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Tunisie: Menaces de mort contre des opposants

non content d’harceler et d’emprisonner tous ceux qui osent une critique, le régime de Ben Ali  perd son sang froid et menace de mort les journalistes et les opposants. Deux d’entre eux — Ahmed Bennour et Slim Bagga — tirent la sonnette d’alarme et publient ce communiqué.

Depuis de très nombreuses années, nous sommes la cible d’une campagne haineuse et indigne de diffamation par des journaux de caniveau, financés par le contribuable tunisien par le biais de l’ATCE (Agence tunisienne de communication extérieure- étatique). Il ne fait pas l’ombre d’un doute que cette campagne est commanditée par le plus haut sommet de l’Etat tunisien et le ministère de l’Intérieur.

Des sources très fiables et concordantes nous ont assurés que les articles insultants et diffamatoires parvenaient rédigés aux rédactions concernées directement d’une cellule siégeant au Palais de Carthage. Force est de constater que chaque fois que le régime de Ben Ali se trouve en mauvaise posture et que son image est écornée sur le plan international, les insultes et les dénigrements franchissent un palier supplémentaire se transformant en de graves accusations et des menaces de mort. Ainsi, en 1992, lors du procès de Moncef Ben Ali, frère de l’actuel Président, impliqué comme chef d’un réseau de drogue démantelé en France, connu sous le nom de Couscous Connection, et condamné à 10 ans de prison par un tribunal français, Ahmed Bennour a été accusé d’avoir livré des informations permettant au Mossad d’assassiner à Paris à la même époque, le militant Atef Bsissou, collaborateur du leader palestinien Abou Iyad, numéro 2 de l’OLP. Cette scandaleuse désinformation et ces graves accusations avaient pour but de livrer M. Ahmed Bennour à la vindicte de groupes extrémistes palestiniens. Une intervention vigoureuse de la France, qui a enquêté sur le meurtre de M. Bsissou et un communiqué sans ambage de M. Arafat, lavant M. Bennour de tout soupçon, « évoquant une affaire tuniso-tunisienne et déplorant l’instrumentalisation de la cause palestinienne », ont permis de mettre fin à cette grossière manipulation. D’ailleurs, le juge anti-terroriste français qui avait instruit cette affaire d’assassinat du regretté Bsissou a fini par identifier les auteurs et les commanditaires de cet assassinat. Ironie du sort, en 1996, le même Moncef Ben Ali a été retrouvé mort dans un appartement en plein Tunis dans des circonstances toujours non élucidées. Après cette péripétie qui a permis de lever le voile sur les méthodes grossières de désinformation du système et sa véritable nature, les attaques contre les opposants au régime de M.Ben Ali n’ont guère cessé, et des torchons tunisiens ont même vu le jour en France pour menacer ceux-ci et les traîner dans la boue ainsi que leurs familles (« Les Masques », « Solidarité tunisienne », « La Vérité »), créés grâce aux deniers de l’Etat en appui à la presse de service déjà existante à Tunis telle « El Hadath » (L’Evénement), « Kol Ennas » (Toutes les gens), « Echourouq » (L’Aurore), « Essarih » (Le Franc-tireur), « Les Annonces » etc. Ces menaces aboutiront entre 1995 et 1997 à trois graves agressions contre des militants tunisiens (Mondher Sfar qui a été balafré au couteau, et Ahmed Manaï, par deux fois sauvagement attaqué à l’aide de battes de base-ball, à la suite de la sortie de son livre : « Jardin secret du Général Ben Ali » où il évoquait la torture qu’il avait subie dans les geôles de M. Ben Ali) et ceci à Paris et en région parisienne. Jusqu’en 2007, le journaliste Slim Bagga a reçu, pour sa part, à son adresse parisienne pas moins de huit lettres de menaces postées à Beyrouth (Liban), à Damas (Syrie), au Caire (Egypte) et à Paris lui prévoyant une fin proche à cause de prétendues relations qu’il entretiendrait avec le Mossad israélien. Aujourd’hui, suite à la parution du livre « La Régente de Carthage », de Nicolas Beau et Catherine Graciet, aux Editions de La Découverte, et suite aux articles de presse dénonçant le système mafieux et corrompu à la veille des élections du 25 octobre 2009 en Tunisie, une campagne d’une rare véhémence a été déclenchée à Tunis généralisant les insultes et les diffamations contre les principaux ténors de l’opposition (Sihem Bensedrine, Moncef Marzouki, Khemais Chammari, Nejib Chebbi, Kamel Jendoubi, Kamel Laabidi etc.) les accusant de connivence avec le Mossad et Israël. Ces articles promettent à ces « traîtres » un châtiment exemplaire par des groupes palestiniens et libanais : le Hezbollah libanais, le Hamas palestinien et les Brigades Kassem du Jihad islamique palestinien. Dans sa dernière livraison du 19 décembre, l’hebdomadaire « Kol Ennas », financé par l’ATCE précise même que « selon ses sources, les groupes précités commenceront bientôt à mettre en exécution leurs plans ».

