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Nouveau tour de vis contre les droits de l'homme en Tunisie : Sihem Bensedrine répond à Ben Ali

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Le 19 mai dernier, le Conseil des ministres tunisien adoptait un projet de loi dite des « traitres », elle vise les activistes de droits humains et assimile leur travail de plaidoyer auprès de l’Union européenne à de l’espionnage. Une campagne de calomnies contre les défenseurs des droits de l'homme a accompagné cette loi. Un appel au lynchage est lancé par les thuriféraires du régime contre notamment Sihem Bensedrine en tant que dirigeante du CNLT et de Radio Kalima. Cette lettre constitue sa réponse à la campagne de dénigrement.

Adresse au patron des services spéciaux et à son adjoint, le Ministre de la propaganda
Votre acharnement nous honore

La nouvelle de l'adoption du projet de loi qui sanctionne l'atteinte à la sécurité économique de la Tunisie m'a transportée de joie; Des illusions m'envahirent l’espace de courts instants: enfin, l'Etat tunisien va protéger l'économie de notre pays des rapaces qui l'ont mise à sac, sapant les chances des générations futures. Enfin, les autorités se sont décidées à mettre le holà à l'utilisation abusive du pouvoir à des fins d’enrichissement illicite des potentats et de leurs proches.
Mais la campagne hystérique qui a tenu lieu d'exposé des motifs, m'a brutalement rappelée à la triste réalité. L'amendement proposé, s'est avéré destiné à réduire au silence les voix qui s'élèvent contre le pillage des biens publics et à protéger les faussaires.
Le recours à un tel genre de loi scélérate qu'on ne retrouve qu'en Corée du Nord, est en soi un aveu d'échec de votre machine de propagande qui s'essouffle. Il ne vous reste plus que vos hordes déchaînées et la calomnie, l'arme des lâches.
J'ai décidé aujourd'hui de vous infliger la vérité, plus terrible encore que vos calomnies, elle sera ma première et dernière réponse à votre imposture.

Gouverner par la salissure

Hitler avançait souvent la devise «je pourrirai tout», qui résumait sa méthode pour dominer les sociétés conquises par la force. Il semble que vous l’ayez faite vôtre.
Vos services sont revenus à leur exercice favori, la salissure des dissidents. Dès le départ, vous avez dénié à tout citoyen, armé de ses seules convictions, le droit de ne pas partager vos choix et de le faire savoir. Fuyant vaillamment  la confrontation des idées, vous avez donné libre cours à votre prédilection pour les procédés avilissants infligés à vos contradicteurs dont vous avez fait un mode de gouvernement.
Vous avez fait de l’atteinte à l’honneur de vos opposants par des vidéomontages, photos truquées, écrits pornographiques étalés sur vos journaux de caniveau, la marque distinctive de votre régime. Ces «œuvres d’art» inaltérables exposent votre fonds de valeurs limité à une pathologie de dépravés sexuels et révèlent tout autant une foi très ébranlée en votre propre capacité de persuasion.
Plus encore qu’un mépris pour le monde intellectuel, cela témoigne, surtout, du peu d’estime que vous vous portez. La haine que vous nourrissez pour la vie et la liberté enlaidit tout ce sur quoi votre regard se porte et vous empêche d’apprécier la beauté.
Ce besoin constant de ravaler la façade de votre régime en ruines en affichant de fausses performances, témoigne du fait que votre image réelle vous insupporte et vous êtes incapable de vous regarder dans un miroir.

Vous rejetez  la responsabilité de votre laideur sur tous ceux que la Tunisie compte de valeureux et qui sont la fierté de notre pays; vous déversez alors votre fange sur les Kamel Jendoubi, Khemaies Chamari, Souhayr Belhassen, Khedija cherif, Moncef Marzouki, Sana Ben Achour, Radhia Nasraoui, Naziha Rjiba, Ahmed Ounaies, Mohamed Abbou, Taoufik Ben Brik, Slim Bagga, Raouf Ayadi, Mokhtar Trifi, Hamma Hammami, Omar Mestiri et tant d’autres encore.

La valeur de ces éminentes figures de la Tunisie libre est reconnue au-delà de nos frontières et nombre d’entre eux sont portés à la tête de prestigieuses organisations internationales, comme Souhayr Benhassen, présidente de la FIDH ou Kamel Jendoubi, président du réseau Euromed que vous avez privé de passeport et l'empêchant de pleurer son père sur son tombeau. Même d’anciens hauts responsables de cet Etat que vous prétendez servir, n'ont pas été épargnés par votre obsession de tout salir.

