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L'Egypte et le SILA : Heureusement, tonton Smaïl veille !

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Après quelques mois  paisibles, la guerre des mots  algéro-égyptienne semble se réanimer. La raison provient de cette déclaration de M. Smaïl Ameziane, commissaire du Salon international du livre d’Alger (SILA) : « Ma conscience ne me permet pas d’inviter les Egyptiens, aujourd’hui, bien que parmi eux, il y a des amis. C’est par respect pour le peuple algérien et les gens qui ont été maltraités au Caire […] ». S’agit-il d’une nouvelle campagne d’hostilités ? Voyons de plus près de quoi il en est.

Des articles de presse sont publiés condamnant la décision de M. Ameziane et une pétition fut initiée par un « groupe d’intellectuels » résidant en Amérique, en Europe ou en Algérie. Ses contradicteurs l’accusent d’être un « commissaire politique » qui censure une exposition de livres afin de satisfaire « la lie de pseudo-supporters inculte et dévoyés », sous prétexte de défendre la dignité du pays et son histoire. Or, ajoutent-ils, cette interdiction privera les intellectuels de l’apport culturel du plus grand pays producteur d’idées du monde arabe ; elle  ravivera également la « guerre du football », source de la crise, alors que les équipes de l’ESS et de la JSK rencontrent leurs homologues égyptiennes.
Il est vrai que la décision de M. Ameziane est politique, puisqu’elle interdit la participation d’un pays au Salon du livre. Mais, n’est-elle pas justifiée après tant d’animosité des Egyptiens envers l’Algérie ? 
Pour les contestataires, le boycott politique est réservé uniquement aux « causes nobles, tel que l’apartheid ou la Palestine ». Cependant, la défense de la dignité du pays, du drapeau et des martyrs n’est-elle pas une cause noble pour les Algériens dignes de ce nom ?
Certaines voix rétorquent qu’il faut dans ce cas là interdire le Salon aux éditeurs de France, de Tunisie et de Libye. Mais, n’est-ce pas à nos parlementaires d’initier des lois condamnant les méfaits du colonialisme (en réponse à la glorification de l’« œuvre coloniale » par les députés français) ?
Quant aux supporters blessés par les CRS, à Sfax en 2004, et à l’emprisonnement arbitraire des Algériens en Libye, n’est-ce pas à l’état qu’incombe le rôle de protéger les Algériens où qu’ils soient ?
L’absence des éditeurs égyptiens au SILA  évitera de rouvrir les blessures occasionnées par l’atteinte à l’intégrité physiques des personnes et à la profanation de nos symboles les plus chers. En effet, quelle sera la réaction du supporter ou de l’étudiant lynché au Caire en voyant son agresseur souriant proposant sa marchandise sur un stand ? Pourra-t-on se maîtriser en voyant un écrivain, ayant déversé des insanités sur notre pays, en train de dédicacer joyeusement son dernier livre ?
Le mépris des classes populaires par ces « intellectuels » ne mérite pas de commentaire. Par contre, que dire de la qualité et de l’utilité des idées produites en grande quantité par l’Egypte ?
Certes, les équipes sportives des deux pays disputent des rencontres, mais celles-ci se déroulent sous l’égide des instances internationales, contrairement au SILA. Le boycott de l’Egypte exposerait notre pays à de lourdes sanctions, allant jusqu’au bannissement du mouvement sportif mondial.
M. Ameziane semble s’exprimer au nom des Algériens qui refusent que la mémoire de nos martyrs soit piétinée, notre drapeau brûlé, nos compatriotes massacrés, c’est une question de « nif », de dignité. Surtout que la cause du conflit n’est peut-être pas dans la « guerre du football », mais proviendrait des frustrations passées et du besoin maladif de suprématie qui hante nos adversaires.

