La principale raison pour laquelle Bouteflika a bloqué la requête des 25 députés de créer une commission d'enquête parlementaire sur la corruption, est que son entourage direct est corrompu et qu'il a le devoir, en qualité de parrain, de les protéger. C'est la définition même d'une République bananière : elle est dirigée par un dictateur et une bande de copains de tous bords soumis et corrompus, le temps de mandats pour s'enrichir rapidement sans scrupules sur le dos du peuple. En l’absence de contre-pouvoirs efficaces et en raison des pouvoirs discrétionnaires dont il dispose, un gouvernement autoritaire devient plus vulnérable à la corruption. Sous Bouteflika, c’est le règne de la ploutocratie, un système de gouvernement où l'argent constitue la base principale du pouvoir. « Bouteflika a voulu s’emparer de tous les postes, celui de ministre comme celui de député ou celui de maire. C’est pour cela qu’il n’y a plus aujourd’hui d’autorité nulle part, celle de l’Etat, celle du maire ou celle du ministre… Il faudra résoudre ce problème d’autorité après le départ de Bouteflika. Le problème qui est majeur pour moi, c’est que, depuis l’indépendance, nous ne sommes pas en face d’un pouvoir personnel ou d’une dictature, éclairée ou non, mais d’un pouvoir débridé», nous disait feu Chérif Belkacem.
L’Etat néopatrimonial est une sorte d’Etat avorté et la corruption lui est consubstantielle. Il repose sur le pouvoir personnel. .A trop vouloir substituer une société en éveil par une société asservie, à vouloir étouffer l’élan populaire et les institutions de contrôle, il a fait le lit de la corruption. Profitant de la décapitation des contre-pouvoirs par Bouteflika, de la déconsidération de l’Etat, vidé de son autorité, ils ont poussé comme des plantes vénéneuses.
L’opinion nationale n’en revient pas : les délinquants sont à l’intérieur de l’appareil de l’Etat !
Qui est cette "bande de copains de tous bords soumis et corrompus, le temps de mandats pour s'enrichir rapidement sans scrupules sur le dos du peuple" que Bouteflika a le devoir, en qualité de parrain, de protéger ?
Chakib Khelil, bien sûr, au coeur du scandale Sonatrach. Saïd Barkat, ancien ministre de l’Agriculture (ancien ministre de l'agriculture puis de la Santé), et qui aurait détourné 70% des aides agricoles destinées à 14 départements du Sud algérien, rapporte El Watan du 21 janvier. Sans être inquiété. En outre, selon El Watan, citant des sources proches du dossier de l'autoroute est-ouest, plusieurs personnalités importantes ont été citées, parmi elles Mohamed Bedjaoui (ancien ministre des Affaires étrangères), Chakib Khelil (ministre de l’Énergie), Abdellatif Benachenhou (ex-ministre des Finances), des officiers supérieurs des services de sécurité comme le colonel Khaled (conseiller du ministre de la Justice), deux autres colonels et un général à la retraite. Et… Pierre Falcone, qui serait intervenu en faveur des entreprises chinoises auprès de ses « amis » algériens.
Et il y a des gens dont on ne parle pas, ou dont on ne parle plus. Qui sont-ils ? Des hommes liés à Bouteflika et protégés par lui.
Prenons trois exemples : Mohamed Rédha Hemche, ex-directeur de cabinet du PDG de Sonatrach, considéré comme le chef d’orchestre de la magouille révélée en janvier 2010 ; Amar Saïdani, ancien président de l’Assemblée nationale algérienne ;
Mohamed Bouricha, wali de Blida.
Les trois ont un privilège commun : ce sont des proches du président.
Mohamed Rédha Hemche, est le neveu de Chakib Khelil ministre de l’Énergie, mais surtout natif du même village que le père de Bouteflika ! Il a été ramené par Chakib Khelil à la Sonatrach en 2001.
Amar Saïdani est l’ancien président du comité national de soutien au candidat Bouteflika lors de l’élection présidentielle de 1999 et de 2004. Sa société-écran s’appelle Al Karama, allusion à la formule du Président !
Mohamed Bouricha, originaire de Tlemcen, c'est-à-dire de la région chérie par la famille Bouteflika, fut l’un des principaux animateurs des comités de soutien au candidat Bouteflika lors de l’élection présidentielle de 1999 et 2004,. A ce titre, il a d’ailleurs mené une hystérique campagne pour le président-candidat aux élections de 2004 et n’a jamais manqué de lui manifester son allégeance.
Tous les trois ont commis de lourds délits.
Hemche est considéré comme le chef d’orchestre de la magouille révélée en janvier 2010. Le cerveau des plans de détournement de l’argent de Sonatrach et des contrats douteux. Il fut au centre du scandale de la tour Chabani, achetée dix fois son prix par Sonatrach, D’autres sources citent précisément les 4 milliards versés par Sonatrach par son intermédiaire pour l’achèvement de la dite tour et les 73 milliards de dinars distribués aux associations fidèles au Président, quand il était chargé du sponsoring à Sonatrach (un département qui n’existe pas dans l’organigramme). Toujours selon la presse, l’implantation des sociétés turques en Algérie devraient beaucoup à sa seconde femme, turque (la première était française). Hemche aurait dépensé jusqu’à 8 millions d’euros en thalasso, hôtels et restos avec Khelil et Meziane entre la France, Genève et les USA, signé une convention avec une clinique suisse pour tous les hauts cadres de Sonatrach, etc. Seule certitude : son nom figure dans les dossiers transmis au juge d’instruction. Reste à savoir, qui, cette fois, le protègera de la justice.
L’ancien président de l’Assemblée nationale, Amar Saâdani, est entendu par un juge de Djelfa pour avoir détourné des fonds publics, pendant qu’il était au perchoir, à l’aide de sociétés écrans ! L’affaire porte sur plus de 300 millions d’euros du programme de soutien à l’agriculture..
Le préfet Bouricha « revendait » pour son compte des terres agricoles appartenant à l’Etat et traitait de manière frauduleuse avec quatre hommes d’affaires qu’il faisait bénéficier de terrains et de marchés douteux en contrepartie de commissions en espèces et en nature. Il a notamment fait acheter par l’hôpital psychiatrique de Blida, et par cinq communes relevant de son territoire, des marchandises surfacturées par son complice Boukrid, un trafiquant de voitures qui, en retour, l’a gratifié de généreuses ristournes. La gendarmerie a établi que Boukrid s’adonnait à la contrebande de voitures avec le propre fils du wali qui, bien entendu, agissait sous la couverture de papa. Avec son autre acolyte El-Hadj, un promoteur immobilier, Mohamed Bouricha a passé un marché encore plus juteux : l’octroi d’un terrain de l'Etat, incessible, en échange de deux somptueuses villas à Alger et d’une limousine au volant de laquelle le très fantasque préfet avait même l’impudence de s’afficher publiquement ! Bouricha avait aussi, selon les journaux, bénéficié d’une maison à Paris offerte par un riche industriel à qui il aurait facilité l’acquisition d’une usine textile.
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L.M.