Vous avez poussé l’impudence jusqu’à vous attaquer de façon abjecte à Om Zied, une écrivaine qui a plus de fans en Tunisie et ailleurs que toutes vos stars de la politique et du showbiz réunis. Votre lamentable description de sa prétendue «laideur» et «vieillesse» ne peut atteindre son beau sourire de Joconde, ni le charme qu’elle diffuse lorsqu’elle prend la parole; une parole vraie qui dénude votre dictature hideuse. Une parole qui va droit aux cœurs et aux esprits sans recourir au fard. Une parole vraie qui éclipse toutes celles que vous soudoyez en dilapidant les fonds publics par dizaines de millions de dinars pour maquiller votre image.

Ces pauvres hères que vous exhibez

Pourtant, il y a quelques mois, vous sembliez innover avec la mise en avant de quelques uns de nos anciens collaborateurs pitoyablement exhibés aux fins de révéler une prétendue face cachée.
Vous en aviez tant fait pour nous dénigrer et attenter à la réputation des militants de Kalima et du CNLT que vous aviez épuisé la marge de crédibilité nécessaire à toute entreprise de désinformation; Car cette tâche requiert une subtilité et un art dans le dosage du mensonge par rapport à la vérité que vous ne possédez même pas; Vous avez ainsi fait preuve de médiocrité jusque dans l'imposture; c’est pourquoi je vous invite à prendre quelques leçons chez les experts de l’ex-Union soviétique.

Vous avez, en effet, habilement réussi, appuyés sur les formidables moyens qu’offre la puissance publique, à infiltrer nos cercles proches, y plaçant vos agents pour des périodes plus ou moins longues. La thèse reprenait les litanies ressassées jusqu’à la corde d’un engagement destiné à servir un enrichissement personnel, d’une quête effrénée pour la célébrité ou la soif de pouvoir.

Votre dépit se manifeste, cependant, à travers tous les actes de cette mauvaise comédie. C’est ainsi que nous sommes pris à partie, pêle-mêle, pour notre influence, nos prestations télévisuelles, nos écrits, les distinctions internationales reçues, notre aptitude à nous déplacer à l’étranger et à y séjourner et même nos sourires et une «éternelle jeunesse»!

Les «révélations», «poignantes et sincères», avaient de quoi abuser un public crédule, à la conscience émoussée, lecteur de Alhadath, Likolennas, Assarih, Echourouk, Al Moulahidh  et autres torchons financés par vos services; cependant, l’écrasante majorité des Tunisiens, perspicaces et dotés de bon sens, ont vite décelé les erreurs de casting hilarantes.

Ainsi, de pauvres hères se plaignant d’avoir été «exploités et payés pour un salaire de misère» (tout en jurant la main sur le cœur ne rechercher que l’engagement militant), s’offrent des tournées de princes à l’étranger et impriment leur «littérature» à des tirages gigantesques (à compte d’auteurs  n’est-ce pas?). Ces représentants d’une jeunesse aux conditions sociales difficiles, s’affichent en costume-cravate, tenue de rigueur des milieux qu’ils prétendent représenter!

A qui bénéficient les financements suspects?

Les observateurs avisés n’ont pas manqué de relever ces contradictions flagrantes qui ont fait tourner votre mayonnaise. Comment faire passer le Conseil National pour les Libertés en Tunisie, votre bête noire depuis douze ans, pour une «institution virtuelle qui n’existe pas dans la réalité» et prétendre que ses permanents y ont été soumis à des cadences de travail infernales durant huit années, souvent obligés à des heures supplémentaires?

Des diplômés maltraités et humiliés, mais affirmant avoir été souvent délégués à l’étranger pour y représenter l’institution. Des responsables absents du pays mais pouvant exercer un harcèlement constant!
On considère les organisations internationales des droits de l’homme comme «suspectes», mais on les sollicite pour faire la lumière sur le bien fondé des projets qu’elles financement. Des «militants» prétendant s’être engagés dans le CNLT et Radio kalima, mais s’offusquant d’avoir été impliqués dans leurs activités «illégales»!

Les grosses ficelles dominent le scénario. Partis pour mettre en cause notre «cupidité», vous vous retrouvez à pointer «l’exagération de la réalité», sa «déformation», nos communiqués «agressifs», notre «négation des progrès accomplis» ou l'éternelle «politisation» des droits de l’homme et à stigmatiser la logique de soutien des organisations internationales et la «confrontation avec le pouvoir». Surtout, vous tenez à nous dénier tout droit de «dénoncer les questions de malversations financières».

