La polygamie n'entraînera pas la déchéance de nationalité
Eric Besson et Brice Hortefeux se sont opposés sur le périmètre à donner à l'élargissement des conditions de déchéance de la nationalité. Crédits photo : AFP
Chargé de choisir entre différents projets d'amendements, Nicolas Sarkozy a décidé d'étendre la déchéance de nationalité aux seuls meurtriers des membres des forces de l'ordre et dépositaires de l'autorité publique. La proposition de Brice Hortefeux n'a pas été retenue.
Le discours de Grenoble, et rien de plus. Chargé d'arbitrer entre plusieurs projets d'amendements encadrant le projet d'élargissement des cas de déchéance de nationalité, Nicolas Sarkozy a décidé lundi matin de s'en tenir à la mesure annoncée fin juillet en Isère. La déchéance de la nationalité ne sera ainsi étendue qu'aux seuls meurtriers des membres des forces de l'ordre et dépositaires de l'autorité publique. Le chef de l'Etat souhaite que soit adoptée «la possibilité de retirer la nationalité française, dans un délai de dix ans après l'accession à la nationalité française, à ceux qui portent atteinte à la vie d'une personne dépositaire d'une autorité publique, en particulier les policiers et les gendarmes». Et Nicolas Sarkozy de préciser que la mesure doit être mise en œuvre «dans les meilleurs délais»: l'amendement devra dans tous les cas être prêt à être intégré au projet de loi sur l'immigration soumis à partir du 27 septembre à l'Assemblée nationale.
Une petite victoire pour Éric Besson, qui limitait son projet d'amendement à une stricte traduction juridique des vœux du chef de l'Etat. Le ministre de l'Immigration propose d'ajouter l'alinéa suivant à l'article 25 du code civil, qui prévoit les conditions de déchéance de nationalité: «Celui qui a été condamné à huit (ou dix ans) en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et commis en particulier contre une personne dépositaire de l'autorité publique».
Les explications d'Éric Besson:
Plus d'infos en vidéo sur itélé.fr
Un camouflet pour Hortefeux
La pilule risque d'être lourde à avaler en revanche pour Brice Hortefeux. La proposition du ministre de l'Intérieur de faire de lapolygamie de fait un motif de déchéance a été rejetée par l'Elysée. Brice Hortefeux, qui s'est beaucoup investi dans l'offensive sécuritaire de la majorité cet été, prévoyait de punir «le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage, de tirer profit ou de partager le produit, de manière habituelle, de prestations sociales indûment perçues». Un amendement très instable juridiquement selon les autres ministères, et qui risquait d'être retoqué par le conseil constitutionnel. Si la déchéance de nationalité est désormais exclue pour un tel délit, Nicolas Sarkozy a toutefois souhaité un renforcement des «sanctions pour fraude aux prestations sociales» dans le cadre de la polygamie, sans donner plus de détails.
Si le chef de l'Etat a clairement privilégié la ligne d'Eric Besson au détriment de Brice Hortefeux, le ministre de l'Immigration tient cependant à préciser qu'«il n'y a pas eu de match avec Brice Hortefeux. On porte le même maillot, le maillot du gouvernement français, le maillot de l'équipe de France».
Les Roms en ligne de mire
Lors de la réunion d'arbitrage, le chef de l'Etat a aussi abordé le problème des Roms, l'autre grand axe de son offensive sécuritaire. Nicolas Sarkozy a décidé de mettre en œuvre «une réforme de la loi sur l'immigration pour faciliter la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, y compris, dans certaines circonstances particulières, des ressortissants de l'Union européenne». Ces expulsions seront facilitées «en cas de menace pour l'ordre public, en l'absence durable de moyen de subsistance ou d'abus du droit à la libre circulation», indique l'Elysée. Nicolas Sarkozy a également demandé «un renforcement des pouvoirs du préfet pour faire cesser l'occupation illicite de propriétés publiques ou privées et l'évacuation des campements illégaux».
Le chef de l'Etat a également souhaité une «mission d'expertise» pour «examiner les conditions d'une extension de la procédure d'opposition à l'acquisition de la nationalité aux mineurs condamnés à de la prison».
En ce qui concerne la lutte contre l'insécurité, Nicolas Sarkozy a rappelé trois mesures qui doivent être examinées dans le cadre de la Loppsi 2 (loi sur la sécurité intérieure) au Sénat, à partir de mardi : une peine de prison de 30 ans incompressible pour les assassins de policiers et de gendarmes, la généralisation des peines planchers pour les auteurs de violences aggravées et l'élargissement du recours au bracelet électronique pour les multirécidivistes au terme de leur peine. L'Elysée souhaite que ces mesures soient appliqué «avant la fin 2010».
» Déchéance de la nationalité, mode d'emploi
» La déchéance de la nationalité à travers l'Europe