PREMIERE PARTIE : Larbi Belkheir, Toufik Mediene, Smaïn Lamari etla micro-colonie du Club des pins
En avril 2004, aussitôt Abdelaziz Bouteflika « réélu » président, Jacques Chirac se rend à Alger pour l’en féliciter et l’inviter à engager entre leurs deux pays un « partenariat d’exception » [1]]. Ambition louable s’il s’agissait d’établir entre la France et l’Algérie des rapports de coopération économique, culturelle, touristique ou scientifique sains et bénéfiques pour les deux peuples. Or, il y a supercherie sur l’identité du partenaire, la micro-colonie du Club des pins qui domine et assujettit le pays et qui mène une guerre sans merci au peuple algérien, lequel ne sert que d’alibi à la manœuvre. Le score de 84 % par lequel les Algériens sont censés avoir désigné Abdelaziz Bouteflika donne la mesure du mépris que le régime leur voue, eux qui le reçoivent partout où il se rend avec des pluies de pierres et des volées d’injures. Aux yeux de l’opinion mondiale, le pouvoir entretient la fiction d’un renouveau. Or, Mohamed-Chérif Messaâdia, était le chef de file de la vieille garde « barbéfélène » jusqu’en 1988 où il fut sacrifié à l’autel de la « démocratisation » [2]. Le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, est le promoteur en 1984 du toujours en vigueur Code de la famille qui fait de la femme une chose. Le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, contribua dès 1962 à asseoir le pouvoir absolu de la Sécurité militaire, aux côtés d’Ali Tounsi, actuel chef de la Sécurité intérieure, connu pour avoir été durant la guerre d’indépendance membre du « commando Georges » de sinistre mémoire. Voilà quelques exemples de ces partenaires d’exception de la France, censés incarner la rupture avec le passé, sous la houlette d’Abdelaziz Bouteflika, fossoyeur en 1962 des rêves d’indépendance des Algériens et membre de l’équipe qui poussa - avec force assassinats - à l’exode un million d’Européens et des dizaines de milliers de Harkis. Déchu en 1979, condamné pour vol, il doit son retour en grâce en 1999 au fait qu’il présente aux yeux des vrais détenteurs du pouvoir, Larbi Belkheir, Toufik Mediene, Smaïn Lamari, le profil idéal pour masquer à l’opinion internationale la réalité cruelle d’une dictature féroce, un État terroriste, un sol vandalisé, un pays en voie de démantèlement. Une économie sinistrée L’analyse que fait le banquier américain William Byrd [3] de l’économie algérienne susciterait l’épouvante chez n’importe quel diplomate honnête désirant traiter avec l’Algérie. Pour un niveau d’investissement flatteur de 32 % du PIB de 1971 à 2000, les « investissements étrangers sont concentrés dans le seul secteur des hydrocarbures, dans un territoire loin des populations algériennes qui n’en profitent ni en matière d’emploi ni en autres retombées. » Le chômage est estimé à 30 % en 2001, le pire de l’ensemble des pays de la Méditerranée (hormis peut-être la Bosnie-Herzégovine), la réalité étant bien pire que ce que suggèrent ces données officielles fournies par l’OIT et le FMI. L’Algérie ne fonctionne que grâce à l’exportation des hydrocarbures (98 % du montant global) ; « 14 000 sociétés privées assurent l’équivalent de 90 % du volume global des importations du pays et dont la facture oscille entre 13 et 14 milliards de dollars par an » [4] ; tel est le résumé de l’accaparement d’un pays par une minorité parasite.