Vos faussaires, trop sûrs de leur affaire, pensaient disposer de quelques pièces maitresses dûment maquillées et refilées à ces acteurs d’un jour, vite embrouillés dans les données: incluant une somme de 89.000$ dans un budget annuel de 30.000$, après avoir claironné précédemment que celui-ci se montait à 1 million d'euros. Il leur a échappé qu’il était peu vraisemblable d’imputer un salaire de 18.000$ sur un budget global de 30.000$, violation des normes les plus élémentaires de gestion financière.

Ils ont également imputé un financement de 57 870 USD versés par une autre «partie suspecte», le PIDC, qui n’est autre que le programme de l’UNESCO dédié aux médias pluriels. Radio Kalima  a effectivement soumis un projet d’un montant de 57 870 USD à ce programme qui avait été approuvé par les experts du département communication ; en fin de parcours, il a  été soumis pour approbation à un conseil formé des Etats où siège évidemment la Tunisie. Le représentant tunisien a opposé son veto à une subvention à Radio Kalima, celle-ci a été en conséquence refusée et le projet non abouti.

Vos services se sont rabattus sur des faux fabriqués à partir de données subtilisées de nos ordinateurs portables lors de la glorieuse agression menée par vos dizaines d’agents, le 3 mars 2008, au port de La Goulette. Enfin, tout cela nous laisse assez loin du million d’euros annuels.Ces manipulations peuvent toujours impressionner un public non averti, mais qui portera crédit à l’affirmation grotesque de l’association des israéliens au Groupe arabe sur l’observation des médias en période électorale? Ou à celle, loufoque, qui nous attribue le soutien de l’USAID, du MEPI ou de la NED? Nous vous défions d’apporter ne serait que l’ombre d’une preuve de tels financements.

Vous savez pertinemment que notre indépendance est inaliénable et que nous n’accepterons jamais de partenariat avec des parties qui ne partagent pas avec nous un socle de valeurs. Par contre nous nous permettons de relever que VOS associations satellitaires ont reçu et continuent de recevoir des fonds non seulement de ces organismes que vous qualifiez de «suspects», mais encore du Pentagone, c'est-à-dire de l’armée américaine depuis 2004, en pleine occupation de l’Iraq, comme l’UNFT ou BASMA, dirigée par Leila Ben Ali et qui non seulement dilapide l’argent public, mais encore construit ses luxueux locaux sur des terrains appartenant au patrimoine archéologique classé par l’UNESCO.

Nous avons nos partenaires et vous avez les vôtres

Ce qui vous insupporte, en fait, c’est que ces défenseurs aient mis en échec votre dispositif d’étranglement et d’avoir constitué une référence crédible à l’échelle nationale et internationale.

Le CNLT -dont l’existence «virtuelle» vous cause bien des tracas- a produit un contre rapport au Comité des droits de l’homme de l’ONU qui a servi de base à de sévères critiques sur les violations des droits humains en mars 2008, ainsi qu’un autre rapport de suivi en juillet 2009; Il a fait de la lutte contre la torture sa priorité; il a réalisé un documentaire sur la torture pratiquée par vos services; il a dressé une liste de tortionnaires que vous protégez; il a produit des éléments qui ont contribué à faire condamner à Strasbourg votre subordonné Khaled Ben Saïd (huit ans de prison par contumace) ; Il se trouve que nous pensons que les victimes de la torture sont plus tunisiennes que leurs bourreaux et que le devoir patriotique exige d’assurer leur protection, même si dans votre dictionnaire, cela s’appelle «trahison».

Le CNLT a également produit, en collaboration avec d’autres ONG indépendantes, un rapport d’observation des médias durant les élections d’octobre dernier qui a mis a nu votre monopole sur les medias(97,14% de l'espace alloué à votre campagne); il a dénoncé vos abus auprès des institutions régionales (Union Africaine, Union européenne) ainsi que dans les pays européens. Il travaille en étroite collaboration avec les ONG internationales (comme la FIDH, le REMDH, OMCT, RSF, AI, Frontline, IFEX…) afin de promouvoir les droits humains. Il est vrai que le tableau de vos performances qu’il présente n’est pas très attrayant et c’est ce qui vous irrite le plus et que vous appelez «atteinte à l’image du pays».

Nous vous répondons que c’est vous qui salissez l’image du pays; c’est la fraude électorale massive, dont vous êtes devenus la référence mondiale, qui fait honte à nos citoyens et sape notre image. Votre censure bâillonne les ressources intellectuelles de notre société et vos médias de propagande sont une insulte à l’intelligence des Tunisiens. Déchirer le voile opaque qui couvre les activités véreuses de vos proches contribue à l’intégrité de l’économie nationale.

