Bouteflika organise l'impunité.
Hemche a été exfiltré d’Algérie dès l’éclatement du scandale. Sa nouvelle résidence : Montreux, en Suisse. Officiellement, nous apprend un site spécialisé , il s’agit d’une mise en retraite doublée d’un parachute doré de 8 millions de dinars en tant qu’allocation de fin de carrière – somme habituellement réservée à de très anciens cadres du groupe – et d’un placard doré puisqu’il aurait été envoyé dans la filiale Sonatrach International Holding Corporation filiale (Samco) à Lugano. Officieusement, le ministre de l’Energie aurait voulu mettre son protégé à l’abri des éventuelles retombées des malversations dans lesquelles il aurait trempé à l’époque où il était directeur de cabinet.
Bouricha, confondu au début de l’année 2005 de corruption, de dilapidation de deniers publics, d’usage de fonds étatiques à des fins personnelles, de trafic de terres agricoles et d’abus de pouvoir, a joui d’une incroyable impunité pour des délits impardonnables et avérés. Bref, ce fut un préfet très débrouillard et très riche qui fut démis de ses fonctions en mai 2005, placé sous contrôle judiciaire un an plus tard mais jamais incarcéré. Son fils, après un court séjour en prison, fut libéré en catimini, sans jamais avoir été jugé. Pour des délits dix fois moins graves, les Algériens anonymes ont passé cinq années d’enfermement !
Saâdani n’a jamais été jugé.
Hemche, Bouricha et Saâdani, ce sont les prototype de kleptocrates venus dans le sillage de Bouteflika.
Il serait faux d’affirmer que Bouteflika a créé la kleptocratie algérienne. Elle existait avant lui. Mais pas de cette ampleur. Bouteflika a renouvelé la kleptocratie sur des bases solides, en lui préparant le terrain, en la débarrassant des contre-pouvoirs, en vidant les institutions de leur autorité et en organisant l’impunité.
En dépit de ces affaires qui les éclaboussent, ni Amar Ghoul ni son collègue de l’Énergie, Chakib Khelil, n’ont démissionné de leurs postes. Au Parlement (Assemblée nationale populaire et Sénat) les ministres en question n’ont même pas été interpellés par les députés.
L’attitude du ministre Chakib Khalil et patron réel de Sonatrach s’offusquant de l’opportunité d’une enquête sur la gestion de Sonatrach, unique revenu de l’Algérie, est d’ailleurs édifiante : il en parle comme d’une entreprise privée ou familiale. Il oublie qu’il a une responsabilité au moins politique dans un scandale qui ébranle la douzième compagnie pétrolière mondiale et que lui-même n’ a reçu une autorité déléguée par le peuple que pour veiller à la bonne gestion d’un porte feuille public pour une période déterminée. Sans plus ni moins.
Pire, face à l’énormité du scandale, ces derniers n’ont même pas jugé utile d’initier une commission d’enquête. Quant au premier ministre Ahmed Ouyahia, il s’est borné à botter en touche estimant qu’ « existe une notion appelée la présomption d’innocence. Une fois les verdicts rendus, on pourra dès lors parler de responsabilité politique. Mais, je rappelle que ce n’est pas le cas» . Fermez le ban! Quant à la présidence de la République, c’est silence radio sur toute la ligne.
L'impunité a commencé avec l'affaire Khalifa. Ainsi, si les responsables des caisses de retraite ont été condamnés, le secrétaire de la centrale syndicale algérienne UGTA, Sidi Saïd, et le ministre du Travail de l’époque, l’islamiste Bouguerra Soltani, tous deux coresponsables de la gestion de ces caisses des œuvres sociales, n’ont pas été inculpés. Il en est de même de plusieurs ministres en fonction, tel Mourad Medelci, qui ont comparu comme témoins au procès. Quant à Abdelghani Bouteflika, frère du chef de l’Etat, et qui était l’avocat du groupe Khalifa, son nom ne figurait même pas dans le dossier d’instruction. Ni celui de tous ceux qui ont profité des largesses du golden-boy, cités par la justice ou par l’Inspection générale des finances, c'est-à-dire, en plus du frère du président, son chef de cabinet, son responsable du protocole, l’ancien président de l’Assemblée nationale Saâdani, les ministres Chekib Khelil, Belaïz et Toumi, le syndicaliste du pouvoir Sidi Saïd, et quelques dizaines d'autres.
Pour étouffer les noms des notables impliqués, et sans se soucier des retombées internationales, le pouvoir politique entreprend de liquider le groupe Khalifa dès 2003 alors qu’il aurait été plus judicieux de le nationaliser, de nommer un administrateur, d’assainir les comptes du groupe à l’instar de ce qu’avait fait l’Etat français dans les années 80 concernant le Crédit Lyonnais, et, partant, opter entre deux solutions: en faire un groupe public ou chercher un acquéreur privé national ou étranger. Et sauver ainsi des dizaines de milliers d’emplois.
L.M.