Caméra cachée
Quand les lignes rouges sont dépassées
Le mois de Ramadhan est bel et bien terminé et il est temps de faire des bilans concernant la grille ramadhanesque de l'ENTV pour cette année.
D'habitude, c'est le côté qualité du produit qui pose problème, mais cette année, l'aspect «déontologique» des programmes entre en «jeu» à l'exemple des caméras cachées. Ce genre d'émissions ne devrait-il pas avoir quelque part, dans ses pratiques, des limites réglementées par l'éthique et la déontologie ? Des échos recueillis mettent en exergue cette question que se posent beaucoup de citoyens blidéens, entre autres et non des moindres qui ont suivi régulièrement les différents épisodes de l'émission de la camera cachée. Beaucoup de téléspectateurs s'en prennent particulièrement au contenu qualifié de burlesque et agressif de certains épisodes de cette émission.
En effet, accoster à l'esbroufe des citoyens paisibles et vaquant à leurs besoins quotidiens pour les accuser de délits passibles de peine de prison ferme allant de dix ans et plus, cela donne des sueurs froides dans le dos de la victime tombée dans le traquenard des éléments de la caméra invisible. «On prend les gens pour des imbéciles ou quoi ! Cela veut dire quoi d’accuser un passant, la quarantaine dépassée, d'avoir volé un téléphone portable, d'être en possession de stupéfiants, de cannabis, de cocaïne ou
autres ?», débite, ahuri, un habitant du centre-ville de Blida, sirotant un jus à la cafétéria Essalem (sise Bab Essebt).
Le fait est d'autant plus grave que ce soit sur le plan réglementaire ou sur l'impact psychologique que peuvent causer ces jeux dangereux, au point où des agents, en faction, vous traînent dans un fourgon pour vous extirper des aveux de faits criminalisés par le code pénal algérien. Si dans son essence première aucun ne conteste l'originalité de cette émission, c'est en revanche le choix des contenus qui est, s'accordent à dire nos interlocuteurs, «parfois ostentatoirement arrogant et humiliant. Certains passages risquent même de casser l'image de la victime dans son quartier, dans son foyer où sur le lieu de travail». «Au-delà de la dignité du citoyen lambda qu'on fait tomber dans le traquenard, la dose de choc que subit un citoyen qu'on accoste pour un fait très grave peut par exemple lui causer des dommages irréparables tels que lui amorcer une hyperglycémie, une crise cardiaque pour des personnes déjà malades ou tout autre manifestation d'ordre psychosomatique…», affirme un de nos interlocuteurs, médecin de formation.
«L'exemple à suivre, c'est peut-être les contenus de la même rubrique qu'on passe outre- mer : piéger par exemple des célébrités par des subterfuges tout sympathiques en fouinant par exemple dans le passé de telle ou telle renommée pour trouver le trait original, le sens de l'humour, découvrir une star dans une situation indélicate, c'est cela que le public aime voir et cela devrait constituer le sens même de cette catégorie de rubrique. D’ailleurs, il y a eu pendant ce Ramadhan une émission dans ce sens passée par l'Entv et d'après mes échos cela a réussi. Les télespectateurs cherchent des pièges télé de qualité qui instruisent et délassent en même temps», argue un autre. Aux yeux de la loi, nous dit-on, le citoyen piégé a toutefois le droit de refuser la diffusion de la séquence en question sur l'antenne de l'ENTV ou tout autre support télévisuel. Dans le même sens, beaucoup se demandent quel est le rôle des associations des droits de l'homme et des légistes dans la protection du citoyen contre ces dépassements qu'on tend à banaliser via des espaces de communication aussi importants que celui de la télévision, qualifiée, à juste titre, de média lourd.