C’est dans ce contexte que nous avons reçu quasi simultanément les 16 et 17 décembre 2009, à nos adresses personnelles, en provenance de Beyrouth, deux lettres nous promettant les pires châtiments dans peu de temps. Le style calligraphique de rédaction de ces lettres prouve s’il en est besoin que le régime tunisien cherche à terroriser ses adversaires et qu’il semble entretenir des contacts avec des groupes violents. De plus, les accusations qui y sont contenues sont "signées" et donnent un large aperçu sur leur auteur. D’autant que depuis 22 ans que M. Ben Ali est au pouvoir, les accusations de connivence avec le Mossad reviennent systématiquement comme un leitmotiv pour accabler ses adversaires politiques. Ce fut le cas avec l’ancien Premier ministre, Mohamed Mzali ; l’ancien directeur du Parti au pouvoir du temps de Bourguiba, Mohamed Sayah ; l’ancien secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Mohamed Salah Mahjoubi dit Chedli Hammi, nommé pourtant par Ben Ali lui-même en 1987, le militant Khemais Chammari et tant d’autres.

Tandis qu’au même moment, et toujours sous le règne de M. Ben Ali, les relations avec Israël ne se sont jamais mieux portées tant sur le plan des échanges économiques et commerciaux que sur le plan politique, dans le secret le plus total, en flagrante violation et au mépris des recommandations et résolutions de la Ligue arabe. Il est à se demander comment M. Ben Ali peut-il à la fois prétendre être le champion de la lutte anti-terroriste en labélisant cette lutte pour séduire et tromper les capitales occidentales, tout en lançant des appels au crime à travers la presse qu’il finance et en incitant des groupes palestiniens à venir en France assassiner ses propres adversaires politiques ? Comment aussi peut-il se présenter comme un soutien indéfectible à la lutte pour la libération de la Palestine, alors qu’il instrumentalise cette cause palestinienne pour déshonorer ses adversaires politiques et tenter de les éliminer ?

Les attitudes contradictoires du régime tunisien et les questions qu’elles suscitent peuvent se multiplier à volonté. Mais ce qui est indiscutable est que le pouvoir est aux abois vu le discrédit total dont il est frappé tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. Le verrouillage politique, le cloisonnement de tout espace de liberté, l’ampleur du pillage des entreprises publiques et la corruption à l’échelle des clans et leur enrichissement illicite, la succession ouverte et donnant lieu à une lutte acharnée au sein de ces mêmes clans dans l’opacité la plus totale : il en résulte que le pouvoir et ses groupes mafieux se trouvent dans une impasse totale et qu’ils seraient tentés de commettre l’irréparable croyant pouvoir ainsi neutraliser l’opposition en la terrorisant. Nous avons décidé de porter plainte auprès des tribunaux compétents afin de poursuivre les auteurs de ces menaces. Nous prévenons les commanditaires de ces menaces de mort qu’elles ne nous font pas peur et qu’elles ne nous feront jamais renoncer au combat que nous menons depuis bientôt deux décennies contre un régime qui terrorise tout un peuple au moyen du crime, de la torture systématique, du chantage, du pillage des biens publics, et de la corruption devenue l’emblème de la dictature du locataire de Carthage. Nous appelons les Autorités françaises à enquêter et à poursuivre en justice les commanditaires de ces menaces de mort et leurs complices éventuels se trouvant ou non sur le sol français sous couvert diplomatique ou autre.Nous appelons aussi les ONG françaises et les amis de la Tunisie libre à dénoncer les dérives criminelles d’un régime qui est en train de jouer ses dernières cartes et qui peut recourir à des actes aussi désespérés que totalement vains.

Paris, le 23 décembre 2009

Ahmed Bennour Ancien secrétaire d’Etat. Ancien ambassadeur
Slim Bagga Journaliste, Fondateur de "L’Audace", mensuel tunisien d’opposition

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