Les entreprises publiques se retirent de l’organisation
FCE - gouvernement : la fin d’une alliance ?
El Watan, 6 mai 2010
Les accusations proférées à l’endroit du FCE semblent dures dans la mesure où les autorités feignent d’oublier que Réda Hamiani n’a pas hésité à défendre le gouvernement lorsqu’il avait subi d’intenses tirs groupés d’opérateurs nationaux et étrangers à l’occasion de la LFC 2009.
Près d’une trentaine de représentants d’entreprises publiques ont décidé, au début de la semaine, de claquer la porte du Forum des chefs d’entreprises (FCE), un club de patrons présidé par Réda Hamiani. La cause ? Les managers de ces sociétés d’Etat reprochent à la direction du FCE de prendre des décisions de manière « unilatérale » et « d’entretenir une certaine discrimination entre les entreprises privées et publiques ». Toutefois, le grief le plus important retenu à l’encontre du FCE a un lien étroit avec les récentes salves de critiques adressées par M. Hamiani au gouvernement après l’entrée en vigueur, le 10 mars dernier, d’un décret exécutif fixant les modalités de suivi des importations en franchise de droits de douane. Décret qui, rappelle-t-on, avait suscité la grogne des opérateurs économiques.
En réaction à cette mesure qualifiée d’« incongrue » et de « mortelle » par la majorité des opérateurs économiques, le FCE – qui s’était d’ailleurs dit « assailli par des appels de détresse lancés par des chefs d’entreprise » – n’avait alors pas hésité à appeler de manière véhémente les autorités à geler les dispositions dudit décret et à mettre en place un instrument de suivi des importations « à travers des procédures beaucoup plus simples ». Quelques jours seulement après cette première attaque frontale, le patron du FCE est revenu à la charge en se disant « non concerné » par l’accord conclu la semaine dernière par le gouvernement avec l’UGTA portant sur les augmentations des salaires. Il n’en fallait sans doute pas plus pour susciter l’ire des autorités qui avaient pris, jusque-là, l’habitude de traiter avec un FCE docile à souhait. A ce propos, la décision des managers des entreprises publiques de quitter le « Forum » sonne plus qu’un message d’avertissement.
Le retrait du FCE de grandes sociétés publiques, comme Air Algérie, Saidal ou la SNVI, marque indubitablement une rupture entre l’association dirigée par Réda Hamiani et les autorités. Connu pour la grande proximité qu’il entretient avec la présidence de la République, le PDG d’Air Algérie, Wahid Bouabdallah, a, d’ailleurs, très bien traduit, hier, dans une déclaration au quotidien Liberté, l’état d’esprit dans lequel sont actuellement les autorités lorsqu’il a notamment reproché au FCE ses « critiques acerbes contre la politique économique de l’Etat » et exprimé son refus catégorique de servir de « faire-valoir ». Les accusations proférées à l’endroit du FCE peuvent paraître un peu dures dans la mesure où les autorités semblent oublier un peu trop vite que Réda Hamiani n’avait pas hésité, l’été dernier, à défendre le gouvernement au moment où celui-ci avait subi d’intenses tirs groupés d’opérateurs nationaux et étrangers après la promulgation de la fameuse LFC 2009. Il y a lieu de rappeler, en outre, que le patron du FCE a vait fait, quelques semaines auparavant, un profond travail de lobbying afin de convaincre les milieux économiques privés de voter Bouteflika lors de l’élection présidentielle d’avril 2009.
Face, il faut le dire, à cette situation de crise inédite, s’offrent aux dirigeants du FCE deux choix possibles : ou ils acceptent de « rentrer dans les rangs » et de continuer à servir uniquement de simples soutiens critiques au gouvernement, ou bien alors ils décident de s’autonomiser par rapport au Pouvoir et de s’assumer en tant que syndicat de patrons d’entreprises privées. A en croire les propos de Réda Hamiani dans El Watan (lire l’entretien ci-contre), il semble bien que le FCE ait opté pour le second choix. Mais il ne faut, cependant, pas se tromper. Il ne s’agit là que d’une déclaration qui engage la personne de Réda Hamiani et lui seul. Pour valider cette option, le président du FCE est légalement obligé de requérir l’aval de l’assemblée générale de son association. Autant dire que l’exercice n’est pas gagné d’avance pour Réda Hamiani lorsque l’on sait qu’au moins la moitié de la composante du Forum est constituée d’opérateurs privés complètement acquis à la politique du président Bouteflika.
A ce propos, il n’est pas inutile de rappeler que les membres du FCE ont été les principaux bailleurs de fonds du candidat Bouteflika lors des présidentielles de 2004 et de 2009. Si le départ aussi inattendu que massif des opérateurs publics a pour effet immédiat de fragiliser considérablement le FCE (les sociétés publiques représentent le gros de son chiffre d’affaires), il n’est pas impossible de voir également les velléités de M. Hamiani et son entourage d’adopter une ligne dure vis-à-vis des autorités déboucher sur une atomisation du Forum. Si un tel scénario venait à se produire, il est bien évident que tout le monde sera perdant. Y compris les autorités.
Par Zine Cherfaoui
Le Forum en quelques chiffres
Créé en octobre 2000, le Forum des chefs d’entreprises (FCE), la plus importante organisation patronale en Algérie, a contribué, de l’avis de beaucoup d’observateurs, aux efforts de réflexion et de proposition dont le but essentiel est de promouvoir les intérêts de l’entreprise algérienne et d’élargir son marché.
De par ses statuts actuels, le FCE est une association et non un syndicat. Et n’a pas pour vocation de s’engager dans un processus de négociations sociales. C’est d’ailleurs la ligne conductrice de cette association. Le Forum compte quelque 500 entreprises de droit algérien exerçant dans une dizaine de branches d’activité économique. Les principaux secteurs couverts sont notamment ceux des industries agroalimentaires, des matériaux de construction, des industries électriques et électroniques, du bois, des travaux publics et la construction ainsi que la grande distribution. Cette organisation patronale a réalisé un chiffre d’affaires de 6 milliards d’euros, représentant quelque 180 000 postes d’emploi.
Au tout début de ses activités, le FCE regroupait des entreprises privées de grande envergure, telles que Bya Electronic, Cevital, ETRHB Haddad, etc. Plusieurs autres entreprises publiques et étrangères de droit algérien se sont jointes à ce conglomérat, en lui procurant plus d’ancrage et de force de frappe. Depuis mercredi dernier, une quinzaine d’entreprises publiques, dont Air Algérie, SNVI, Saidal, Socothyd, Groupe industriel du papier et de la cellulose (Gipec), l’entreprise de distribution de produits chimiques (Diprochim), Agenor, Onab, ont quitté le FCE à la surprise générale. La raison du retrait serait liée aux reproches formulés par Réda Hamiani à l’encontre de la nouvelle politique économique du gouvernement.
Par H. L.