jeunes poissons en mer puis à les enfermer dans des bassins d’élevage où ils sont engraissés en vue de leur commercialisation », rapporte la FAO. Toujours selon ses estimations, la production annuelle de thon rouge grâce à cette technique s’établirait actuellement autour de 25 000 tonnes, soit 10 000 tonnes de plus qu’il y a à peine cinq ans. L’engraissement du thon est principalement pratiqué en Croatie, en Espagne, à Malte et en Turquie. « Cette pratique suscite de vives inquiétudes dans la mesure où, d’une part, elle aggrave une situation rendue fragile par la surexploitation et que, d’autre part, les prélèvements de jeunes thons se font en catimini, rendant pratiquement impossible toute évaluation précise des stocks », selon la FAO. En réalité, « les captures de thon rouge ne représentent plus qu’environ 3 pour cent du total des captures en Méditerranée ». A souligner qu’aux Etats-Unis, « la demande annuelle s’établit autour de 24 000 tonnes, soit plus d’une année entière de captures en Méditerranée », précise la FAO.