Selon le banquier, « la rente issue du secteur des hydrocarbures a permis la constitution d’une vaste organisation clientéliste informelle opérant sous le couvert des institutions officielles » dont la « fonction fondamentale est de protéger les transactions d’une caste d’opérateurs économiques [...]. Dans cette organisation, les actes de régulation sont trop souvent le fait d’un clan du régime cherchant à entraver l’action d’un concurrent. » Des pseudo-« contrôles sanitaires » ne ciblant que « des importateurs non impliqués dans le système de pouvoir parallèle », des « capacités publiques [...] largement utilisées pour maintenir des positions dominantes sur un certain nombre de secteurs d’importation », des « impôts sélectifs [évalués] en fonction des relations dans le sérail militaro-sécuritaire et les agents du fisc [qui servent] de vecteurs de destruction des concurrents », des magistrats « relais des clans quand il s’agit d’éliminer juridiquement, voire d’emprisonner, des gestionnaires gênants pour les affaires de ces groupes d’intérêts », voilà quelques exemples de ce qui caractérise l’État algérien, une administration malfaisante, traître à son pays. Cette description d’un État à mettre au ban des nations rend pourtant à peine compte de la réalité d’un pays ravagé, une dépouille sur laquelle s’acharnent, telle une meute de vautours, les multinationales et les mafias politico-militaro-médiatico-affairistes. Nous allons examiner quelques aspects de cette folle mise à sac, dans des secteurs où les 30 millions d’Algériens, responsables présumés de tous les maux, ne peuvent servir d’alibi. Banques à tiroir ouverts Tout le monde a en mémoire le méga-scandale Khalifa, qui n’a jusqu’ici fait de victimes que parmi les clients civils de la banque et le Trésor public, devenu propriété privée des réseaux dont Larbi Belkheir, « conseiller à la présidence », est la figure tutélaire [5]. Parrain des institutions du pays, et jouissant de soutiens inconditionnels en France, Larbi Belkheir est à l’abri de toute poursuite ; quant à Moumène Khalifa, le prodigue « golden »-président du groupe, d’innombrables mandats d’arrêts internationaux ne l’empêchent pas de couler des jours tranquilles à Londres. L’épilogue de cette affaire n’est pas prêt d’être rendu, malgré des mises en examen spectaculaires : « L’ex-ministre des Finances Mohamed Terbèche, [...] Abdelmadjid Tebboune et Abdelmadjid Attar, respectivement ex-ministres de l’Habitat et des Ressources en eau, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abdelwahab Keramane, [...] l’actuel gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Mohamed Laksaci, et le premier vice-gouverneur, Ali Touati [...], en leur qualité, pour le premier, de gouverneur de la BA durant la période 2003 et, pour le second, en tant qu’ancien responsable du contrôle des changes. [6] » « Les responsables de ces organismes ont affirmé lors de l’instruction avoir pris la décision de retirer une grande partie de leur trésorerie des banques publiques pour les mettre dans les caisses d’El-Khalifa Bank à la suite d’“une instruction verbale” du ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune [...]. “En contrepartie des dépôts, les responsables d’El-Khalifa Bank versaient des dessous de table aux dirigeants.” » Ces fonds ont permis notamment à Khalifa TV d’arroser généreusement le PAF (paysage audio-visuel français) et d’acquérir la villa « la plus chère » de Cannes pour abriter des soirées pharaoniques où était convié le gratin du show-business français [7]. « La plus grande escroquerie que le pays a connue et qui a causé au Trésor public la perte sèche de près de 7 milliards de dollars » égrène l’inventaire des délits financiers imaginables : « transferts illégaux d’importantes sommes en devises [...] au profit d’au moins une cinquantaine de personnalités politiques, sportives et culturelles, [...] sommes énormes en devise offertes à travers les cartes Gold à des hautes personnalités de l’État, [dont] des patrons d’importantes institutions publiques ainsi que le frère du président de la République et ancien avocat du groupe Khalifa », salarié à raison d’« un demi-million de dinars par mois ». Les transferts illicites d’El-Khalifa permettent aussi aux frères Bouteflika d’acheter « l’appartement du 182 faubourg Saint-Honoré (Paris 8) » et au président de se distraire, puisqu’il « a embrassé Adel Imam en juillet [2003] grâce aux dollars tirés illégalement d’El-Khalifa à la demande de Khalida [Messaoudi] Toumi ». Le président serait intervenu pour que la chanteuse Amel Wahby touche de Khalifa « un chèque en devises de 500 000 euros et un autre en monnaie nationale de 6 millions de dinars », etc. Selon le ministre de la Justice, « de hauts responsables ont été auditionnés dans cette affaire et un seul inculpé a été retenu, à savoir M. Keramane, l’ancien gouverneur de la BA. » El-Watan, 12 septembre 2004, Le Jeune Indépendant, [8] Larbi Belkheir & Co. peuvent donc dormir tranquilles.
MOUH
A SUIVRE