L’une des raisons de cette haine dérive de notre révolution. Bien des Moyen-orientaux ont un ressentiment envers les Algériens, ces « Arabes cassés », qui ne les ont pas libérés de l’humiliation israélienne, comme ils l’ont fait pour leur pays. En retour, chacun se venge comme il peut : en nous agressant pour un match de football, en exterminant nos outardes et nos gazelles, etc.
L’autre cause découle de la mentalité de cette nation qui se qualifie de « Mère du monde » : n’est-ce pas leur divinité Râ qui fait lever le soleil tous les matins ? Dès le début, les Egyptiens ont voulu asservir la révolution algérienne, toutefois ils ont échoué grâce au  CCE puis au GPRA. Obstinés, en 1962 ils réussiront à placer leur homme de confiance au sommet de l’Etat. Et ce fut le déferlement des « oustaz-cordonniers », des « frères musulmans », des films et feuilletons, des « douktours » (alors que les sages de nos zaouïas étaient ignorés, voire emprisonnés). Malgré cette suprématie, ils n’ont pas atteint l’objectif fixé par Nasser : « El Gazaïr tekfina wa tekfikoum » (l’Algérie nous suffit et vous suffira).
Cette domination durera jusqu’à l’« Opération Khartoum » : les Algériens déferlèrent sur cette ville telles des sauterelles et aussitôt la peur changea de camps. Ayant perdu sportivement le match, les Egyptiens organisèrent quand même un conseil de guerre en pleine nuit. Et ce fut encore la chasse aux Algériens en Egypte, notre drapeau sera brûlé, la mémoire de nos martyrs profanée. Il est vrai que cette déroute brouilla le plan de l’intronisation du fils à la place du père. En revanche, les autorités algériennes gardèrent leur calme,  tout en considérant comme prises de guerre les entreprises ayant participé aux affrontements. Cette dynamique de redressement national durera-t-elle ou s’essoufflera ? Seul l’avenir nous le dira.
Après l’exploit d’Omdourman, voilà celui d’« Oum dounia » : dix lions du Djurdjura tinrent tête à onze pharaons dans leur antre du Cairo-stadium. Bravo ! JSK. 
Pourtant, le vent de la compromission débuta dans ce milieu du football, initié par nos deux big boss.
Le premier s’est rendu avec son équipe en Egypte pour un stage de quelques jours, alors qu’en novembre dernier, sans l’intervention d’un Tunisien il aurait été lynché dans une rue du Caire.
Le second n’a pas cessé de proclamer que les rencontres entre la JSK et les équipes égyptiennes serviront pour réconcilier les deux  « pays frères », comme s’il était le représentant politique de l’Algérie, ni même de la Kabylie. Qu’il se contente d’être un excellent présidant de club de football en jouant contre les égyptiens froidement (sans amour, ni haine), comme il l’a brillamment fait au Caire.
Ces deux regrettables démarches furent brandies en exemple par le « groupe d’intellectuels » pour justifier leur scandaleuse initiative. En effet, ils sont traumatisés par l’interdiction de la littérature égyptienne dans un salon, alors qu’ils furent insensibles à la détresse humaine des Algériens lynchés au pays des pharaons.  Pourtant, les Egyptiens ne nous ont jamais demandé pardon, ils n’ont même pas reconnu leurs viles actions ; et Samir Zaher, qui fut destitué, est aujourd’hui réhabilite. Ils veulent revenir chez nous uniquement pour profiter de nos milliards de Dollars, tout en préservant leur « grandeur ». En revanche, qu’avons-nous à gagner avec eux pour nous précipiter sur la réconciliation ?
 En conclusion, il est trop tôt pour tourner la page en cédant aux appels des compatriotes amnésiques qui semblent négliger le passé et les principes. Ces « élites » n’apportent pas leurs « sciences » pour aider notre pays qui patauge dans la médiocrité, elles nous incitent à la compromission afin de réhabiliter une autre nation. Pour comprendre quelque peu leurs actions, il est nécessaire de les classer en trois groupes afin de saisir leurs motivations.
Les « savants ».  Ayant atteints les sommets de la compétence professionnelle, ces individus ont tendance à rester dans la bulle de leur milieu douillet en négligeant les besoins des classes défavorisées. Résidant à l’étranger, certains d’entre eux sont complètement déconnectés de notre réalité. Ils ont signé cette pétition peut-être pour défendre la liberté d’expression qui est importante dans leur vie.
Les « politiques ». A la pointe de tous les combats démocratiques, ils deviennent méfiants dès que la lutte n’est pas dirigée contre le Pouvoir, car ils voient partout la « main des Services ». Marqués par la répression, aujourd’hui par vengeance ils défendent les profanateurs des valeurs sacrées de la nation. Ils inspirent de la tristesse, car les voilà avec Zaher le pyromane et Amr Adib le grand « bourourou » (hibou), alors que leur place est parmi Dilem le rebelle et tous les Algériens qui marchent debout.
Les « vautours ». Ce groupe est attiré par les biens matériels : pour eux tout se vend et s’achète, y compris la dignité. Sachant que les sommes en jeu dans notre économie sont de grande importance, certaines parties évincées tentent de revenir, moyennant finance. Les vautours pourraient leur faciliter la tâche à l’aide de plusieurs artifices : peut-être que certains articles de presse carburent déjà au bakchich.  
Afin de rester dans la description des acteurs, il est utile de signaler que l’auteur de ces lignes fait partie des protagonistes de la guerre médiatique. En réponse à Amr Adib, le 20 octobre fut publiée sur TSA (rubrique « Sport ») la contribution intitulée « Répliques aux Egyptiens », celle-ci sera suivie par onze autres. Dur, mais dépourvu de haine envers l’adversaire : il a juste répondu à l’appel du devoir.

C’est ce devoir qui a incité M. Méziane à ne pas inviter les Egyptiens, même si parmi eux il compte des amis, car l’intérêt collectif (respect pour le peuple algérien) prime sur l’intérêt personnel (perte d’amis ou de marchés, se faire des ennemis, etc.).
Le devoir et la dignité sont ignorés par ses adversaires qui s’en tiennent à la défense de la culture par tous les moyens, ramenant le conflit à une débile « guerre du football ». Alors qu’en cherchant un peu plus loin, on découvre que la cause provient du besoin de domination qui prend ses racines dans l’histoire. En s’obstinant à exiger la présence des Egyptiens, ils se transforment en dangereux pyromanes qui risquent de déclencher les feux de l’enfer ; les blessures étant encore béantes, la vue des agresseurs incitera certains à se faire justice, ce qui transformera le Salon du livre en champ de bataille.
Fort heureusement nous n’en sommes pas encore là, car tonton Smaïl veille. Tel un aigle royal déployant ses ailes dans le ciel, le commissaire du SILA surveille son territoire.

Boudjemâa Tirchi

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