Vous avez vos partenaires étrangers auxquels vous allouez une part de nos précieuses ressources en devises, soustraites aux besoins les plus pressants de nos jeunes diplômés chômeurs. Vous achetez à des tarifs prohibitifs des officines de lobbying pour farder votre image. Ces parties partagent avec vous l’objectif de maintenir notre peuple dans l’arriération et sous tutelle. Ils développent des conceptions postcoloniales prétendant que les régimes autoritaires sont les seuls qui conviennent à nos sociétés arabes qu’ils jugent indignes d’élections honnêtes, de presse libre ou de justice indépendante.

Est-ce notre jugement qui vous fait tant peur?

Nous n'avons face à votre puissance régalienne que notre autorité morale. C’est vous qui tenez en main tous les centres de décision, qui disposez sans contrôle des ressources publiques, qui accordez les marchés et les licences, signez les accords, privatisez les entreprises publiques, déclassez les terrains protégés. C'est vous qui donnez le feu vert pour que les marchandises non aurorisées entrent et sortent sans contrôle des services de douane. C’est vous qui contractez les prêts, hypothéquez nos biens et vous soumettez aux diktats des institutions financières internationales… est-ce notre jugement qui vous fait tant peur ?

Depuis plus de vingt ans vous avez systématiquement détruit nos sources de revenus pour tenter, vainement, de nous faire renoncer à notre engagement. Vous en avez tiré une certitude que nous ne sommes pas faits de la même argile. En 2006, à la suite de nos écrits sur la célèbre affaire des bateaux de luxe volés en Europe -acte hautement patriotique- vous avez réagi en initiant des représailles fiscales contre nous. Un des agents chargés d’imposer ces sanctions, désorienté de ne rien trouver à se mettre sous la dent (ni maison, ni voiture, ni compte en banque…), s’était exclamé: «comment arrivez-vous à survivre?»

Oui, nous survivons depuis onze ans grâce à Dieu et à la solidarité. On ne s’est pas enrichis, car cela ne fait toujours pas partie de nos priorités. Nous n’avons rien à cacher. Nous sommes disposés à nous présenter devant un jury d’honneur pour répondre à vos accusations malhonnêtes, bien que n’ayant jamais eu aucun rapport avec l’argent public.

Vous vous êtes engagés, il y a vingt deux ans, à publier un état du patrimoine des détenteurs de responsabilités publiques. Comme vous tenez toujours parole, je vous demande de publier le vôtre et celui de vos proches, à l’heure actuelle et ce qu’il était il y a vingt deux ans.
Puisque la transparence est votre souci, auriez-vous le courage de publier les comptes du 2626, les rapports de la Cour des comptes, le rapport financier du RCD, celui de l’association de bienfaisance Besma, les conditions de cession des sociétés publiques?

Je suis certaine que vous n’aurez aucun inconvénient à faire toute la lumière sur l’acquisition des propriétés nouvellement acquises par vos proches, dont la construction gigantesque de Sidi Bou Saïd, contigüe au château d’eau de la SONEDE; Vous ne rechignerez certainement pas à rendre publiques les conditions de privatisation de la société Ennakl, la cession des actions de l’Etat dans la société Nestlé Tunisie. Enfin, les conditions d'attribution de la téléphonie à Orange? Et vous n’aurez aucune gêne à montrer que vos proches s’acquittent convenablement de leurs redevances fiscales.

Loyauté à la Tunisie, pas à votre régime

La Trahison de la Tunisie que vos mercenaires de la plume reprennent comme une litanie, c’est exactement ce que nous nous vous reprochons!
Lorsque nous dénonçons les injustices sociales, le clientélisme de votre parti, la corruption, la torture, le pillage des biens publics, les passe-droits, les violations des droits des citoyens, le chantage au passeport….etc, c’est précisément parce que nous avons une toute autre idée de la République et que nous ne nous résignons pas à la voir partir en lambeaux en toute impunité.

C’est par fidélité à la Tunisie que tous ces défenseurs vous combattent ; c’est pour restaurer ses acquis et ses valeurs qu’ils exposent leur liberté, leur sécurité et leurs biens à la rapacité de votre machine policière.
Notre loyauté va à cette Tunisie que nous aimons et défendrons sans répit, pas à votre régime qui l’a prise en otage et pillée.
Enfin, sachez que votre acharnement nous honore. Votre courroux nous stimule et nous rassure sur la validité de nos choix. Vous pouvez promulguer vos lois liberticides, installer vos tribunaux d'inquisition et dresser vos potences, nous poursuivrons notre chemin avec la même sérénité et la même foi en la justesse de notre cause; quant à vos hyènes hystériques et leurs calomnies, on ne les élèvera jamais au-dessus de notre dédain.

Sihem Bensedrine

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